L'histoire est maintenant connue de tous : Monsieur et Madame Button ont la désagréable surprise de découvrir que leur fils nouveau né, Benjamin, a l'apparence d'un vieillard de 70 ans. Francis Scott Fitzgerald nous conte donc l'histoire de cet homme dont la vie s'écoule à l'envers : plus les années passent et plus il devient "jeune".
Avec un sujet pareil, on aurait pu s'attendre à ce que Francis Scott Fitzferald nous propose un récit fouillé, une réflexion approfondie sur notre rapport au temps et à la vieillesse. Mon premier étonnement fut donc que cette nouvelle tienne en à peine 50 pages. Je me suis immédiatement demandé comment il était possible de traiter tout cela en aussi peu de pages. Et bien tout simplement parce que l'auteur semble plus intéressé par le portrait de la bonne bourgeoisie américaine que par les questions qu'auraient pu soulever ce postulat de départ. Non seulement Francis Scott Fitzgerald semble balayer assez rapidement l'incongruité d'une telle situation, mais certaines invraisemblances m'ont empêchée dès le départ d'adhérer à cette histoire : qu'un homme rajeunisse au lieu de vieillir, pourquoi pas; c'est un thème fantastique comme un autre et j'aime que la littérature réussisse à me faire croire l'inimaginable. Mais de là à admettre qu'une femme accouche d'un homme qui "mesurait un bon mètre soixante-quinze", il y a une frontière que je n'ai pas réussi à franchir.
Le tout aurait pu être rattrapé par un style virtuose, un agencement des mots qui vous ferait oublier tout ce que l'intrigue peut avoir de pauvre et bancal. Malheureusement, rien de notable dans la façon dont Francis Scott Fitzgerald déroule son histoire.
En fait, L'Étrange histoire de Benjamin Button ressemble plus à une idée qu'à une nouvelle consistante et envoûtante. Sans doute est-ce d'ailleurs pour cela que la critique fut enthousiaste à la sortie du film de David Ficher : ce dernier ne pouvait, je suppose, que magnifier ce récit trop succinct.

Il me restait donc Un diamant gros comme le Ritz pour me rattraper.
John Unger, étudiant originaire de la ville d'Hadès, est invité par un camarade de classe, à passer l'été dans la demeure familiale. Après un trajet en train pendant lequel Percy lui avoue que son père est l'homme le plus riche du monde, les deux jeunes gens traversent une montagne et se retrouvent dans un lieu non répertorié sur les atlas de géographie : ce lieu, c'est le territoire de la famille de Percy, un endroit où l'argent et les pierreries pulullent; mais le voyage va se révéler plus que dangereux pour notre ami John Unger.
Un diamant gros comme le Ritz a toute les apparences du conte philosophique. Francis Scott Fitzgerald nous propose une réflexion sur l'argent, la possession, les rapports hiérarchiques entre les hommes. Il y a un parallèle évident avec l'Eldorado de Candide, cette contrée où les pierres précieuses ne sont que des jouets. Les descriptions de l'arrivée des deux jeunes héros sont très ressemblantes : dans les deux textes, il est questions d'un lieu protégé par la montagne, d'un paysage foisonnant et de la stupéfaction des deux apprentis face à tant de richesse. On évoque le bain, les repas, les tenues etc... Comme dans Candide, on comprend rapidement que notre jeune héros n'est là que temporairement, mais ce qui différencie la version de Francis Scott Fitzgerald de celle de Voltaire, est l'administration de cet Eldorado : Voltaire évoquait un éden où l'avarice n'existait pas, où les hommes vivaient en bonne intelligence sans rapport de domination. Francis Scott Fitzgerald, au contraire, profite de ce leurre d'Eldorado pour amplifier tous les travers humains : le maître des lieux est un homme despotique, qui règne par la terreur sur une "armée" d'esclaves. À ce propos, le terme de "nègre" très présent dans le texte, me semble une erreur de traduction - "negro" en anglais n'ayant pas les connotations négatives du mot français - "noir" m'aurait paru plus adapté, même si le fond du problème est le même. Un dernier point de divergence entre les deux auteurs, est la raison du départ de nos deux jeunes héros : alors que Candide part de sa propre initiative pour retrouver Cunéguonde et être plus riche qu'avant, John fuit une tentative d'assassinat et la destruction de l'Eldorado auprès de la Cunéguonde qu'il a rencontrée sur place. Mais les deux morales se rejoignent finalement puisque John, comme Candide, réalise que ce n'était qu'une illusion, un miroir aux alouettes.

Voir les avis tout aussi déçus de Yohan (qui a aimé, lui aussi, la seconde nouvelle),  Calepin et Pimprenelle. Malgré tout, Anne-Sophie et  Karine :) semblent avoir apprécié.

Du même auteur : Le dernier Nabab

Laurence

Extrait L'étrange histoire de Benjamin Button :

M. Button fut pris de sueurs froides. Il ferma les yeux, les rouvrit puis regarda à nouveau. Il n'y avait pas d'erreur : il avait devant les yeux un homme de soixante-dix ans - ou plutôt un bébé de soixante-dix ans, un béné dont les jambles pendaient de chaque côté du berceau dans lequel il reposait.
Le vieil homme les regarda tour à tour, puis il se mit à parler d'une voix chevrotante :
- Vous êtes mon père? demanda-t-il.
M. Button et l'infirmière sursautèrent.
- Parce que si c'est le cas, dit-il d'un air de reproche, je voudrais que vous me sortiez de là - ou du moins, que vous leur demandiez de me mettre dans un fauteuil confortable.
- D'où venez-vous? Qui êtes-vous? dit M. Button laissant éclater sa colère.
- Je ne peux pas vous dire exactement qui je suis, répondit-il en geignant, parce que ça ne fait que quelques heures que je suis né mais je suis sûr que mon nom de famille est Button.


Éditions Pocket -  117 pages