Tout le récit se déroule le temps d'une après-midi. Les chemins de Nora, Toby et Daniel vont se croiser au bord du fleuve et leur rencontre leur permettra de passer le gué. L'histoire est évidemment poignante, et le personnage qui m'a sans doute le plus émue est Toby, ce petit d'homme d'à peine 5 ans, obligé de prendre des décisions d'adultes, ce presque bébé qui fuit le domicile - après avoir alerté le samu - pour ne pas se retrouver en foyer. Dans les chapitres qui lui sont consacré, Adeline Yzac réussit parfaitement à jongler entre le sordide de la situation et la candeur de ce petit être.
Dès les premières lignes j'ai été très surprise par l'écriture d'Adeline Yzac : âpre et râpeuse, elle dérange et déstabilise. Les phrases sont très courtes, sèches, le vocabulaire plutôt simple. Et pourtant derrière cette rigueur apparente, Adeline Yzac choisit avec minutie ses mots, use de métaphores pour dire l'insoutenable. Les couleurs et les images prennent le relais quand pour les narrateurs la réalité est par trop difficile à affronter. Ce roman se lit très vite, trop peut-être, mais l'on ne ressort pas indemne de sa lecture. La quatrième de couverture préconise cette lecture dès 12 ans et en parle comme "d'un livre qui redonne confiance en la vie". Cette phrase me laisse plus que dubitative. Bien sûr, il est bon que les romans jeunesses traitent également de ces sujets, et Adeline Yzac le fait ici très bien, mais l'espoir n'est pas ce que je retiendrai de ce récit, et je me demande comment un jeune adolescent accueillerait ce récit, si personne n'était avec lui pour en parler ensuite. C'est le seul bémol que je mettrai donc à cette lecture, mais si l'enfant est accompagné alors ce roman sera le départ d'une réflexion intéressante et constructive.
Du même auteur : Très vieux monsieur, Jeu de mains
Laurence
Extrait :
Toby regarda sa maman repliée sur le sol. Il se laissa envahir par l'interminable écho que fit la porte d'entrée quand son papa sortit en la claquant. Il y avait encore de la place dans son corps de petit garçon, beaucoup de place pour que cet écho entre au-dedans de lui. L'écho allait se ranger au-dessus de sa peine, sa peine de voir sa maman encore une fois par terre dans sa chambre, sa robe déchirée et son ventre noir.
Des échos et des peines, Toby en avait des rangées en lui, tout un entassement inimaginable de peines et d'échos, empilés les uns sur les autres, comme les boîtes dans les rayons du supermarché. Il ne restait même pas de place pour loger la peur. Le pire, c'est qu'il n'y avait pas de plafond ni de murs dans Toby, et qu'on pouvait en mettre encore et encore dans lui, des peines et des échos.
Éditions Alice Jeunesse - 90 pages
Commentaires
dimanche 8 novembre 2009 à 09h57
commentaire très juste de ce livre, merci =^.^=
dimanche 8 novembre 2009 à 10h21
Merci à toi Plouf d'avoir laissé ce commentaire