Patricia Dolan est américaine d'ascendance irlandaise. Orpheline de mère, elle a été élevée par son père, policier à New-York. Passionnée d'Art, elle travaille pour une fondation-musée et voue un amour immense pour la peinture hollandaise du XVIIème siècle au point d'être considérée comme spécialiste en la matière et tout particulièrement pour le plus grand, Vermeer.
Un jour, elle croise par hasard un de ses nombreux cousins - à la mode irlandaise -, Mickey O'Driscoll. C'est le coup de foudre malgré leur différence d'âge. Patricia va peu à peu renaître à la vie, aux émotions, sortir de sa prison de glace où le décès de sa petite fille l'avait enfermé.
Voici donc pour les personnages principaux. On les suit via le journal que tient Patricia. Cette dernière est seule dans une maison de la campagne irlandaise. Elle n'a quasiment rien à faire et couche sur le papier les évènements de ces derniers temps. A part se promener de temps à autres, faire ses courses dans les deux seules épiceries du village et accomplir la tâche confiée par Mickey, le temps est long. Elle a pour seule compagnie un tableau de grande valeur, son préféré : la jeune femme au luth de Vermeer.
Peu à peu Patricia va découvrir que la réalité peut être changeante et plus encore, la fragile frontière avec les mensonges, les faux hasards, la vérité.
Katharine Weber mêle subtilement des morceaux de l'histoire de l'Irlande, son conflit sanglant pour son unité, les liens des irlandais américains avec leur mère patrie, les actes que l'on peut être amené à perpétrer pour ses convictions politiques. Jusqu'où peut-on aller par engagement ?
Et même si je me suis un peu perdue dans la généalogie de Patricia, à suivre les fils de sa très nombreuse famille, j'ai aimé la façon de l'auteur de nous interroger sur l'art en relation avec le temps, ce temps de vie aussi différent à New-York qu'il est de celui de ce village perdu au milieu des champs. J'ai aimé l'histoire de cette femme blessée qui reprend goût à la vie, qui sait avec éclat sortir son épingle du jeu des manipulations, préserver sa morale. Tel est pris qui croyait prendre ! Je ne vous en dis pas plus. Je vous laisse découvrir par vous-même la botte de Patricia.
Et la grenouille dans cette histoire ? Ce n'est pas comme vous le savez certainement l'emblème de l'Irlande mais simplement celui des Éditions du sonneur (et de leur jolie collection) qui nous offrent ce roman à lire. À explorer bien sûr.
Dédale
Extrait :
Elle est belle. Rien au monde, absolument rien, n'est plus intéressant à étudier qu'un visage. Son regard me fascine, m'aimante, me tient prisonnière. Il fait froid, sombre, humide. Pourquoi suis-je ici ? Pour quoi faire ? Dans ces journées si courtes de janvier, la campagne entière, avec ses moutons, ses cochons, ses vaches, semble plongée dans un désespoir hivernal. Le vent coupant, glacé, souffle jusque dans mes os. Je me demande par moments si j'arriverai un jour à me réchauffer. Je regarde mon visage dans le miroir et il me paraît lointain, flou, moins réel que le sien. Je rentre à l'instant de chez O'Mahoney, la boutique la plus proche, quatre miles aller-retour sous une pluie battante. J'y ai acheté de l'épicerie, un journal, et ce livre de comptes (le seul carnet qu'il avait en rayon où je retranscris mot pour mot la conversation que je viens d'avoir avec M. O'Mahoney, la première de la journée : - Avec cette haie de fuchias qui a envahi le carrefour, que le conseil du comté devait faire tailler en septembre, mais c'est toujours pas fait, allez savoir pourquoi, peut-être qu'y sont plus occupés à couper les crédits qu'à tailler les fuchsias, vous avez failli vous trouver nez à nez avec la camionnette du boulanger qui arrivait à fond de train. Méfiez-vous, mademoiselle, elle est dangereuse, cette route, vous avez bien failli y passer, là. Je regardais par la vitre, juste un petit coup d'oeil pour savoir s'il y avait une chance que la pluie s'arrête, mais non, pas la moindre. Vous avez pas trop peur, toute seule dans ce cottage, avec personne à qui parler que le fantôme du vieux Denny ? Vous allez pa tarder à nous quitter, j'imagine ? C'est Willy, le facteur, qui me l'a dit hier. Il avait une lettre pour vous, des Etats-Unis. Vous l'avez bien eue, j'espère ? Il allait chez vous quand on s'est croisés à côté de l'église, et plus tard, quand je l'ai revue, il m'a dit que vous étiez absente, alors il avait posé la lettre sur une chaise. Je crois bien qu'il a dit une chaise, mais c'était peut être pas une chaise, peut-être un tabouret, l'escabeau derrière la porte où le vieux Denny enlevait ses bottes. Vous en avez pas assez d'être toute seule avec vous-même ?
Éditions du sonneur - 220 pages
Traduction de l'américain par Moea Durieux
Commentaires
mercredi 24 juin 2009 à 13h50
Merci pour cette présentation très alléchante. Je ne connais pas du tout cette auteur mais j'ai pris note des références.