Bien que me méfiant des effets de mode, je ne suis pas de ceux qui condamnent sans avoir lu, alors je l’ai lu. Fascination – ce roman dont vous ne pouvez pas ne pas avoir entendu parler si vous avez des ados dans votre entourage, qui est en passe de détrôner Harry Potter, et dont le succès vient d’être relancé par la sortie sur les écrans français de son adaptation ciné, Twilight.
Et j’avouerai sans honte l’avoir dévoré. Il est probable que je lirai la suite, au moins Hésitation. Mais…

D’abord, répondons aux préjugés de ceux qui ont entendu les rumeurs selon lesquelles, écrit par une jeune femme mormone, ce roman serait un hymne à la chasteté. Nul besoin d’être diplômé en psychanalyse pour comprendre la portée sexuelle de cet amour impossible entre une jeune fille et un vampire, qui doit faire tant d’efforts sur lui-même pour ne pas sauter sur son amie et la dévorer toute cr(n)ue ! Nous savons, depuis Bruno Bettelheim et sa Psychanalyse des contes de fées, que les jeunes filles en chaperon rouge aiment à se faire peur en flirtant avec le loup.
Et que ceux qui craignent que cette histoire de vampires ne « démoralise » la jeunesse (loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse) sachent qu’il ne s’agit en rien d’un thriller ni même d’un roman gothique, mais d’abord, voire uniquement, d’une histoire d’amour (même si le dernier tiers du roman se rapproche du thriller, pour créer l’attente du deuxième tome).

L’adulte que je suis devenue – ou suis censée être – s’est d’abord inquiétée de l’emprise psychologique du héros sur l’héroïne, maintes fois évoquée et dont l’héroïne est consciente. Puis je me suis souvenu du roman historico-exotico-romantique dont, ado, j’avais entrepris la rédaction - à la première personne bien sûr, comme Fascination - et dans lequel une esclave blanche tombait amoureuse du fils du sultan ottoman qui venait de l’acheter. La ressemblance – physique comme charismatique – entre mon jeune prince ottoman et le pâle Edward Cullen de Stephenie Meyer prête d’ailleurs à sourire…

J’ai lu Fascination avec plaisir donc, le plaisir d’une bluette. Je me suis revue ado, lisant des Harlequin en cachette de ma mère, avec un plaisir coupable, la chair émoustillée par des lectures pas mêmes érotiques.
Fascination est le livre que j’aurai adoré lire à quinze ans, alors je n’en priverai pas les ados d’aujourd’hui.
Et je lirai la suite, comme j’aime à voir et à revoir les films avec Meg Ryan, en attendant impatiemment qu’ils s’avouent enfin leur amour. « Le bisou ! Le bisou ! » - L’avantage du film romantique sur le roman étant qu’il peut faire l’objet d’un plateau-télé en amoureux avec fin heureuse sous la couette, alors que je doute fort de réussir à convaincre mon homme de lire les romans de Stephenie Meyer…

J’ai grandi cependant. J’ai lu, beaucoup lu, y compris quelques romans érotiques. Et j’attends désormais plus de la littérature. J’aime les romans-mondes, les univers d’auteur, une certaine vision de la société, portée par un style propre.
Fascination est une réécriture pseudo-gothique du Petit Chaperon Rouge pour ados du XXIe siècle, mais sans style et avec une certaine immaturité affective. Ce n’est pour moi ni l’œuvre géniale ni le brûlot sectaire que les uns ou les autres décrivent. Quelques trois mille pages d’amours tourmentées (en quatre tomes) nous aideront peut-être juste à trouver l’hiver moins long…

Par Nezdepapier

Extrait :

- Je déteste rouler lentement
- Parce que tu trouves ça lent ?
- J’en ai assez de tes commentaires ! aboya-t-il. Raconte-moi ta théorie, plutôt.
Je me mordis les lèvres, hésitante. Il me regarda. Ses pupilles couleur miel étaient étonnamment tendres.
- Je ne rirai pas, promit-il.
- J’ai plus peur de ta colère.
- C’est si délirant que ça ?
- Pas mal, oui. […] Je suis tombée sur un vieil ami de la famille. Jacob Black […] et il m’a raconté quelques-unes de leurs vieilles légendes, histoire de me faire peur. L’une d’elles… portait sur les vampires.
Je m’aperçus que je chuchotais. Je vis ses jointures blanchir autour du volant.
- Et tu as aussitôt songé à moi ? répondit-il d’une voix pourtant calme.
- Non. C’est lui qui… a mentionné ta famille.
[…]
- Et ensuite ?
- J’ai fait des recherches sur l’Internet.
- Et ça t’a convaincue ?
L’air à peine intéressé, ce que démentaient ses mains toujours aussi crispées sur le volant.
- Non. Rien ne correspond. La plupart de ce que j’ai trouvé était stupide. Et après…
- Quoi ?
- J’ai décidé que ça n’avait plus d’importance.
- Pardon ?
Son incrédulité me fit lever la tête. J’étais parvenue à briser son flegme soigneusement étudié. Il avait l’air un peu furieux aussi, comme je l’avais craint.
- Non, murmurai-je. Ce que tu es n’a pas d’importance.
- Que je sois un monstre inhumain te serait égal ?
Sa voix avait pris des accents moqueurs et cruels.
[…]
J’étais à peu près certaine de trois choses. Un, Edward était un vampire ; deux, une part de lui – dont j’ignorais la puissance – désirait s’abreuver de mon sang ; et trois, j’étais follement et irrévocablement amoureuse de lui. 


Éditions Hachette Jeunesse - 524 pages