Méléna vient d'être kidnappée par deux hommes de mains ; enfermée dans une voiture, elle quitte Paris pour l'Italie. Mais Le traceur et Sean ont-ils bien réalisé à qui ils s'attaquaient ? Si Méléna ne semble être qu'une gamine, il ne faut pas s'y fier ; très tôt elle a appris à fuir, à traquer ; sa mère lui a transmis les rites ancestraux des indiens et son père le maniement des armes. Alors rien d'étonnant à ce qu'elle réussisse à échapper à ses tortionnaires.

À quelques kilomètres de là, Luc retourne dans la maison familiale, au pied de la falaise. Sa mère, atteinte d'Alzheimer, est hospitalisée depuis quelques mois et Luc a décidé de faire l'inventaire de la demeure avant de la vendre et de tirer un trait sur son passé. Mais voilà qu'une nuit d'orage, il découvre dans le jardin le corps meurtri de Méléna. Après l'avoir transportée au chaud, il la veille une partie de la nuit, mais d'étranges rêves commencent à le troubler. Alors quand le lendemain, il est réveillé par une escouade de gendarmes à la recherche d'un dangereux meurtrier, Luc se demande dans quel piège il est allé mettre les pieds.

Si Paysage sombre avec foudre s'inscrit dans la série consacrée Janet et Ed Craven, ce roman se suffit à lui-même et pourrait donc être lu indépendamment des autres. Et pourtant, à lire les avis d'autres blogueurs, je me rends compte que rien n'est jamais simple avec Alain Claret.
Disons-le tout de suite, j'ai aimé ce dernier roman. L'histoire en elle-même ne dure que 24 heures et pourrait se résumer en quelques phrases. Mais j'ai retrouvé les ingrédients qui m'avaient déjà séduite dans les précédents épisodes : une écriture qui prend son temps, ondoyante, plus centrée sur le ressenti que sur les péripéties. Comme toujours, Alain Claret dissèque l'âme de ses protagonistes, nous embarque dans un voyage intérieur fascinant, et mêle réalité et fantasmes. Et même si l'ensemble n'a pas, à mon sens, la puissance des précédents opus, j'ai accompagné Méléna avec tendresse et inquiétude.

Alors pourquoi Bunee, Sandrine et Uncoindeblog n'ont-elles pas aimé ce roman ? Seul Daniel Fattore semble avoir apprécié la plume d'Alain Claret. C'est ce que je me suis demandé en lisant les différents billets... Peut-être faut-il finalement avoir lu les autres romans pour apprécier pleinement les tenants et les aboutissants de cette nouvelle intrigue ; en effet, Alain Claret, s'il fait intervenir ici Janet et Ed Craven, ne donne aucun indice, aucune explication, permettant de mieux cerner qui ils sont et ce qu'ils ont vécu précédemment. Un lecteur découvrant pour la première fois cette famille si particulière n'aura sans doute pas alors les clés nécessaires à la réelle compréhension de l'intrigue. Et puis je dois aussi admettre qu'Alain Claret a une façon toute particulière d'écrire des polars, très loin de ce à quoi nous sommes généralement habitués : Alain Claret n'écrit pas de scénarii, mais des histoires où l'écriture a une place aussi importante que les personnages et les événements.
Je maintiens donc qu'il faut lire cet auteur, mais sans doute faudrait-il commencer par le début. Alors si vous ne connaissais pas Alain Claret, lisez Si le diable m'étreint, je suis certaine que vous tomberez sous le charme et que vous aurez envie de découvrir la suite des aventures de Ed et Janet.

A lire également, l'interview d'Alain Claret pour le Biblioblog.

Du même auteur : Si le diable m'étreint, L'ange au visage sale, Tout terriblement, Clichy section, Que savez-vous des morts ?

Laurence

Extrait :

Il [Luc] revint vers la maison mais ne se résolut pas à entrer. Il se sentait mal. Il se demanda stupidement s'il n'avait pas été touché par la foudre. Sa mère lui avait raconté ces histoires d'hommes foudroyés, miraculeusement indemnes, et qui n'avaient plus jamais été les mêmes. La pluie se mit à verser de nouveau, longue et enveloppante, elle le couvrit comme une étoffe.
Il fit de nouveau le tour de la maison et se retrouva sans savoir comment devant la porte-fenêtre à contempler le fauteuil, la pièce était vide; un endroit abandonné, une image du passé, désertée par la vie et qui essayait de lui dire quelque chose.
Quelque chose avait changé.
Il leva la tête et regarda la falaise, elle ressemblait à une langue violette et crevassée sortie de la montagne, de longs filets brillants coulaient dans la pente. Il sentait une présence autour de lui, dire et violente, comme la muraille déchiquetée.
Il se retourna lentement et vit les ruches délavées par les pluies et les neiges, brûlées par le soleil, à moitié digérées par la végétation. Elles étaient renversées et montraient leur intérieur envahi de champignons et de ronces.
Il avança vers les petits temples abandonnés, l'herbe mouillée montait jusqu'à son ventre, les épines déchiraient ses mains. Il s'arrêta, une violente odeur de terre et de résine lui monta à la tête. Il écarta une branche de sapin où les gouttes d'eau prisonnières miroitaient comme des perles.
Et il vit un pied, nu, taché de terre et de sang, qui dépassait dans l'enchevêtrement de bois et de végétation.


Éditions Robert Laffont - 340 pages