Et heureusement qu’elle se corse, car toutes les tentatives infructueuses de cette équipe de « bras cassés » (mais le sont-ils tant que cela ?? ) font tout le sel du roman.
Pierre qui roule est la première aventure où l’on trouve le personnage de Dortmunder, ex-taulard qui décidément ne parvient pas à se ranger, personnage à la fois ingénieux (c’est lui qui concocte le plan) et blasé, parfois à la limite du cynisme, face à ses coéquipiers débordés et quelque peu ahuris.
Tout l’attrait de ce roman, dont l’intrigue peut sembler au départ banale, réside dans le caractère des personnages, ayant chacun leur petites manies (par exemple, calculer le trajet le plus rapide entre deux points de la ville, à une minute près et selon le moment de la journée, saler sa bière, ou encore rêver de  conduire une locomotive…), et dans l’humour et l’absurdité  des situations. Nous assistons en effet à quatre ou cinq tentatives pour récupérer l’émeraude, et chaque échec est le résultat de rebondissements pour le moins inattendus et farfelus. Les dialogues sont également savoureux, menés à un rythme effréné, entre les différents coéquipiers (qui ont tous des idées originales, et selon eux, tout à fait réalisables !) et un Dortmunder dépassé par les événements, se demandant parfois s’il a eu raison de s’embarquer dans cette histoire…
J’ai donc beaucoup ri à la lecture de ce roman, drôle et rythmé, et où le suspens est maintenu jusqu’à la fin. J’ai lu également du même auteur Personne n’est parfait, où on retrouve le personnage de Dortmunder et ses acolytes, et écrit dans la même veine comique.

A noter également que la traduction (publiée chez Rivages/Noir) de cette série est nouvelle, et rend apparemment davantage justice à l’humour du texte original que les traductions précédentes.

Florence

Extrait :

Pour changer de sujet, il dit : « Tu crois qu’on devrait prendre qui, avec nous ?
- Le reste de l’équipe ? » Kelp haussa les épaules. « Je sais pas. De quel genre de types on a besoin ?
- Difficile à dire. Pas des spécialistes, dit-il. Sauf peut-être pour les serrures. Mais pas de perceurs de coffres, rien de ce genre.
- Cinq ou six ?
- Cinq », dit Dortmunder. Et il formula une de ses règles de vie : « Si on ne peut pas faire un coup à cinq, on ne peut pas le faire du tout.
- D’accord. Donc il nous faut un chauffeur, un type pour les serrures et un homme à tout faire.
- C’est ça. Pour les serrures, il y a ce petit gars de Des Moines, tu vois qui je veux dire ?
- C’était pas Wise ? Ou Wiseman ? Welsh ?
- Whistler ? dit Dortmunder.
- C’est ça ! dit Kelp, et il fit non de la tête. Il est en taule. Il s’est fait gauler pour avoir libéré un lion. »
Dortmunder quitta le lac des yeux et regarda Kelp.
« Pour avoir fait quoi ? »
-Kelp remua la tête nerveusement.
« J’y suis pour rien, moi ! C’est ce qu’on m’a dit. Il était au zoo avec ses gamins, il s’ennuyait un peu et, sans trop y penser, juste pour s’occuper un peu les mains, comme toi et moi on gribouille sur une feuille quand on téléphone, quoi, il s’est mis à tripoter les serrures, sauf qu’au bout du compte il a libéré un lion.
- Bravo.
- C’est pas de ma faute, à moi, dit Kelp. Qu’est ce que tu dirais de Chefwick ? Tu le connais ?
- Le passionné de trains ? Il est complètement marbré.
- Mais il est très fort. Et il est disponible.
- D’accord, appelle-le. »


Éditions Rivages Noir - 300 pages