Le ballon vert est un récit autobiographique, et le sous-titre « autres nouvelles » est finalement trompeur. « autres souvenirs » serait sans doute plus juste puisque chaque texte est consacré à un moment marquant de la vie de l'auteur. Daniel Karlin évoque les personnes qu'il a croisées au cours de sa vie, que ce soit en tant que réalisateur, militant du parti communiste ou simple citoyen.
Pour rappel, Daniel Karlin a longtemps œuvré à la télévision française et a réalisé des émissions ou des documentaires comme L'amour en France ou Scènes de la violence ordinaire. Son film Et si on parlait d'amour ?, sorti en salles en 2002, avait provoqué une forte polémique, et depuis Daniel Karlin s'était retiré du monde médiatique. Le ballon vert marque donc son retour sur le devant de la scène, même si cette fois ce n'est pas derrière une caméra.
Parmi les souvenirs que nous propose Daniel Karlin, certains sont très émouvants : il y a l'histoire de ce jeune sourd (Le ballon vert), isolé des autres enfants et qui va s'épanouir grâce à la présence de l'équipe de tournage ; avec Gros nounours, Daniel Karlin nous raconte le récit tragique de cet homme qui a commis l'irréparable et qui dans le box des accusés retrouve une part de son enfance ; Les dimanches du camarade Broussilovski parle de ces militants ordinaires qui ont marqué à jamais la mémoire des leurs. Et pourtant je reste très dubitative au terme de ces lectures.
Balayons tout de suite la question du style : Daniel Karlin n'est pas un écrivain ; il relate, il expose, il rend compte. Il ne faut donc pas chercher ici une poésie des mots, une musique particulière. L'écriture, simple et directe, ne vise qu'à l'efficacité du propos. Mais quel est le propos de Daniel Karlin ? Certes, il y a cette envie de partager ses mémoires, de parler de l'humain au-delà des apparences ; mais certains textes m'ont mise très mal à l'aise, en particulier L'évêque qui croyait au diable, texte central de l'ouvrage. Dans cet épisode, Daniel Karlin revient sur l'affaire Di Falco. L'homme d'église, qu'il avait rencontré quelques années auparavant, a été accusé de pédophilie et Daniel Karlin, convaincu de sa culpabilité, avait à l'époque préféré gardé le silence. Silence qu'il rompt aujourd'hui. Le réalisateur revient donc sur cette affaire, expliquant avec détails son propre rôle à ce moment là, publiant des extraits de leurs correspondances et dénonçant vivement la comportement de l'évêque. Si, comme Daniel Karlin, je suis profondément athée et condamne avec virulence les actes de pédophilie (comment pourrait-il en être autrement ?), je ne saisis pas bien quel est son objectif ici. Est-ce réellement pour informer l'opinion publique ou est-ce plutôt pour soulager sa conscience de ne pas avoir parlé plus tôt ? Il y a ainsi certains des textes de ce recueil qui laissent transpirer un désir de justification ou des rancœurs qui mettent le lecteur dans une posture inconfortable. Quant aux Brèves qui émaillent le livre, je n'ai tout simplement pas compris leur intérêt : qu'apportent au livre ces anecdotes de comptoir, qui n'ont parfois même aucune substance narrative ?
Bien sûr, on pourra me répondre que l'erreur d'aiguillage m'aura été fatale, qu'attendant des « nouvelles », je ne pouvais être que déçue par ce livre. Mais je n'en suis vraiment pas convaincue. Décidément, on pourrait croire que je n'ai pas de chance avec l'opération Babelio (ma dernière recension était sur Monster de Patrick Bauwen) mais je préfère garder en mémoire les deux premiers ouvrages que j'avais reçus : Si j'ai une âme de Vincent Peyrel et À table! de Tiffany Tavernier. Deux récits qui m'avait époustouflée par leur sujet et leur écriture. Je retenterai donc l'expérience la prochaine fois.
Laurence
Extrait :
Brèves (IV)
Savoir-vivre
Le couple avance sur le trottoir de la rue Pascal, en direction de l'avenue des Gobelins, à la limite entre le Ve et le XIIe arrondissement de Paris. La femme paraît le trentaine, l'homme une dizaine d'années de plus. Habillés mode, style négligé chic, l'air dégagé et libéré des contingences, ils se tiennent par la main. Des « bobos », cela va avec le quartier.
Mais la démarche raide de ces ceux-là, leurs sourires crispés, comme plaqués sur les visages. Des bobos bien ennuyés, quoi qu'ils fassent pour ne rien laisser paraître. Et pour cause : à la suite, à environ deux mètres d'eux, une petite fille, six ans au plus, avance en criant « C'est pas parce que tu couches avec ma maman que tu peux me commander ! T'es pas mon papa ! C'est pas parce que tu couches avec ma maman que tu peux te croire tout permis ! »
Le couple s'efforce de garder contenance, en attendant que la gamine se calme. Mais elle pleure, encore et encore. Maintenant elle hurle : « Tu couches avec ma maman, mais t'es pas mon papa ! » Sur le trottoir d'en face, des passants se marrent. Sont-ils bêtes, tout de même !
Éditions du Seuil - 233 pages
Commentaires
lundi 8 juin 2009 à 15h00
C'est vrai qu'à la vue du titre et de la couverture, on s'attend à tout autre chose... Je crois que j'aurais été aussi déstabilisée que toi...
mardi 9 juin 2009 à 08h11
pagesapages : c'est tout le problème des 4ème de couverture. Entre celles qui vendent la peau de l'ours et celles qui nous lancent sur des pistes très éloignées du roman, le lecteur a parfois du mal à s'y fier... C'est pour ça que généralement je ne les lis pas quand je vais chez le libraire. Mais là, impossible de feuilleter l'ouvrage pour le choisir; alors j'ai bien dû faire confiance au résumé...