Gabriel arrive dans cette ville de l'arrière-pays breton. Il sympathise assez vite avec José, le tenancier du Faro, le bar-restaurant. José est en peine. Sa femme est à l'hôpital et rien ne va plus. A l'hôtel où il s'est installé, Madeleine, la réceptionniste, avec « son visage aussi vierge qu'une lettre qu'on n'a pas réussi à écrire », trouve une compagnie pour combler le grand vide de sa vie.
Et puis il y a Rita et son homme Marco, deux paumés en manque de doses, de fric, d'enthousiasme pour la vie qui s'accrochent à Gabriel pour ne pas couler totalement. On peut dire de lui :
Vous entrez dans leur vie comme ça, l'air de rien. On dirait que vous êtes partout chez vous. (...) Vous me donnez le vertige, c'est tout. Vous n'êtes nulle part et partout en même temps.
Gabriel, tel un ange, est toute écoute, compassion, fin cuisinier. Il ne juge pas. Il soulage de tous les maux, les petits comme les plus pesants de la vie de tous les jours. Gabriel est là pour vider le trop-plein. Ici, c'est un peu la consigne des pas perdus, de ceux qui attendent le père Noël à côté de leurs pompes.
Il reste toutefois une énigme pour ses compagnons d'un temps tant le silence qu'il l'entoure est épais. On sent bien qu'il n'est que de passage, qu'il partira, disparaîtra un jour. On ne sait rien de sa vie antérieure, ses amours. Cet homme est le mystère incarné. Pourtant, pourtant, Gabriel est lourd d'un secret, d'une peine immense.
La théorie du panda est l'occasion pour Pascal Garnier de nous dresser de tendres portraits de gens simples, chaleureux, touchants. C'est plein de tendresse. Le tout est agrémenté ça et là d'une pincée d'humour, parfois noir. C'est particulièrement délicieux. Petit à petit, l'auteur nous distille quelques renseignements sur l'ange, sur les raisons pour lesquelles il se trouve à terre. On avance avec lui, avec ses amis jusqu'à cette fin si... surprenante. C'est mené de main de maître.
Une très belle découverte. Un auteur à suivre, vraiment.
Du même auteur : Lune captive dans un œil mort
Dédale
Extrait :
Les deux femmes le croient endormi, recroquevillé dans le canapé. Madeleine l'a recouvert d'un châle. Il a fait semblant de sombrer dans le sommeil quand elles ont commencé à se tripoter en dansant. C'était maladroit, touchant, un peu triste. A présent elles chuchotent, l'une assise sur le pouf, caressant les cheveux de l'autre dont la tête repose sur ses genoux. L'intérieur des femmes, c'est comme Lascaux, en plus ancien, en plus profond, si profond qu'on pourrait s'y croiser à la lueur d'une torche, errant à l'infini, déposant des empreintes, des étreintes sur les parois pour retrouver son chemin. On y entre une fois et on n'en sort jamais. Il a suffit de l'irruption d'un trop-plein de soi pour se mettre dans la peau de l'autre, s'y solubiliser. Le châle de Madeleine sent son parfum... Comme il aimerait se diluer dans l'estuaire, ne plus avoir été...
- Gabriel ? ... Tu es réveillé ?.. Tu pleures ????
Cette main si douce pèse le poids d'une vie sur son épaule.
- Je.. rêvais. Quelle heure est-il ?
- Qu'est-ce que ça peut faire ?
- Rien. C'est ce qu'on dit quand on se réveille. Il fait jour ?
- Pas encore. Tu veux un café ?
- Je veux bien.
Chère Madeleine... Son visage est aussi vierge qu'une lettre qu'on n'a pas réussi à écrire. Rita feuillette un livre. Les pages entre ses doigts font un bruit d'aile d'oiseau. Elle s'arrête sur l'une d'elle et se met à lire d'une voix qui n'est pas la sienne :
- « Alors j'ai résolu de me lever, de faire le tour de la ville, de parcourir les rues et les places, pour chercher celui que mon coeur aime... Je l'ai cherché mais je ne l'ai pas trouvé ! ... J'ai rencontré les gardes qui font leur ronde dans la ville ; je leur ai dit : Avez-vous trouvé celui que mon coeur aime ? »
Rita repose le livre, se tourne vers la fenêtre. C'est peut-être la lueur laiteuse du petit jour sur ses joues, mais on dirait qu'elle pleure.
C'est bizarre, les livres, ça parle tout seul. Gabriel, tu voudrais pas m'aider à retrouver Marco ?
Éditions Zulma - 175 pages
Commentaires
lundi 2 mars 2009 à 13h02
Pour ma part, je n'avais pas été si emballée que cela. J'avais beaucoup aimé l'écriture mais trouvé l'histoire un peu creuse, ce que j'avais dit à l'auteur lors d'un salon, et il m'avait expliqué qu'il se fichait un peu des histoires, que seul comptait l'écriture pour lui ! J'ai acheté Comment va la douleur ?, je ferai donc un deuxième essai !
dimanche 8 mars 2009 à 09h26
J'ai bien envie de faire un autre essai aussi. Tu nous diras ce que tu as pensé de ton second essai ?
mardi 10 mars 2009 à 20h01
J'aime beaucoup sa façon d'écrire. Il a de ces trouvailles !
Je n'ai pas encore lu sa Théorie du panda, mais ça va venir !
mercredi 25 mars 2009 à 21h19
Bladelor, je confirme. L'auteur préfère le travail d'écriture. J'ai lu son dernier : Lune captive dans un oeil mort... eh bien je préfère La théorie du panda.

Pagesapages : j'espère que cela viendra vite. Il y a beaucoup de bonnes choses dans cette théorie
lundi 11 mai 2009 à 20h26
je suis une jeune lycéenne et jai pu participé a la remise des prix 2009 qui a eu lieu autours du 26 avril à décines. notre classe art apliqué avait pour mission de représenté certains passages du livre qui nous a marqué et on a pu exposé nos oeuvres là bas. notre but était de montrer ce qu'on avait réaliser a différents auteurs dont pascal garnier. il était présent et il a fait un malaise dans les toilettes soit disant et c'est pour cela qu'il na pas pu voir le travail fourni autour de ce livre que je trouve vraiment touchant et destabilisant. jai vraiment été desu par latitude de l auteur et je n ai pas été la seule a remarqué qu'il avait vraiment un comportement assez 'étrange' et pas interessé ... je tiens aussi en compte son age, et jai vraiment été desu par lauteur lui meme en tant qu'homme et jadmire cepandant l auteur... et je trouve que c'est deux personnes differentes. je préfére gardé limage floue de l auteur que javait eu au départ. juste une petite paranthése pour exprimer ma deception et celle des autres qui étaient présent.
mardi 12 mai 2009 à 08h09
Débora : je comprends ta déception, mais Pascal Garnier a peut-être réellement eu un malaise. Il me paraît donc peu pertinent de lancer ainsi sur un lieu public des jugements à l'emporte-pièce (tu pourrais même tomber sous le coup de la loi pour diffamation). Pour ma part je ne saurai me prononcer puisque je n'étais pas là; mais ta déception de ne pas avoir pu parler avec lui ne doit pas prendre le pas sur le plaisir de ta lecture.
dimanche 23 août 2009 à 18h01
Merci à tous pour vos commentaires.
J'ai pour ma part découvert cet auteur avec "Comment va la douleur".
J'ai trouvé l'intrigue très bien ficelée et la narration,d'un style un peu noir et dépouillé,très agréable.
Je me suis donc laissé tenter par un deuxieme livre:"Les nuisibles" et la encore,très belle surprise.
Il me rappelle par moment,JPaul Dubois,en plus noir et désabusé.
Mais je vais surement lire d'autres ouvrages de ce gars là.
Il me plait bien,et mérite amplement qu'on le lise,plutot qu'un tas de mecs surmédiatisés,et qui n'ont pas son talent.
Ok,merci à tous.
Bonnes lectures.
a+
samedi 10 juillet 2010 à 09h25
Dédale, j'ai enfin lu ce roman que tu m'as prêté il y a ... un moment, et je partage ton avis positif sur ce roman. J'ai trouvé cela admirablement écrit, avec des images surprenantes et évocatrices (celles que tu as choisi sont très bien ;-). Au niveau de la construction, j'ai trouvé cela très malin, avec cette part de mystère qui ne cesse d'augmenter au fil de la lecture. Bref, un très bon moment de lecture, que je conseille vivement !!!
samedi 10 juillet 2010 à 14h59
Yohan, on est jamais en retard. On lit toujours quand c'est, pour nous, le bon moment.
Contente que ce titre t'ait plu.
vendredi 25 mars 2011 à 22h14
je lis peu ce blog et découvre les commentaires sur pascal garnier , auteur dont j'apprécie particulièrement les livres je suis affligée par la bétise du commentaire de débora, alors que pascal garnier était en train de lutter contre la maladie et qu'il est décédé depuis...