C'est l'été. Un couple avec leurs jumelles arrive dans leur maison en Normandie. Ce sont les visites, les jeux de plage, les baignades, les glaces et les crêpes qui ponctuent ces jours de vacances.
L'homme traîne son mal être. Un jour lors d'une échappée, il rencontre une voisine un peu singulière, Alice Berthier. De plus en plus, son envie d'ailleurs finit en nombreuses visites à la vieille dame, dans sa maison avec jardin comme lovée hors du temps. J'ai eu l'impression d'un homme pris dans une toile d'histoires, d'émotions dont il ne peut plus se détacher. Pris au piège. Et quand il veut s'en éloigner, revenir auprès de sa femme Anna et ses filles, il est déjà trop tard.
On ne peut qu'être touché par la manie d'Alice de ne pas répondre aux questions qui l'embarrasse. Elle provoque parfois son visiteur avec ses questions quelque peu indiscrètes mais scelle ce qui la touche de trop près. Pourtant, elle sait dès la première rencontre qu'au fil des visites du narrateur, à lui seul, elle pourra raconter ses secrets, ses blessures.
On retrouve ici encore le style dépouillé, elliptique, en phrases courtes, plein de silences de l'auteur. Le ton abrupt parfois d'Alice quand elle fatigue ou quand une question la dérange trop. Un style presque sec, tendu parfois, toujours à fleur d'émotions.
Comme dans les autres romans de C. Gallay, c'est une relations entre deux personnes dont une est plus âgée que l'autre. La personne âgée, ici Alice (Théo dans Les Déferlantes, le prince dans Seule Venise), est détentrice d'une sagesse faite d'expériences, d'écoute, d'observations, d'amours et de blessures.
Alice raconte son voyage avec sa famille aux États-Unis en 1941. C'est surtout le voyage avec son père en territoire Hopi qui a marqué à jamais sa vie. C'est la découverte de ces indiens d'Arizona, leurs traditions, les rituels, les danses pour la pluie, les masques et objets sacrés ; ces splendides figurines, ces kachinas qui ont tant fascinés les artistes exilés, avec en chef de file le surréaliste André Breton.
Ici, l'auteur nous offre un récit très bien documenté sur les Hopi, sans être trop pesant d'informations. Il nous permet d'approcher un peu les mystères de cette tribu, de comprendre combien la présence des touristes a pu être envahissante, sacrilège souvent. Et puis il y a la magie du désert. La magie tout court aussi car elle est partout dans la vie, les mots, les gestes quotidiens de ces indiens vivant dans un des déserts les plus hostiles qui soient.
Souvent, on les dirait morts, alors qu'ils ne sont que vieux. Cet homme-là, cet Indien dont vous voyez le visage, Quöyeteva, il parlait avec les esprits et il était entendu d'eux. Mon père l'a rencontré là-bas. Je l'ai rencontré aussi. Son enseignement était l'un des plus précieux
Cela a été encore une très bonne lecture, passionnante. Pourtant, j'ai trouvé que les passages relatifs à André Breton retourné à Paris cassait un peu le rythme, la relation entre le narrateur et Alice. Bien évidemment, l'ayant connu à New-York puis au milieu des Hopi, Alice ne pouvait pas ne pas parler de cette personnalité mais cela m'a un peu gêné.
Peut être étais-je trop prise par le duo Narrateur-Alice. Piégée moi aussi par les mots de cette vieille dame. Piégée là-bas avec les Hopi, dans l'or du temps.
Du même auteur : Seule Venise, Les déferlantes, Une part de ciel
Dédale
Extrait :
Le chat est sorti d'un fourré. L'air gourmand. Sans doute il avait dû profiter de cette heure solitaire pour débusquer quelques oiseaux. Il remontait l'allée. Quand il est passé à proximité du bans, il a détourné la tête, me décochant là une de ses œillades brèves dont il avait l'habitude. Et puis il a continué son chemin, une plume encore collée à la gueule. Démarche chaloupée. D'ici jusqu'au devant de la maison où, en levant les yeux, j'ai vu Alice qui s'avançait.
Elle l'a pris dans ses bras et elle est venue vers moi.
- Savez-vous que ce matin Voltaire vous attendait ? Je sais toujours quand il attend quelqu'un. Eh bien je vous le dis, ce matin, il était là. Assis sur le bord de la fenêtre. Les deux pattes ramenées sous lui. Sans rien faire d'autre que vous attendre.
Elle s'est assise à côté de moi. Le chat sur ses genoux.
- Et pourtant vous ne venez jamais le matin. Elle m'a parlé du chat et puis de la vitre fendue sur le toit de la verrière. Par transparence, on pouvait voir le fêlure sombre dans le carreau.
Éditions Actes Sud - Babel - 366 pages
Commentaires
vendredi 17 juillet 2009 à 09h10
Hasard des lectures, Dasola en parle justement ici ce matin.
Vos avis sont quasi identiques.
vendredi 17 juillet 2009 à 11h11
Ce que j'ai aimé ce roman, ce fut pour moi une rencontre. Beauté et magie, oui, ce sont les mots pour l'écriture de Claudie Gallay.
vendredi 17 juillet 2009 à 12h59
Je l'ai lu l'an dernier et j'avais adoré : .
Tiens, c'est marrant, ça fait un an que je l'ai lu et ce roman résonne encore en moi. Un très joli roman que nous signe ici Gallay.
samedi 18 juillet 2009 à 11h27
In Cold Blog : effectivement, une belle coincidence
Merci pour le lien.
Emmyne et Leiloona : je ne peux que partager vos avis. Une belle histoire que voilà.
lundi 20 juillet 2009 à 11h17
J'ai aimé " les Deferlantes" et adoré ' Seule Venise" , je vais me laisser tenter par celui-ci , à la lecture de ce billet je pense que c'est encore un BON roman que je vais lire
lundi 20 juillet 2009 à 21h56
Sophie, il ne faut pas hésiter une seconde. Je ne rajoute rien pour laisser la surprise
mercredi 5 août 2009 à 15h21
J'ai eu la chance de "tomber" tout à fait par hasard sur Les déferlantes. Depuis ce n'est que plaisirs avec L'or du temps et une préférence pour Seule Venise.
MI M LIRE
dimanche 14 mars 2010 à 22h23
Un très beau roman qui m'a profondément touchée et qui me donne envie de continuer à découvrir cette auteure.
lundi 22 mars 2010 à 08h03
M M Lire et Violaine, merci beaucoup pour vos avis. Pour votre information, l'auteure sera en dédicace au Salon du livre
Une bonne occasion pour discuter un brin avec elle.
mercredi 2 novembre 2011 à 07h13
Je suis en train de lire les déferlantes.
Je m'ennuie, Claudie m'ennuie.
J'irai au bout mais alors quelle plaie.
Pour exemple page 116 : Sa voix ressemblait à la Hague, elle en avait la force, l'indifférence aussi. Je lui ai dit cela, Votre voix ressemble à la Hague, et il a hoché la tête comme s'il comprenait.
Il faut de tout pour faire un monde.
Cordialement.
vendredi 17 février 2012 à 12h05
J ai adore les déferlantes, je viens de terminer dans l or du temps, quel ennui, écrire pour ne rien dire voilà ce qu il ressort de ce récit sans queue ni tête, cela faisait longtemps que j avais perdu autant mon temps.....
vendredi 17 février 2012 à 12h32
Natoune, exactement. Il faut de tout pour faire un monde. C'est ce qui en fait sa richesse.
Sophie, parfois des rencontres ne se font pas.