Anna: jolie et sage, blonde et bourgeoise, discrète et polie. Sérieuse Anna qui toute jeune a le sens des conventions et de ce qu'elles impliquent. Angela: impétueuse et fougueuse, colérique même. Angela plus massive, souffrante et révoltée. Angela dont le père dit inconnu lui est pourtant bien connu. Angela fascinée par cette petite Anna qui attire autour d'elle les amies, comme une nuée d'admiratrices.
Le récit, qui commence par celui de leurs parents, les suivra pendant leurs années d'école où les deux fillettes se côtoient de loin et surtout pendant leurs vies adultes, sans cesse séparées pour mieux se retrouver. Angela dont l'intelligence vive laissait croire à un passage facile à l'université et dont les coups de tête la mèneront ailleurs. Anna qui suivra les traces de son père mais dont la vie sera pourtant marquée de coups de sang et de drames dont son angélisme devait pouvoir la préserver.
Ce double récit donc, qui n'a d'autres prétentions que de parler de l'humain dans toute sa splendeur, dans ses contradictions, dans toute sa beauté difficile, remporte son pari haut la main. Le style d'Annie Cloutier est maîtrisé, à la fois frontal, aérien et poétique. Elle sait rendre la souffrance brute d'Angela comme celle toute contenue d'Anna. Très sensuel par moment, le récit est complètement convaincant. Pourquoi au Pays-Bas? J'ai entendu dans une entrevue que le conjoint d'Annie Cloutier était néerlandais. Cet «exotisme» pourrait paraître plaqué... et pourtant on embarque à 110%. Totalement crédible. Et touchant.
Quand on sort de l'envoûtement, on se dit qu'en même temps, c'est universel et atemporel de mettre en vis-à-vis deux personnages aux antipodes qui finiront pourtant par se trouver. Et puis voilà, on est envoûté malgré tout. Comme quoi la littérature ne perd pas de sa magie parce qu'elle parle 100 fois de sujets semblables.
On en redemande!
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Extrait :
Le matin du 3 février, juf Jolanda accueille deux têtes blondes dans son groupe de maternelle.
Angela Volker, mère: Gerda Volker, père: inconnu, 34, Eekhoornstraat, Delft.
Anna van Winden, mère: Caroline Lammers-van Winden, père: Jos van Winden, 3, Haagseweg, Delft.
L'une tressée et sage, son sac à dos bien droit sur ses épaules, accompagnée de sa grand-mère, une femme digne en escarpins.
L'autre frondeuse, regard furibond et espadrilles usées, arrive sur son propre vélo, à côté de sa mère.
Toutes deux muettes et intimidées.
Éditions Triptyque - 235 pages
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