C'est que le Québec finalement, c'est une série de gens étranges qui parlent mal, un hiver interminable et des moustiques énormes (voir l'extrait ci-bas!). Samuel est pris dans cette famille disfonctionnelle, s'ennuie de son père, est dévoré par une libido naissante et n'arrive pas à se faire à cet exil forcé.
En plus, on prépare sa bar-mitsva et sa mère qui veut inviter toute la famille ne parle jamais d'inviter son père. Samuel y tient. Il mettra tout en oeuvre pour que son père soit là pour cet événement important.
Il y a de l'humour dans ce roman cinglant. Les premiers chapitres m'ont particulièrement fait rire Il y a du cynisme aussi, et de l'humour noir. C'est que la violence qui entoure Samuel, elle, n'a rien de drôle.
Personnellement je n'ai pas été choquée par le regard sur le Québec et les Québécois. Samuel est de ces gens qui n'aiment rien ni personne, il ne faut pas, il me semble, le prendre trop personnel. Mais après deux chapitres, s'est essoufflé la magie de cet humour parfois facile m'a-t-il semblé, dans sa volonté de choquer.
Et à la toute fin, il m'a semblé que David Fitoussi touchait à quelque chose d'important. En effet, quand son père pose un regard critique sur le Québec, Samuel a soudain des mots plus doux. Il y a là, il me semble, un élément important qui touche à la fois à l'exil mais aussi à la relation parent/enfant. Nous sommes toujours très vifs à critiquer ce qui nous est proche, mais nous acceptons moins que d'autres le fassent. J'aurais souhaité que David Fitoussi tire un peu plus ce fil.
Je ne suis pas le public cible de ce type d'humour, la frontière souvent trop fragile entre le rire et l'explosion. Je sors de ce premier ouvrage de David Fitoussi assez partagée, finalement.
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Extrait :
Nous courûmes en maillot de bain et en tee-shirt vers la voiture, je grelottais, Arlette et Oscar s'enlacèrent pour se réchauffer. Après une petite heure de route, nous étions déjà au mont Tremblant. Avec le temps pourri qu'il faisait, je trouvais que l'endroit portait bien son nom. Il y avait quelques petites montagnes, quelques chalets épars, des pistes de ski qui attendaient la neige, deux ou trois restaurants, une végétation touffue, plusieurs lacs et pas grand monde. Ma mère tourna un peu en rond pour trouver la plage. Il lui fallut au moins dix minutes pour comprendre que le village n'était composé que d'une seule rue principale et que la plage était en retrait. Elle questionna un passant qui ne semblait pas savoir. Finalement, elle trouva une plage aménagée et payante. Il y avait un peu d'animation grâce à un couple de goélands qui se disputaient un morceau de pizza aux abords de la poubelle. C'était infesté de moustiques: des bestioles énormes avec une tête de vautour et une petite trompe. Ils étaient d'une férocité redoutable, d'une efficacité industrielle. Ils tournicotaient dans tous les sens, Arlette et Oscar couraient en vain, ils se giflaient en faisant éclabousser de petites gouttelettes de sang de l'estomac des moustiques écrasés. Je sentais Oscar prêt à abdiquer; il pensait à se coucher, à se laisser mourir pendant que les moustiques le videraient de son sang. Je pense que si les moustiques du Québec avaient été l'une des dix plaies d'Égypte, il n'y aurait plus d'Égyptiens.
Éditions Marchand de feuilles - 235 pages
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