Pause… Amor barricade amor raconte ces quelques heures d’attente, quand chaque camp s’observe de part et d’autre de la barricade. Il y a donc Julien, C.R.S. de son état et qui rêve entre autre d’aller promener son chien sur la plage. Et puis, il y a « Elle », une manifestante dont on ne sait presque rien, si ce n’est le cri qu’elle retient.

Amor barricade amor est tout à la fois un texte poétique et un livre graphique : les monologues intérieurs de Julien, saccadés, et souvent naïfs dans l’expression, sont entrecoupés de calligraphies, de mise en page géométrique, de jeux typographiques, symbolisant la séparation matérielle de la barricade. Edith Azam joue ici avec la richesse qu’offre le noir et blanc. Les deux modes d’expression se font parfaitement écho et on est immédiatement pris par les flots des mots et des images. Lire amor barricade amor est une étrange expérience. De prime abord dubitative en feuilletant le recueil, j’ai totalement oublié mes réticences dès le début de ma lecture. Avec un vocabulaire a priori très simple, Édith Azam réussit à créer une mélodie toute particulière : elle joue avec les assonances, les allitérations, les répétitions, les néologismes pour donner à son texte une ampleur et une force surprenante. Les intermèdes graphiques, loin de casser le rythme de la mélodie, forment des respirations, des invitations au voyage ; on se surprend à « lire » l’image comme on lit les mots.

C’est le premier recueil d’Édtih Azam que j’ai l’occasion de lire, et j’étais fascinée par la musicalité de son texte. Mais depuis, j’ai eu l’occasion d’assister à une de ses lectures, et ce fut une véritable révélation. Le terme de poésie sonore prend ici tout son sens. Il faut voir ce petit bout de bonne femme, un peu timide, avec son cahier d’écolier, quelques instants avant que la lecture ne commence. On craint de ne pas l’entendre, on se dit que sa voix ne portera pas jusqu’à nous. Et puis, tout à coup, Édith Azam se met à lire et sa voix emplit toute la salle. Quand Edith lit, tout son corps est engagé dans le processus : ses mains dansent, son pied bat le rythme, sa voix vibre et s’envole. Ce jour là, tout l’auditoire était suspendu à ses lèvres, il n’y avait pas un murmure, à croire que tout le monde avait arrêté de respirer. Édith Azam parle de nos fragilités, de celles que l’on cache aux autres, de nos folies et obsessions. Ses textes dévoilent une violence sourde, parfois sonore, mais traduisent en même temps la part d’enfance et de naïveté contenue en chacun de nous. Un étrange alliage qui prend aux tripes et à l’âme. Difficile de rester indifférent devant cette femme qui se livre à vous avec autant de sincérité et d’émotion. Ce jour-là, nous sommes tous ressortis profondément émus et bouleversés de cette expérience hors norme. J’ai ensuite relu amor barricade amor et je l’ai découvert encore différemment, la voix d’Édith Azam m’accompagnant tout au long du recueil.

Laurence

Extrait :

La foule s'enroule, se déroule, s'entraîne, se traîne, se gauchit, se dégauchit, se heurte, se frôle, se caresse, se moite, se transpire, se pue, se sent bon, se mauvaise haleine, se balance, se chatouille, se parle, se fait une pause, se pense, se pense pas, se gratte le sexe, se le dégratte, se livre à elle-même, ne se livre pas, se met en chemise, se remet la veste, se chante, se déchante, se dit rien, se chuchote, se parle, se déplace, se place, se sourit, se refrôle, se reparle, se remoite, se repue, se recure le nez, se rerigole, se repense... Les pigeons font à peu près la même chose, mais dans un autre espace.


Éditions Atelier de l'agneau - 112 pages