Entre les souvenirs de son mari maintenant décédé et la peinture qu'elle a enfin retrouvé, Helen fait sa petite vie comme elle l'entend. Elle organise des brocantes avec son amie Mary, peint beaucoup, nage et marche même sous la pluie. Bien sûr elle fume trop, bien sûr elle est brouillonne, bien sûr elle est excentrique. Mais c'est vraiment sa vie libre, celle dont elle a rêvé. Tant pis si ni son fils, ni son voisin, ni la femme de ménage ne peuvent la comprendre. Elle commence à peine à se comprendre elle-même.

Et vient d'arriver au village cet homme avec un bandeau de pirate, cet homme mutilé dont personne ne sait rien, sauf qu'il est peut-être un peu fou. Il retape la vieille gare avec ce bon à rien de Damian Sweeney et il semble convaincu que des trains pourront y rouler un jour! Quelle idée. Damian qui a le même âge que son fils Jack: on dit qu'il trempe dans des trucs politiques, des trucs pas nets. Il y en a tant en Irlande, des trucs politiques, pas toujours nets. Helen préfère encore ne rien en savoir.

C'est entre ces quatre personnages que se déroule la trame de ce roman à la fois lent et dense. Rien ne s'y passe vraiment, rien de mystérieux, rien qui tient en haleine, sinon que cet atmosphère et ces personnages beaux et multiples qui se cherchent, se trouvent et apprennent à se connaître. À ce chapitre, la relation mère-fils est très intéressante dans sa difficulté, cet amour qui fait mal où on se comprend toujours trop peu, semble-t-il.

J'ai terminé le livre en me disant que ça m'avait plu mais que ça ne laisserait pas de traces... et j'y pense sans cesse depuis!

Catherine

Extrait :

Les seules vraies brocantes, ici, se dit-elle, c'est Mary et moi. Mais personne ne va nous acheter. Nous ne sommes pas plus utiles que décoratives. Pour ce qui est de Mary, ce n'est pas juste. Elle a son utilité. Et de l'énergie à revendre. Cette foutue vente, par exemple, toutes ces femmes qui se battent pour acheter des gâteaux et des objets inutiles dont elles se passeraient fort bien, qui discutent le prix de cardigans d'occasion, si Mary ne se donnait pas la peine de les ameuter et de les réunir depuis tant d'années, elles seraient bien tranquillement chez elles à regarder les feuilletons à l'eau de rose qui passent l'après-midi, ou à repriser les chaussettes de leur mari. En seraient-elles plus heureuses? Nous passons tous notre vie à attendre que quelque chose se produise... et en fin de compte, je suppose que c'est un grand soulagement de constater que rien de particulier ne se produit. Seigneur, je m'en souviens, quand j'ai quitté les Beaux-Arts pour épouser Dan, j'étais tellement persuadée que quelque chose de magique allait se produire, une explosion d'amour qui me secouerait jusqu'au tréfonds.  À cette époque j'espérais encore faire une entrée fracassante dans la vie, et j'étais bien trop cossarde pour m'affliger de ce que les choses n'aient pas tourné comme je l'avais voulu.


Éditions Le Serpent à Plumes - 309 pages