Parlons d’abord de l’auteur (ça va être bref, je n’avais rien lu de lui auparavant). Je m’en réfère à la présentation proposée :
« Né en 1952, médecin voyageur et président de l’association humanitaire – Action contre la faim- Il a été publié en 1997 l’Abyssin, prix Goncourt du Premier roman et prix méditerranée, Sauver Ispahan en 1998, Asmara et les causes perdues, prix interallié 1999, Rouge Brésil pour lequel il a reçu le prix Goncourt 2001, Globalia en 2004, et la Salamandre en 2005. »
Catherine, 46 ans, mène une vie monotone, sans issue et n’existe que par son travail. Aucun voyage en dix ans, Son argent investi dans l’immobilier, elle s’englue et décide finalement de fuir son univers étriqué pour s’accorder une parenthèse d’un mois au Brésil où l’attend un couple d’amis, Aude et Richard (attaché linguistique dans une Ambassade). Le premier choc de Catherine avec le Brésil, c’est la plage : cacophonie, ULM en rase-motte, marchands ambulants avec tambours ou clochettes, motos et buggies, bateaux qui frôlent les nageurs…
Et naturellement, tous étaient dévêtus ou presque. Tant de fesses, tant de seins, tant de cuisses, tant de sexes qui imprimaient leur empreinte à si peu d’étoffe affolaient la vue, aux yeux de Catherine, ces gens étaient nus, indiscutablement nus. Ils ne portaient leurs maillots que comme la précieuse monture des joyaux de chair qu’ils entendaient mettre en valeur. Le tissu ne cachait rien, il désignait.
Les trois premiers jours, Aude dispense ses enseignements sur la vie brésilienne, et Catherine se laisse mener, elle opte pour le maillot de bain échancré, l’épilation, et vient rougir au soleil avec son amie. Elle se sent désirable, regardée.
Le quatrième jour, Aude délaisse Catherine pour une obligation à Brazilia et la voilà seule. Un homme d’une vingtaine d’année l’aborde et c’est le début d’une histoire d’amour unilatérale. Catherine rationalise, comprend vite l’attrait qu’elle représente pour le jeune homme, et offre volontiers des cadeaux en échange de faveurs charnelles qui la font vivre, sortir du carcan cafardeux de son existence française.
Plaisir, désir, amour. Catherine perd les pédales progressivement, se détache de ses amis, souhaite vivre le Brésil hors des sentiers touristiques balisés au bras de son amant, prolonge son séjour. Il lui fait connaître la fange, les bas-fonds, la misère et elle souhaite l’aider à tout prix. Le récit de sa descente aux enfers est impitoyable. La nécessité fait loi et l’amour est piétiné par la misère. Catherine ira jusqu’au bout de son amour. Sur cette plage, les ailes de Catherine se sont déployées, mais elle finiront brûlées.
Le style est agréable, très visuel, et peu hermétique (à l’exception de quelques descriptions médicales qui trahissent le métier premier de l’auteur). J’ai senti un parallèle dans le jusqu’auboutisme entre ce roman et celui de Jean Teulé, Darling, qui m’avait bouleversé. Le sujet est à-priori banal et évoqué dans un certain nombre de reportages, mais dès qu’on pénètre dans l’arrière décor, c’est un autre drame qui se joue. Le livre m’a plu, les personnages sont convaincants et bien campés, l’histoire serait, selon l’auteur véridique. Ça fait froid dans le dos…
Du même auteur : Rouge Brésil, Le Grand Cœur, Globalia, Immortelle randonnée. Compostelle malgré moi.
Florent
Extrait :
Le feu est la providence du voyageur. Il détourne son attention et concentre ses angoisses, lui permet d’être encore passionnément auprès de ce qu’il va quitter. Il représente soudain son appartement ravagé par une explosion et se répète avec effroi : « Ai-je bien pensé à refermer le gaz ? » Mais Catherine était équipée à l’électricité et elle avait tout vérifié dix fois avant de quitter la maison. Rien ne faisait obstacle entre elle et la terrifiante perspective de l’éloignement.
Éditions Folio - 189 pages
Commentaires
mardi 12 mai 2009 à 07h53
J'ai lu ce roman il y a plusieurs mois déjà et je me souviens avoir été très déçu. J'avais trouvé l'ensemble totalement invraisemblable et la psychologie de l'héroïne incompréhensible, difficile à cerner. Et puis j'avais trouvé que le récit sombrait dans "le grand guignol" dans sa dernière partie. Bref, Rufin m'avait semblé plus inspiré dans ses précédents livres...
mardi 12 mai 2009 à 20h58
Pour moi, ça a fonctionné. L'histoire repose sur un fait réel... Je pense que dans amour fou, il y a fou... Et donc pas de rationalité... Je n'ai pas cherché à comprendre. J'ai suivi le déroulement et l'ai trouvé convaincant, pour ma part. La rencontre n'a pas fonctionné pour toi, tant pis ! ça m'arrive aussi, et parfois avec de grands auteurs. cordialement
mercredi 8 juillet 2009 à 17h46
Un beau roman, réaliste et où l'on retrouve les thèmes chers à Rufin.
dimanche 7 novembre 2010 à 11h22
J'ai trouvé, pour ma part, ce livre comment dire .. Quasi ennuyant . Je n'ai pas eu la joie & l'honneur de retrouvé sa vraie façon d'écrire ainsi que son imagination débordante, à ce cher Rufin . Quoique son imagination était là, mais elle ne m'a pas vraiment charmée, contrairement à Globalia . Dommage .
PS : en attente d'un nouveau livre x) .
vendredi 20 mai 2011 à 16h51
L'avertissement motive tout de suite la lecture de "La Salamandre", mais la première partie de l'histoire semble avoir du mal à démarrer, surtout à cause d'un style un peu lourd. Ce n'est qu'àprès la rencontre de l'héroine avec Gil que le roman prend force et à partir de ce moment je n'ai pas pu arrêter la lecture. L'évolution du vécu du personnage principal avec Gil, dans ce Brésil hostil déroute mais fascine aussi. Même si les faits sont trop tragiques,la vraisemblance fonctionne bien, surtout dans ce monde où il semblerait que tout est possible. Du coup, qu'une occidentale soit complètement prise au piège par tout ce que Gil représente devient possible. Surtout lorsqu'on connait le passé du personnage féminin. Les réflexions sur la liberté, la soumission et les choix donnent une profondeur au roman.