Quelques jours plus tard, obsédée par le souvenir de cette nuit, Mari profite d'une rencontre inopinée pour suivre le vieil homme dans la rue. Il est traducteur, vit reclus sur un île quasiment inhabitée et a perdu sa femme dans des conditions mystérieuses. Malgré la différence d'âge, Mari tombe sous le charme malsain de ce vieillard et brave les interdits pour le retrouver en cachette. Rapidement, l'homme exige de Mari une soumission totale et lui fait découvrir la sexualité à travers le prisme de ses déviances. Commence une relation trouble basée sur la souffrance et les rapports de domination.

Je savais que les romans de Yôko Owagawa pouvaient parfois être dérangeants, et si La formule préférée du professeur était un récit plus classique et inoffensif, j'avais gardé en mémoire l'ambiance étrange de L'annulaire. Je n'ai donc pas été trop déconcertée par le récit de L'hôtel Iris, même si cette fois, Yoko Ogawa va beaucoup plus loin que ce que j'avais pu lire d'elle avant. L'hôtel Iris n'est sûrement pas à conseiller aux âmes sensibles tant les descriptions des relations sado-masochistes des deux protagonistes sont parfois dérangeantes. Liée, bâillonnée, humiliée, Mari prend plaisir à se soumettre au vieil homme; elle abdique sans lutte ni retenue, culpabilise du moindre élan de rebellion, et le lecteur assiste médusé à la chute vertigineuse de l'innocence perdue. Partagé entre le dégoût et la fascination, on accompagne Mari dans son initiation, sachant très bien que le pire reste à venir. Car malgré une ambiance très malsaine, Yôko Ogawa parvient à transcender cette histoire et à la rendre captivante. Sans tomber dans le voyeurisme gratuit, elle dissèque les mécanismes de cette relation et réussit à exprimer l'amour là où on ne pourrait voir au départ que vice.

Une fois encore, Yôko Ogawa m'a prise dans ses filets, mais cette fois à mon corps défendant, ce qui est encore plus remarquable. Je pensais au départ que cette histoire malsaine m'écœurerait et que je ne pourrais adhérer au récit; mais pages après pages, malgré l'aversion que je peux avoir pour ce type de relation, je suis restée envoûtée par le destin de la jeune Mari. C'est pour moi le signe d'un très bon roman : réussir à nous charmer et à nous questionner malgré notre répulsion instinctive.

Voir aussi les avis de Yueyin et Marc

Du même auteur : L'annulaire, La petite pièce hexagonale, La formule préférée du professeur, Le musée du silence, Le petit joueur d'échecs

Laurence

Extrait :

Je ne sais pas très bien si ce que le traducteur a fait à mon corps est normal ou non. Je ne sais pas non plus comment le savoir.
Mais je crois que c'était sans doute quelque chose de spécial. Parce que c'était assez différent de tout ce que j'ai pu imaginer dans ma tête d'après l'ambiance et les bruits discrets qui flottent la nuit aux environs de la réception de l'hôtel.
- Enlève tes vêtements, me dit-il. Ce fut le premier ordre qu'il me donna. Ma poitrine frémit à la pensée que cette intonation si particulière s'adressait uniquement à moi.
J'ai secoué la tête. Pas pour dire non, mais parce que j'étais honteuse à l'idée qu'il perçoive mes tremblements.
- Enlève tout, répéta-t-il. L'impatience et le désir stagnaient au fond de son expression pleine de sang-froid. Alors que tout à l'heure encore il était si craintif, dès que nous étions arrivés sur l'île, sa tyrannie avait commencé à s'exercer sur moi.


Éditions Babel -  237 pages