C'est l'histoire d'un enfant qui a entendu la voix des dieux. Un enfant en qui l'Afrique noire s'incarne pour contrer l'envahisseur blanc du début du XIXème siècle.
Il est Shaka Zulu ! Roi des Zoulous, craint de tous. Celui qui par la force de sa volonté et de sa farouche témérité arrivera à faire trembler le trône de l'Angleterre colonialiste.
Il est Shaka Zulu ! Roi des Zoulous. Et sa vie est à la fois un conte et une misse en garde. Contre ceux qui pensent que la Terre d'Afrique leur appartient.
Il est Shaka Zulu ! Roi des Zoulous. Et aujourd'hui encore on prononce son nom avec respect. Car il est l'enfant de la prophétie.
Et qui sait comment aurait évolué l'histoire si il n'était pas mort si jeune ?

Thomas Day est un auteur que j'apprécie énormément.
Avec lui, j'ai découvert sa vision du Japon Médiéval (La Voie du Sabre et L'Homme qui voulait tuer l'Empereur), puis sa version des aventures de Sherlock Holmes (L'Instinct de l'Equarisseur, Vie et Mort de Sherlock Holmes).
Ici, il nous entraîne à sa suite dans l'Afrique noire profonde, celle du début de l'impérialisme blanc, celle qui a encore une identité particulière. Comme il le dit lui-même, l'histoire de Shaka (ou Chaka) n'est pas loin de celle d'un certain Conan. Un homme qui s'est fait à la force du poignet et dont l'histoire réelle se teinte de légende.
« Mythe... réalité historique... Tout comme une pièce d'or, la précieuse épopée du fondateur de l'empire zoulou possède deux faces, un avers et un revers que j'ai voulu mêler jusqu'à l'inextricable. Entreprise passionnante, d'autant plus que pour nous, occidentaux souvent contaminés jusqu'à la moelle par la Matière de Bretagne, l'histoire de Chaka évoque étrangement celle du roi Arthur, un roi Arthur qui, incapable de trouver le Graal, aurait basculé dans la folie au point de devenir un digne émule de Caligula »
C'est ainsi que Thomas Day caractérise sa démarche d'écriture. Et de mon point de vue il a entièrement réussi. L'histoire nous prend au tout début, alors qu'on découvre à peine où l'on met les pieds, et emmené par sa plume inimitable nous voilà en train de suivre le destin de cet enfant devenant un homme puissant et de sa chute. Un peu plus haut dans l'avant propos, Thomas Day compare Chaka à Alexandre le Grand, disant que « Chaka est à l'Afrique ce qu'Alexandre est aux Balkans ». La même ascension fulgurante, la même volonté inébranlable, le même destin, une vie intense qui les foudroie avant que la légende ne s'en empare.

Il faut préciser qu'ici, il n'est pas question pour l'auteur de faire un roman historique. Il laisse le soin au lecteur, par le biais d'une courte bibliographie en fin d'ouvrage, de faire ses recherches et le tri dans l'histoire qu'il raconte. Ici, l'auteur a « enchanté, avec un imaginaire qui [lui est] propre, ou tout du moins [lui] en offre l'illusion, l'Afrique des fin du XVIIIe et début du XIXe siècle, désireux de raconter à [sa] façon la plus célèbre des épopées bantoues, celle de l'empereur Chaka. »
Il y a donc de la magie, comme il y en a en Afrique. Les dieux parlent par l'intermédiaire d'une sorcière, il y a des animaux gigantesques, « divins, pour ne pas dire miyazakiens ». De même, les descriptions géographiques, les structures sociétales et d'autres concepts sont tirés des canons de la Fantasy et ne sont donc pas représentatifs de la société de l'époque. Ceci dit, ils s'insèrent parfaitement dans le récit et si ce n'était l'avertissement de l'auteur, je n'y aurais pas prêté attention plus que ça...

C'est une légende pleine de bruit et de fureur que nous offre Thomas Day. L'histoire d'un homme que nous ne connaissons quasiment pas en occident mais qui a pourtant donné une identité à ce XIXe siècle, une couleur, une saveur particulière. Et qui a offert sa vie pour ça.
« L'histoire de Chaka, c'est celle de l'amour inconditionnel d'un fils pour sa mère, celle du tragique manque de courage d'un père, celle d'un enfant raillé, martyrisé qui saura vaincre l'adversité tant et si bien qu'il se hissera au sommet des siens et même au-delà. C'est aussi l'histoire d'un peuple vaste et fier, les N'Gunis, et plus globalement celle d'un continent, l'Afrique, qui aujourd'hui plus que jamais reste le berceau de l'humanité, un berceau ensanglanté. »
Ouvrez ce livre, et pénétrez dans un monde où la magie n'a pas encore disparu.

Du même auteur : L'Instinct de l'Equarisseur, Vie et Mort de Sherlock Holmes

Par Cœur de chene

Extrait :

« Assieds-toi sur cette peau de chèvre, jeune Chaka, ordonna Isangoma. Tu sais pourquoi je t'ai fait venir ici... Je crois que tu es l'enfant de la prophétie dont mes rêves me parlent depuis mes premiers saignements de femme ; j'avais quinze ans. Si je ne me trompe pas, si tu survis à cette journée et si tel est ton souhait, tu pourras devenir un grand roi, un dieu parmi les hommes, comme le lion est le dieu de la vermine qui vit dans sa fourrure. Par deux fois, je t'ai donné mon pouvoir : tu as bu le charme suprême la première fois que nous nous sommes rencontrés ici ; et depuis quelques années tu portes le collier que j'ai confectionné pour Jama et que ta mère, par amour pour toi, a obtenu de Senza N'Gakona, gonflant ainsi son ventre d'une nouvelle vie, celle de Nomchoba... »
Chaka grogna ; il n'aimait pas qu'on lui parle de son père. Et pire encore : il n'aimait pas penser à sa mère intimement lié à son père.
« ... il y a beaucoup de colère en toi, j'aime ça, car souvent cette colère te sauvera la vie. Aujourd'hui je dois achever ce que j'ai commencé il y a seize ans, le jour de ta naissance. Si tu acceptes le pouvoir que je m'apprête à te donner, si ce pouvoir t'accepte en retour, alors il t'accompagnera jusqu'à ce que la mort, et elle sera violente, t'arrache à ce corps. Es-tu prêt à affronter cette vie terrifiante et glorieuse que je vois dans le tissu gorgé de sang que nous appelons futur, un tissu dont je peux soulever un des coins quand la plupart n'y arrivent pas ? Veux-tu être roi du pays n'guni, roi de la terre et du ciel ?
Oui, plus que tout autre chose, ainsi ma mère sera de nouveau reine. Je le veux, tant cette vie que tu me promets sera préférable à celle qui gît derrière moi, celle d'un pauvre berger sans cesse agressé et battu. Quant à la mort que tu me prédis, une mort de guerrier, alors...
Oh non, tu m'as mal compris : je te prédis une mort de roi. Une mort dont on se souviendra encore quand les enfants de tes enfants seront morts, fantômes de poussière chahutées par le vent, spectres insignifiants comparés au nom de Chaka Zoulou, un nom que le rugissement du lion, le cri de la hyène et l'orage porteront jusque dans des contrées que tu ne verras pas de ton vivant. Maintenant, assez parlé du futur puisque tu as décidé de l'affronter. Si tu avais mal répondu, je t'aurais tué, car je n'aime pas vivre dans l'erreur. Sortons... ».


Éditions Le Bélial' - 281 pages.