Dans Contes de crimes, il y en a pour tous les goûts.

On y trouve une Belle aux bois dormant qui attend son heure pour se venger, un détective spécialisé dans le monde des fées, le fameux C. Marmaduke Perthwee (aux troublantes ressemblances avec un certain S. Holmes bien qu'en confraternelle concurrence avec ce dernier), appelé en urgence, un Chaperon rouge pas si innocent que cela et qui sait manipuler les vieux barbons aimant les petits enfants...etc. C'est machiavélique. Si vous préférez un Peter Pan changé en serial Killer ou bien l'énigme d'un crime dans une chambre close, vous trouverez aussi.

C'est plein d'humour (l'auteur va même jusqu'à s'écrire un rôle - grimé en spécialiste des nains de jardin - dans une de ses histoires ! ), débordant d'imagination et de cynisme, de sensualité limite osée. C'est écrit dans un style rapide, sans temps mort - même si on croise des morts à tous les coins de conte -, au langage parfois bien vert pour ne pas dire truculent.

Assurément une lecture pour les grands mais un bon moment de lecture assuré. Mais attention, même si dans ces histoires on meurt à tour de bras, le Grimm ne paie pas toujours. La morale est donc sauve.

Dédale

Extrait :

Barbe de Grive

Il était une fois une damoiselle rose et rousse dotée de tous les avantageux apanages propres aux vraies princesses - celles à qui un petit pois glissé sous cent matelas, en leur dormant, torture la peau de lys. Elle passait ses jours, comme il se doit, à ne rien faire de ses dix doigts, sinon se mirer, se coiffer, se manucurer. Ou bien, la mode n'étant plus au teint d'ivoire et veines bleues, à bronzer au bord de ses piscines et toutes les nuits à sortir en boîte.

A dire vrai ce n'était pas sa pantoufle qu'elle abandonnait aux douze coups du clair de Lune !

Or si, insatiablement, la gourgandine se complaisait au marivaudage, libertinait et consommait à en décrocher les baldaquins, c'était toujours en compagnie de douteux pointeurs, de gandins, de snobs noctambules, mais jamais, au grand jamais, avec de nobles et gents partis censés lui offrir l'anneau d'or du mariage.

Toujours elle dédaignait ses prétendants qui, avec quelques espoirs, s'en venaient dès potron-minet faire antichambre pour s'en repartir bredouille et fort marris à la brune.

Trouvant l'un, président-directeur général, trop vieux, ce jeune financier trop gros, cet autre-là trop maigre, trouve chauve ou fat... Mais surtout, se moquait-elle d'un brave roi de la couture de haut luxe aux rondes rentes mais dont le menton présentait une légère asymétrie.

"Tiens ! se gaussait-elle, il a le menton de travers comme le bec d'une grive... C'est Barbe de Grive !"

Comparaison plutôt téméraire d'ailleurs étant donné ses médiocres connaissances ornithologiques.

Sot sobriquet qui, cependant, resta collé aux basques du malchanceux galant car dès lors que, dans une soirée, un dancing, un casino, dans tous les lieux mondains, il apparaissait, on disait : "Tiens ! Voilà Barbe de Grive !"


Édition Folio - 295 pages