Il s'agit de la trame principal de ce roman qui a pour sujet principal la difficile rencontre de l'autre et la musique comme lien fondamental, avec soi, avec l'autre, avec l'univers. Gabriel et Inez ne se rencontrent finalement que trois fois, les trois fois pour cette œuvre de Berlioz. Inez devenue une grande cantatrice, Gabriel la retrouve au Mexique où ils auront finalement l'aventure qu'il attendait tant. Ils se perdent encore pour se retrouver, tous les deux vieillis, à Londres, lieu de leur première rencontre.

En parallèle à cette trame, un autre récit s'inscrit dans un temps préhistorique et met en scène une femme rousse qui pourrait être l'ancêtre d'Inez. Ce deuxième récit a une forte teneur symbolique avec des incursions (volontaires ou non) dans l'iconographie psychanalytique (inceste, meurtre du père et tutti quanti). Les deux récits s'intercalent pour finalement se rencontrer dans une scène d'apothéose pendant la troisième représentation du Faust.

Pour tout dire, cette première incursion dans l'univers de Carlos Fuentes m'a fortement déstabilisée. J'ai lu le livre en un souffle, en une bouchée, fascinée par l'atmosphère de ce livre singulier et par le mystère qui entoure les personnalités de Gabriel et Inez, chacun haut en couleurs. J'en ai rêvé, j'ai cherché les clés, j'ai attendu que m'apparaisse la grande pertinence des longs et troublants passages préhistoriques.

Et puis voilà, je n'ai pas vraiment compris! Fascinée par cette plume forte, ce style incroyable, cette justesse philosophique... mais paumée!

Rencontre manquée? Mauvaise porte pour rentrer chez Fuentes? Peut-être saurez-vous me le dire!

Catherine

Extrait :

- Nous n'aurons rien à dire sur notre mort.

Cette phrase habitait depuis longtemps la vieille tête du maestro. Il n'osait pas l'écrire. Il craignait que le fait de la consigner sur le papier ne lui donne une actualité aux conséquences funestes. Il n'aurait plus rien à dire après ça: le mort ne sait pas ce qu'est la mort, le vivant non plus. C'est pourquoi la phrase qui le hantait comme un fantôme verbal était à la fois suffisante et insuffisante. Elle disait tout, mais à condition de ne rien dire. Elle le condamnait au silence. Et qu'avait-il à dire sur le silence, lui qui avait consacré sa vie à la musique - «le moins gênant des bruits», selon la rude sentence du rude soldat corse, Bonaparte?

Il passait des heures concentré sur un objet. Il se disait que s'il touchait cet objet, ses pensées morbides se dissiperaient, elles se fixeraient sur la matière. Il découvrir rapidement que le prix de semblable déplacement était très élevé. Il pensait que si la mort et la musique l'identifiaient (ou s'identifiaient) trop à un vieil homme, sans autre recours que celui de la mémoire, se fixer sur un objet pourrait le lester, à l'âge de quatre-vingt-douze ans, d'une gravité terrestre, d'un poids spécifique. Lui et son objet. Lui et sa matière tactile, précise, visible, une chose dotée d'une forme inaltérable.

C'était un sceau. 


Éditions Folio - 197 pages