Dans Des vents contraires, Olivier Adam nous raconte l'histoire de Paul Anderen et de ses enfants, Clément et Manon. Depuis plus d'un an, ils tentent de survivre à la disparition de Sarah sa femme. Un jour elle est partie sans un mot, sans plus donner aucune nouvelle. Du jour au lendemain, le vide, l'absence. Restent les questions et la souffrance insondable, les interrogations des enfants. Un an à attendre un signe, un mot. Pour ne pas mourir définitivement, Paul décide de revenir à Saint-Malo, la ville de son enfance.

Ce roman oscille entre la souffrance et ces petits riens qui vous redonne l'espoir et l'énergie d'aller plus loin. Au petit matin la neige qui tombe sur la plage, les combats de sumo avec Manon, fillette de quatre ans, qui finissent en grands éclats de rire et séances de chatouilles ou bien la pêche aux coquillages juste après la grande marée avec l'oncle Alex.

Le parallèle entre les hauts et bas de la vie de Paul et de ses enfants, avec les variations du temps : les averses et coups de tabacs, la mer et ses marées des paysages malouins est vraiment réussi. C'est magnifique. Les gros nuages sombres, violets menaçants de fin de monde et ces éclaircies qui illuminent tout comme des coups soudain de projecteurs sur de petits riens. Ces moments si courts, si intenses qui aident à résister quand les courants mauvais sont trop forts.

Et puis il y a les rencontres, avec Justine, Brehel, Elise la douce, des élèves de l'auto-école familiale où Paul travaille avec son frère, Thomas et son père, Isabelle, ou un commissaire lui aussi mal en point mais surtout un peu plus perspicace que ses collègues. Ces autres chahutés ou écorchés par la vie me semblent pour Paul comme autant de petits îlots qui lui permettent de ne pas perdre tout à fait pieds. Ses retrouvailles pleines d'attentions bourrues avec son frère Alex et la luminescence de sa belle-soeur Nadine. Paul redevient un peu sociable... mais tout cela ne comble pas tout à fait le vide, l'effroyable vide de l'absence de Sarah sa femme. Même l'alcool ne saoule plus pour effacer les images de Sarah. Elles rongent le coeur et le corps mieux qu'un cancer.

La lecture du petit carnet de sa femme où elle raconte par bribes sa vie, son époux ses enfants n'arrange rien. Cette somme de fragments discontinus constituaient notre vie et dessinait en mosaïque l'image cohérente et reconnaissable de ce qu'il fallait bien nommer le bonheur, qui toujours nous échappe et ne prend sa forme qu'au passé.

Voilà encore un très bon et superbe roman, comme Olivier Adam nous a habitué à en écrire. C'est poignant, douloureux, mais chargé d'une humanité qui gonfle le cœur à chaque ligne. L'auteur nous offre avec Paul le très beau portrait d'un père luttant contre vents et marées de la vie pour la survie de ses enfants. Les émotions, les états d'âme sont à fleur de peau. On ne peut rester insensible.

Si vous aimez les romans lumineux et d'une force incroyable, cette histoire est pour vous.

Du même auteur : Les Lisières, À l'abri de rien

Dédale

Extrait :

Quand j'ai rouvert les yeux nous étions gelés tous les trois, le bruit de la mer était devenu le monde entier, nous contenait, nous digérait et c'était doux d'être ainsi dévorés, ensevelis, noyés, oubliés pour de bon. La nuit nous protégeait et à ce moment précis j'avoue avoir pensé que les choses allaient redevenir possibles, ici j'allais pouvoir recoller les morceaux et reprendre pied, nous arracher les enfants et moi à cette douleur poisseuse qui nous clouait au sol depuis des mois, à la fin la maison, les traces et les souvenirs qu'elle gardait de nous quatre, c'était devenu invivable, je ne sortais presque plus et les enfants se fanaient sous mes yeux, j'avais l'impression que la lumière rechignait à entrer et que tout ça finirait tôt ou tard par nous engloutir. Les herbes du jardin, le lierre et la vigne, le tamaris, tout semblait se refermer sur nous, nous recouvrir et nous enterrer vivants. Tout devenait jungle, et je nous croyais perdus dans le coeur noir des forêts. Il nous fallait fuir, je ne voyais plus d'autre issue, j'avais mis la maison en vente et nous étions là, c'était ici que nous allions tenter de vivre, dans cette ville au bord de la mer, j'y avais passé mon enfance et sans même avoir pris la peine d'y réfléchir, c'était à elle que je nous confiais désormais.


Éditions de L'Olivier - 255 pages