Voici donc notre romancier raté catapulté du jour au lendemain dans une classe de petits durs : des adolescents qui attendent péniblement leurs 16 ans pour pouvoir enfin quitter les bancs de l'école. Alors autant vous dire que l'arrivée d'un auteur dans leur classe n'a rien pour les enchanter... Surtout que leur prof voit la venue de Chefdeville comme une occasion rêvée de pouvoir se décharger de toute responsabilité. Mais loin de se décourager après cette première expérience, Chefdeville va enchaîner toutes les activités proposées aux romanciers dans le cadre des revenus accessoires de droits d'auteurs : ateliers d'écriture divers et variés, résidence d'auteurs, lectures etc...
L'atelier d'écriture ne relève pas vraiment du roman dans le sens où il n'y a finalement ni début, ni fin. En quelques 250 pages Chefdeville compile les expériences et les galeries de personnages, et le tout ressemble plus à une chronique, à un état des lieux tout à fait subjectif. Dès les premières pages, l'auteur annonce clairement la couleur en utilisant un style pour le moins cru : pendant 6 pages il monologue sur l'intérêt de massacrer pigeons, moustiques et mouches avec un phrasé qui se veut drôle et en hommage à Frédéric Dard (ou Audiard à vous de choisir), mais qui m'a paru artificiel et gratuitement ordurier. Il m'a donc fallu passer cette première réticence, pour découvrir ensuite des dialogues bien ciselés, des situations qui sentent le vécu et des épisodes assez amusants. Chefdeville n'épargne personne : ni les élèves, ni les professeurs, ni les institutions ni même ses collègues écrivains ne semblent trouver grâce à ses yeux. À tel point qu'on ne peut s'empêcher de se demander si la rancœur et le cynisme ne prennent pas ici le pas sur la chronique drôle et satirique.
Une lecture récréative certes, mais loin d'être un coup de cœur... Si le sujet vous tente donc, je vous invite plutôt à lire les billets de Cuné et Cathulu, qui toutes deux ont aimé sans modération.
Laurence
Extrait :
Mon fessier écartelé sur le trône, le coude posé sur le genou et la tête reposant au creux de la main, je pensais. J'avais fui l'école à quatorze ans sans me retourner. Et trente ans plus tard, on me demandais de rempiler, mais de l'autre côté, avec le tapis rouge. Même si ce n'était qu'une chute de moquette à trois balles, je ne m'y trompais pas, l'idée était là, bien là, présente et prégnante, la trahison. On me demandait de revenir dans l'endroit que j'avais le plus honni dans ma prime adolescence, une détestation sans borne, l'école. Et je venais de signer presque sans état d'âme, tel un vendu, un renégat. J'avais signé les yeux fermés, reniant mes idéaux avec la facilité déconcertante du premier des opportunistes. Insupportable, dégradant, je n'étais qu'un merde, une grosse merde, rien de moins. C'était ainsi que, dans la position du Penseur de Rodin, un casque d'une tonne boulonné sur le crâne, je gambergeais, immobile et dubitatif, le cul dans le vide, travaillant mon bronze.
Éditions Le Dilettante - 253 pages
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