Les quatre chapitres de ce livre se répondent les uns les autres: L'idée de musique cultivée, L'interprétation, La Nouvelle Musique, Le spectaculaire. Par musique cultivée, Baricco entend ce que les néophytes appellent généralement la musique classique. Il s'interroge sur cette musique, son public, sa survie, ainsi que sur ce qui lui apparaît comme une excroissance: la Nouvelle Musique ou la musique contemporaine. Soulignons à ce propos que le quatrième de couverture est menteur lorsqu'il affirme que l'auteur «explore l'univers musical, de Beethoven à Sting, à la recherche d'indices qui lui permettraient de retrouver le sens de la musique dans la société contemporaine». Point question de Sting ici et uniquement de musique cultivée!
Évidemment, c'est excessivement bien écrit. On reconnaît Baricco dans le style et le souffle.
Au plan du contenu et des idées, j'ai surtout apprécié la première partie qui s'interroge quant au public de la musique cultivée et à son rapport à l'interprétation. Selon Baricco, la possibilité d'interprétation est ce qui distingue l'art. L'art doit pouvoir être interprété et ce faisant, le public de la musique cultivée qui craint la liberté d'interprétation, nuit au développement de l'art. Comme le souligne Baricco, ce public qu'il qualifie lui-même d'élitiste se raccroche à une idée du type «Beethoven, ce n'est pas ça!» quand il critique l'interprétation. Or, personne ne peut savoir ce qu'était Beethoven vraiment et on se leurre à vouloir protéger ce mirage. «L’Histoire est une prison aux barreaux fragiles. Et on continue de monter la garde autour d’un prisonnier évadé depuis longtemps.» (p. 43)
Je ne m'y connais pas beaucoup, mais j'ai pourtant des doutes quant à l'autre partie de l'essai de Baricco, celle sur la Nouvelle Musique. Pour Baricco, il ne s'agit plus vraiment de musique, mais encore une fois d'un mirage dans lequel les amateurs se font croire qu'ils entrent dans la modernité même si au fond personne ne comprend cette musique incompréhensible. Pour lui l'atonalité ne peut pas être un développement naturel de la musique qui doit être tonale pour être comprise. J'ai plutôt tendance à croire qu'un langage qui choque a parfois raison d'être. Pour faire des parallèles boiteux, il est clair que la poésie contemporaine est moins naturelle que la poésie classique dans son rythme, mais ce seul fait n'invalide pas ce qu'elle tente de dire. Même chose pour l'art contemporain moins préoccupé par l'esthétique et le beau que par le message et le sens. On peut critiquer, mais de là à dire que ce n'est pas de l'art, je ne suis pas vraiment d'accord.
À lire pour ceux qui aiment la musique et pour les fans de Baricco.
Du même auteur : Novecento : pianiste, Océan mer, Soie et City, Mr Gwyn
Par Catherine
Extrait :
Quelquefois, hasarder des réponses est seulement une manière d'éclaircir pour soi-même des questions. C'est le cas, par exemple, avec ce livre. À le lire, on pourrait croire plutôt à une collection de certitudes: mais l'écrire était d'abord une manière de pointer quelques doutes. Des questions qui devraient se poser spontanément à tous ceux qui, par amour ou par métier, fréquentent la musique cultivée: cela veut dire quoi, aujourd'hui, de parler encore d'une suprématie culturelle et morale de cette musique? La manière dont on la consomme, est-ce la reproduction de rituels anachroniques, ou quelque chose qui a à voir avec notre époque? Et la Musique Contemporaine - totem incontesté, et encombrant -, est-ce une aventure intellectuelle de la modernité, ou une tromperie particulièrement sophistiquée? Est-ce que continuer, aujourd'hui, à écrire de la musique a un sens, ou est-ce que c'est seulement un exercice gratuit, destiné à quelques élus qui ont dressé leur tente à l'extérieur du monde?
Éditions Folio - 130 pages
Commentaires
mardi 10 mars 2009 à 10h14
Bonjour, je viens de découvrir ce blog, et j'aime beaucoup.
J'aime beaucoup Baricco, mais ce titre là, je n'ai pas réussi à le lire, dès les premières pages, blocage .. je n'ai pas adhéré au style, très différent des autres romans de cet auteur, il me semble.
Un jour, je vais le reprendre pour voir si finalement la magie opère, mais je ne suis pas encore prête.