Zender Arbacan, producteur mégalomane et richissime, est victime d'une tentative d'assassinat le jour de son mariage. Immédiatement, les soupçons se dirigent vers ses anciennes maîtresses et comédiennes.
Quelques années auparavant, quand Evana 4, le film qui la rendu mondialement célèbre, n'était pas encore sorti, il rêvait de créer la femme parfaite; plus parfaite encore que Simone d'Andrew Nicol puisque sa créature serait faite de chair et de sang. Il avait pour modèles Marilyn Monroe, Romy Schneider ou Ingrid Bergman et avait imaginé toute une théorie sur ces actrices capables de réveiller les désirs et les fantasmes chez les spectateurs.
Pour son projet, il cherchait une jeune femme, sortie de la rue, qu'il façonnerait à la façon d'un démiurge; une nouvelle Éve au destin tragique. Il en aura trouvé et "usé" 6 avant que son film puisse voir le jour. Six femmes, victimes de sa folie, qui ont aujourd'hui toutes les raisons de vouloir se venger... Mais laquelle des six est finalement passée à l'acte?
Evana 4 est très éloigné dans la forme et le registre du Dernier Testament. Ici point de meurtres en cascade ou de courses poursuites effrénées. Non, Evana 4 est dans la pure lignée des whodunits auxquels il rend hommage : une intrigue diabolique et un huis clos oppressant dans lequel on reconnaîtra au choix Les dix petits nègres ou Guêpier pour trois abeilles. Car Zender Arbacan finira par réunir toutes ses anciennes actrices dans sa demeure somptueuse de Nice; demeure truffée de caméras qui, espère-t-il, l'aideront à démasquer la meurtrière. Mais Zender ne finira-t-il pas par être victime de son propre machiavelisme?
J'ai vraiment beaucoup aimé ce nouveau roman de Philip Le Roy : l'écriture, toujours aussi rythmée et efficace, laisse la part belle à la réflexion et le lecteur tente, tant bien que mal, de dénouer les fils de l'écheveau. À l'aide de flash-back finement insérés dans le récit, Philip Le Roy dévoile peu à peu le passé trouble de chacun des protagonistes, sème les petits cailloux censés nous aider à comprendre les tenants et les aboutissants, mais garde jusqu'au dernier moment les commandes de son étrange équipée. Le tout est baigné dans des références cinématographiques, littéraires, picturales et musicales, qui rendent une atmosphère toute particulière à son récit. Comme dans Le dernier testament, l'étude psychologique des personnages est très soignée et permet d'adhérer complètement à l'intrigue. Et alors que Zender est un homme foncièrement antipathique, voilà qu'on se range à ses côtés pour tenter de déceler l'identité de la mystérieuse criminelle.
Un seul regret toutefois - mais c'est toujours là que pour moi le whodunit a ses limites - le traitement de l'épilogue. Après un tel scénario, on attend un dénouement qui coule de source, qui ne n'appesantit pas. Or, comme souvent dans ce genre littéraire, Philip Le Roy est contraint de passer par des explications trop détaillées et sorties dont ne sait trop quel chapeau. Une fin qui m'a donc laissée un peu frustrée mais pas suffisamment pour oculter tout le plaisir que j'ai eu à lire ce roman.
Laurence
Extrait :
Il allume sa lampe et réalise que la pièce est vide. Le cerveau en ébullition, il se débarasse des démons qui le criblent de mauvais flash-backs et tente de reconstituer la chronologie des derniers évènements.
D'abord le mariage.
Puis les coups de feu à la sortie de l'église, une douleur fulgurante à l'épaule, le transport dans l'ambulance, l'hôpital, le billard, le cauchemar.
Kristen enfin, assise sur une chaise dans sa robe empourprée.
Les vieux souvenirs ont profité des périodes d'évanouissement pour refluer, comme si son inconscient voulait compléter un puzzle inachevé, indiquer la piste à suivre pour identifier l'auteur de la tentative d'assassinat. Selon sa psyché, Héléna, Malika et Florence arrivent en tête de liste.
Héléna, qui n'a toujours pas digéré leur séparation.
Malika, qu'on lui a interdit de fréquenter.
Florence, la femme de sa vie, que l'on peut rayer de la liste, puisqu'elle n'est plus de ce monde.
La conscience de Zender prend le relais pour comptabiliser toutes les suspectes. Il faut commencer par le début.
Remonter dix ans en arrière.
À l'époque de sa première conquête : Élisabeth.
Éditions Au Diable Vauvert - 404 pages
Les commentaires pour ce billet sont fermés.