C'est une histoire à plusieurs voix aux destins si différents mais qui peu à peu vont se rejoindre : celle de Maria Moura, du Beato Romano l'ancien prêtre qui un jour a reçu la confession de la jeune fille et qui lui aussi a tant à confesser. Sa vie en sera à jamais bouleversée. Il y a aussi Marialva, la cousine de Maria, qui un jour décide de fuir avec son amoureux.
L'histoire se déroule dans le sertaõ, zone presque désertique dans le nordeste du Brésil.

Tout commence avec le décès de la mère de Maria dans des conditions jamais élucidées. Il est aussi question d'héritage jamais réglé depuis la disparition de sa grand-mère. Les conflits constants avec ses cousins qui veulent à tout prix obtenir que la succession soit réglée. Ils ne seraient pas contre non plus que l'un des cousins marient la jeune fille. Sauf que cette dernière n'est pas de cet avis.
La petite Maria ne se laisse pas intimidée par eux, les gendarmes et l'avocat qu'ils lui envoient pour récupérer leur part du domaine. Que dire aussi de ses relations avec le Liberato, l'amant de sa mère ? A la mort de celle-ci, il multiplie les cajoleries et les gestes douteux envers Maria. Elle ne connaît rien des hommes... Jeune fille orpheline qu'elle est. Lui prend la gestion du domaine.

C'est sans compter avec le caractère volcanique de la donzelle, déjà maîtresse femme... rien ne va comme tous le souhaiteraient. Elle préfère disparaître et mettre le feu à sa maison d'enfance que de la laisser à ces idiots malfaisants.

Ce roman est une collection de portraits hauts en couleurs, de profils psychologiques bien présentés, des aventures en veux-tu en voilà, des chevauchées, du brigandage pour la bonne cause car il s'agit de financer son indépendance et se constituer son propre domaine, sa propre fazenda avec des terres, des bêtes, des hommes pour la protéger. Car il est écrit quelque part que Maria Moura sera une femme riche, une femme de pouvoir, que l'on respectera... sinon gare !! Les hommes qui ont voulu abuser d'elle ou lui en imposer ne sont plus là pour s'en vanter ou bien l'ont payé cher.

Histoire prenante malgré les quelques longueurs pas méchantes pour autant vers la fin. On apprend énormément de choses sur la vie dans ce nordeste si pauvre où la solidarité joue toujours à concurrence de ce que les gens peuvent offrir sans eux-mêmes mourir de faim, où l'écart social entre les plus riches, propriétaires terriens et les pauvres caboclos (paysans) est immense, où le poids de la religion, les superstitions est important, étouffant même.

Maria Moura sera Dona Moura, une des premières femmes de cette région à être son propre maître, libre de ses actes et de ses idées.

Une bonne lecture où l'on ne s'ennuie pas un instant.

Dédale

Extrait :

Ah, j'ai bien changé depuis ce temps-là ! Ce n'est pas aujourd'hui que j'irais me mettre à genoux devant ce prêtre !
J'y ai cru à ce fameux secret de la confession, Mère en parlait avec tant de foi.
Et d'après ses dires, il l'a bien gardé le secret, pas de doute. Mais comme j'ai dit, on change. Dans ce temps-là, je croyais que le prêtre allait trouver que c'était la fin de tout : pensez, le péché de chair ! Et en plus, avec mon beau-père ! Il faut dire qu'il n'était pas plus mon beau-père que cela, vu qu'il n'a jamais été marié avec ma mère. Ils s'amicotaient, comme disaient les gens.
Aujourd'hui, ce que je désire par-dessus tout, c'est laisser le passé loin derrière moi. A l'heure de sa mort, on a toujours le temps de penser à ses péchés.
Et puis, aujourd'hui, ce qui compte le plus pour moi, c'est la sécurité. Mes ors, l'argent que j'ai caché. Toutes ces années de lutte, et quelle lutte ! Et ce refuge que je peux offrir à qui en a besoin. A ce prêtre par exemple... Enfin prêtre, plus tellement, il va falloir que je m'habitue... Beato Romano. Il faut que je lui trouve une soutane : ou plutôt une longue robe bleue, comme les beatos, avec un cordon de saint François à la ceinture. Moustaches, barbe, cheveux longs, il a déjà.
Quel âge j'avais à ce moment-là ? Dix-sept ans ? C'est ça. Mère était morte, au matin, pendue près du lit, celui qu'elle partageait avec lui. Le Liberato.


Éditions Métailié - 517 pages