Fenêtres, ce sont onze nouvelles pleines de vie, d'humour et de tendresse. C'est le premier pas en écriture de Charles Roux. Ces histoires sont le résultat d'un atelier d'écriture au sein de la maison d'arrêt de Pau sur le thème de la "fenêtre". Ses textes sont accompagnés de photos de fenêtres d'Olivier Deck, prises au cours de ses voyages, sans qu'il y ait forcément un lien direct avec les textes. J'ai trouvé cette association excellente. La découverte des nouvelles a été un enchantement.

L'art de la nouvelle est un art difficile. Selon moi, l'auteur capable dans un texte très court (à peine plus de deux ou trois pages) de vous planter des personnages avec leurs travers et faiblesses, de vous raconter une histoire, de vous emmener sur des chemins pour ensuite, à la chute, vous surprendre sans que vous n'ayez rien vu venir, cet auteur est un vrai écrivain. Avec Fenêtres, Charles Roux entre indubitablement dans cette catégorie.

Comment vous parler de la tante Berthe et de ses bêtises aux conséquences tragiques (Blague à Berthe), comment vous décrire l'amour filial, la complicité d'un enfant avec son vieux grand-père tout juste disparu (L'or du vieux) ? Cela m'est impossible ! Vraiment, l'auteur a plus de talents. L'humour n'est pas jamais loin non plus, les pirouettes pour surprendre ses lecteurs sont si subtiles que l'on se prend à sourire ou à éclater de rire de l'être laissé manoeuvrer aussi facilement. Au souvenir de Face à face... je ne vais plus voir les laveurs de carreaux de la même façon.

Avec La photo, ou le tunnel, la tendresse, l'amour et les souvenirs d'enfance ne sont pas oubliés. C'est doux, délicat, juste ce qu'il faut. Du pur bonheur ! On en ressort tout chose.

Je ne peux rien vous dire de plus sans déflorer ces petites merveilles. Et puis décidément, il semble écrit que je vais de plus en plus aimer cette maison d'édition où le travail de qualité, le plaisir des mots et des images sont constants.

J'espère surtout avoir pu vous convaincre de lire Fenêtres, que vous succomberez à votre tour sous leur charme délicat.

Dédale

Extrait :

Les Amours impossibles

Elle est belle, mais si timide !
Il paraît, il n'est que délicatesse.
Ils s'aimaient sans pouvoir jamais se le dire. Amour muet. Si proches et si loin à la fois.
Elle, lumineuse, claire, avec ses petits bois cintrés. Malgré sa finesse, aucune tempête n'a entamé sa vaillance, la fierté de protéger son amour. Si le soleil se montre agressif, elle déroule aussi tôt de délicieux voilages. Si d'aventure la pluie se met à battre, elle se referme pour empêcher la détérioration du vernis de son fiancé. Attentionnée, elle craint l'ingratitude. Ses sentiments seraient-ils sans retour ?
Lui, le pauvre, se morfond au milieu du salon. Elle est blanche, il est noir. Elle est élancée, il est large, trapu. Sous une apparence de mastodonte, il est capable des aires les plus raffinés. Chaque jour, il lui dédie ses gammes profondes, légères aussi. Jamais il ne se froisse quand elle laisse échapper ses trilles par les battants ouverts. Bien au contraire, il recommence jusqu'au moment où ses noires et ses blanches se marient, se glissent le long de ses montants de bois verni. Comme une caresse musicale. Il veut la consoler. Elle a tellement souffert lors de la dernière rénovation du salon. Brûlée, poncée, grattée. Mais attention, quel résultat ! Chaque détail chaque dessin de son bois a été mis en valeur. Trop peut-être ? Par manque d'habitude, il l'a crue impudique. Alors, pleine d'incompréhension, elle s'est cachée derrière de lourds rideaux. Leur fâcherie, c'en était une, a duré plusieurs semaines.
Depuis, par touches successives, ils se sont réconciliés. Il faut dire qu'il a mis le paquet ! Beethoven, Mozart, allant jusqu'à Gershwin pour l'égayer davantage. Quand à nouveau elle s'est trouvée totalement découverte il a pris la réelle mesure de son erreur. Comment avait-il pu se montrer aveugle à ce point ? Son éclat, sa luminosité étaient rehaussés par la lazure, sans aucune indécence.
Pour fêter leur réconciliation, il a joué du jazz, du Count Bazie.
...


Éditions de l'Atelier In8 - 79 pages