Stéphanie et Adèle vont donc se croiser à la gare d'Austerlitz et faire un bout de chemin ensemble. Ce même jour, Béatrice d'Avejan s'apprête à rentrer chez elle, à Toulouse, quand elle aperçoit ces deux jeunes filles un peu perdues. Elle se doute qu'il s'agit d'une fugue et est bien décidée à leur venir en aide.
Au cours de leur périple, Stéphanie et Adèle vont faire des rencontres, parfois merveilleuses, parfois dangereuses, et apprendre à grandir.

Comme Jean-Claude Mourlevat dans L'enfant Océan, Michèle Bayar aborde ici le thème de la fugue. Mais là où le premier avait choisi une narration proche du conte merveilleux, Michèle Bayar ancre d'entrée son récit dans la réalité : il est question de divorce, de famille recomposée, du quotidien et des disputes.  J'ai aimé cette façon d'aborder le récit, car sans sombrer dans une vision catastrophique, l'auteur n'omet pas pour autant tous les risques d'une fugue et les mauvaises rencontres que cela peut comporter. Bien sûr, comme il s'agit d'un roman jeunesse et que l'objectif est de porter un message d'espoir, nos deux héroïnes ne feront que frôler le danger et s'en sortiront saines et sauves.
Et puis, au-delà du danger, Stéphanie et Adèle feront surtout de très belles rencontres. Le personnage de Béatrice est d'ailleurs très attachant; derrière la sollicitude et l'inquiétude, on sent toutes les blessures d'une mère qui n'a pas fait son deuil.

La vie qui déraille est un roman jeunesse intelligent parce qu'il ne verse pas inutilement dans la guimauve et parce qu'il offre d'autres chemins possibles que la fuite. L'écriture simple et fluide devrait permettre à tous les jeunes lecteurs (dès 11 ans) de suivre avec enthousiasme Stéphanie et Adèle dans leurs aventures.

Laurence

Extrait :

Elle met la musique à fond pour ne plus les entendre. Quoi qu'elle fasse, c'est toujours contre elle que ça se retourne. Ça ne peut plus durer. Elle ouvre son armoire et jette quelques affaires dans son sac de sport. C'est décidé, elle s'en va.
Un bref moment d'hésitation la retient dans l'entrée mais les éclats de voix la poussent à fuir. Ses parents ne l'entendent pas partir. Plus tard, dans le soirée, ils découvriront qu'elle a disparu. Pour le moment, elle dévale l'escalier, poussée par la fureur de vivre. Elle tire la lourde porte cochère et la lumière l'inonde. Un couple d'amoureux lui sourit au passage, des pigeons s'envolent un peu plus loin. Où aller ? D'abord, s'éloigner. Elle descend la rue Cuvier d'un pas allègre jusqu'à l'arrêt de bus. Le 61 est plein de gens avec des bagages. Stéphanie y monte, il va à la gare d'Austerlitz.


Éditions Actes Sud Junior - 111 pages