La narratrice nous traîne donc dans son deuil de mère. Le livre est écrit comme s'il s'agissait de notes éparses dans un cahier, des notes qui font voyager dans la vie de Tom, et dans sa mort. Tom a un père, une mère, un frère, une sœur. Il est né à Vancouver d'un père britannique et d'une mère française, il est mort à Sydney. L'auteure nous traîne dans les étapes du deuil, le choc, le refus, la peine, la colère, la folie même. Comment continuer à être une mère pour ceux qui survivent quand Tome est mort? Comment être une fille pour sa mère quand on a perdu un enfant?
Entre les assurances, les dispositions à prendre avec le corps, la vie qui «continue», les groupes de parole, les relations de couple, Marie Darrieussecq traite d'un sujet difficile, innommable: la mort d'un enfant. Comme elle l'écrit si bien, il y a des orphelines, il y a des veuves, mais il n'y a pas de mots pour celle qui perd un enfant.
Il ne s'agit pas, malgré les apparences, d'autofiction, mais bien d'un roman. D'un roman que j'ai adoré. Qui m'a bouleversée. D'une tristesse infinie, ce roman n'est pourtant pas déprimant, ni vraiment dépressif, mais il taille dans l'émotion brute, l'émotion dure. Particulièrement percutante la scène où la narratrice doit, au téléphone, apprendre à sa mère que Tom est mort.
Ce qui m'a semblé particulièrement intéressant dans ce roman, c'est la mise en lumière des limites du travail des spécialistes en tout genre qui tente de mettre l'émotion en boîte. La liste de l'échelle de l'évaluation du stress que l'auteure cite en page 64, est particulièrement parlante. Non seulement parce que cette échelle sur 100 ne parle jamais de la mort d'un enfant, comme si ça n'existait pas, mais aussi parce qu'elle met la douleur des uns et des autres en ordre, comme s'il s'agissait de quelque chose qui puisse endurer le moindre ordonnancement.
Un livre que je conseille donc, pour ceux qui n'ont pas peur d'avoir le cœur gros.
Par Catherine
Du même auteur : Il faut beaucoup aimer les hommes.
Extrait :
«Tom» dit ma mère. Nous sommes dans la nuit entre l'Europe et l'Australie. Elle d'un côté, moi de l'autre, aube ou crépuscule, nous sommes deux points arrêtés et la Terre tourne lentement. Un appareillage sophistiqué a été mis en place, des fusées ont décollé, chargées de satellites, pour que je puisse annoncer à ma mère que mon fils est mort. Mais elle s'en est toujours doutée, mon incapacité, je n'ai même pas su faire le minimum, même pas su les tenir en vie. Je commence. Je dis «maman». Et je suis débordée par les larmes. C'est le mot maman qui me fait pleurer, par la suite, pas ce que je ne parviens pas à dire mais qu'elle entend, Tom, Tom est mort. Je ne pleure pas et je n'ai jamais pleuré en prononçant la phrase. La phrase est l’œil calme du cyclone, les sanglots et les arrachements tournent autour.
Éditions P.O.L - 247 pages
Commentaires
lundi 9 février 2009 à 08h37
J'avais lu ce roman dès sa parution et il m'avait également bouleversé. Avec pudeur et sensibilité, l'auteur y aborde le thème du deuil et du scandale par excellence, à savoir la perte d'un enfant. A lire aussi sur ce sujet le magnifique texte autobiographique "A ce soir" de Laure Adler (folo).
lundi 9 février 2009 à 14h04
C'est pas pour moi, ces romans-là... trop peur d'avoir le coeur gros. Je ne peux pas. Pas à cette époque de ma vie en tout cas ! Plus tard, peut-être...
mardi 10 février 2009 à 05h02
FB: Je note.
Pimpi: il sera dans ma bibliothèque si jamais tu veux te laisser tenter. :o)
samedi 14 février 2009 à 05h07
J'ai un peu peur d'être complètement chamboulée par ce thème... je pense que je vais passer mon tour...