Salvator Fuensanta est un vieil homme. Il va bientôt partir à la retraite. Veuf de sa femme adorée Leonor, il n'a jamais voulu la remplacer. Mais ces derniers temps, malgré son grand âge (comme il dit), il en pince de plus en plus que la belle Juana, la vendeuse de journaux. Elle travaille aussi dans cet aéroport. Il est donc facile de faire plus ample connaissance et de papoter délicieusement de tout et de rien.
Salvator travaille depuis tellement de temps dans ce lieu de passages incessants, il a observé, vu aller et venir tant de monde qu'il est capable de déterminer la destination d'un voyageur rien qu'en observant son allure générale, à moult signes et petits rien. Il a acquis ainsi une belle érudition sur la nature humaine.
Il connaît toutes les personnes qui travaillent ou ont un temps travaillé dans l'aéroport. Il est comme un bon samaritain des lieux. On sent bien que l'auteur s'est amusé avec son personnage. Il lui donne à dire bien des choses sur les hommes, l'éducation, et lui attribue des théories bien campées sur pas mal de sujets. Et notamment, sur le Japon. Saviez-vous que le Japon, le pays où le soleil se lève, n'existe pas ? Qu'il s'agit d'une pure invention marketing ? Vous apprendrez aussi que le sushi a été inventé par un cuisinier portugais..
Une théorie aux arguments qui tiennent bien la route et que l'on en finit vraiment par douter. Enfin, presque !!
Parmi les histoires de Salvator, il y a celle d'Edouardo, un enfant, un temps son voisin d'immeuble, qui tourne mal car trop idéaliste. Après quelques actes répréhensibles, il décide de fuir en Inde puis au Népal où il espère une vie plus en adéquation avec ses idéaux.
Et puis il y a aussi l'histoire d'amour impossible entre Rosalia et Roberto. Il l'aime mais n'est pas aimé en retour. Ils travaillent ensemble dans une des boutiques de l'aéroport, sont liés par une grande amitié.. mais au désespoir de Roberto, cela n'ira jamais plus loin. Ils finiront par se séparer et ne plus travailler ensemble.
Saviez-vous qu'il existe dans les aéroports un pacte, un code secret en usage et qu'il n'est pas bon de faire certains gestes inconsidérés ? Par exemple, le fait de s'éventer avec une revue ou un livre pourrait être interprété par d'autres voyageurs et avoir des conséquences assez spéciales. Les aéroports ne sont-ils pas des lieux de rencontres ?
C'est une lecture fort agréable que nous propose Alberto Torres-Blandina. Dans un style parlé de tous les jours, très simple mais sans aucun relâchement de langage – Salvator sait se tenir et connaît beaucoup de choses – on suit les mots de ce balayeur fin connaisseur des hommes. Un vrai régal que de suivre le monologue de cet homme que l'on a peut être croisé un jour sans le savoir. Leonor, sa femme, disait : « Salvator, tu fais de l'incontinence verbale ». Pour ma part, je ne trouve pas. Mais bon, peut être qu'au quotidien.
Le temps n'a plus de prise quand on commence à écouter les histoires de Salvator. Et j'aurai bien aimé rencontrer au cours de mes voyages un personnage comme lui. C'est si long d'attendre dans les aéroports.
Bonne lecture et bonne rencontre avec Salvator.
Dédale
Extrait :
Mademoiselle ! Vous avez oublié votre livre sur le siège !
De rien. J'ai vu que vous partiez et je me suis rendu compte que vous alliez oublier quelque chose. Tenez, le voilà : Baudelaire, Les Fleurs du mal. Je vois que vous le lisez en français... Vous êtes française ? Non, bien sûr, je trouvais que vous n'aviez pas tellement une tête de Française...
Eh bien, je ne sais trop comment décrire une « tête de Française ». Après tant d'années ici, je pourrais vous dire qui est de Paris et qui d'une autre ville, mais ne me demandez pas de vous expliquer, je ne saurais pas. Ça tient à de petits détails...
Moi ? Non, je ne l'ai pas lu. Je ne connais presque rien en poésie. Enfin, je connais un poète... mais ce n'est pas un poète important...
Je ne crois pas que vous le connaissiez. Il est finlandais...
Exact ! C'est Jussi Latval. Vous l'avez lu ? Incroyable ! Il n'y a pas longtemps j'ai fait la connaissance d'un couple qui était tombé amoureux grâce à un de ses poèmes... Oui, c'est ce que je leur ai dit, que c'était un peu bizarre de tomber amoureux avec ces poèmes, si existentiels...
Comment dites-vous ? Derrière la routine des lèvres / Maintenant dans mon demi-sommeil / Enfin je t'embrasse... Non, je ne le connaissais pas. C'est peut-être celui-là. Il a dû l'écrire dernièrement...
Oui, oui, je sais qu'il est mort et que les morts n'écrivent pas... Mais ce mort est un peu spécial... Il a rendu l'âme dans cet aéroport. Vous le saviez ? Non ? Eh bien, maintenant vous le savez.
Que savez-vous de plus sur Jussi ? ... Ce que vous avez lu sur Internet. Il y a beaucoup de sites sur lui ? C'est vrai ? Je vais vous raconter quelque chose. Vous avez cinq minutes ? Bon, venez avec moi, on va s'asseoir là, parce que rester debout toute la journée...
Éditions Métailié - 159 pages
Traduction de l'espagnol par François Gaudry
Commentaires
jeudi 4 juin 2009 à 08h28
Il est dans mes livres à lire et sans doute dans mes chroniques à venir !
jeudi 4 juin 2009 à 08h30
J'espère vraiment que cette histoire va te plaire. Surtout, reviens nous dire ton ressenti. Bonne lecture.
jeudi 4 juin 2009 à 15h48
ça parait intéressant, je le note... (et puis le soleil se lèvre, ça met l'eau à la bouche
)
jeudi 4 juin 2009 à 21h56
Florent : l'erreur de frappe est corrigée
jeudi 4 juin 2009 à 22h09
Florent : Ahh, tout le monde ne peut pas s'offrir une glace à la plage
Laurence : Merci
mercredi 2 décembre 2009 à 18h19
J'ai beaucoup aimé ce livre. Je le conseille, rigolo et poétique
jeudi 3 décembre 2009 à 08h19
Merci Mathilde pour cet avis. Une histoire à partager avec le plus grand nombre effectivement.
mardi 18 janvier 2011 à 13h36
Très chouette. Un livre qui fait voyager la tête et il y a un trés trés jolie musique dedans. Il parait que l'auteur est musicien !
jeudi 20 janvier 2011 à 07h40
Merci Catherine. Effectivement, on voyage dans la tête même si on ne quitte jamais l'aéroport