Tout le monde croit connaître l'histoire de Noé : élu de Dieu, il embarqua dans son arche un couple de chaque espèce animale et garda tout ce petit monde à l'abri pendant les 40 jours du déluge. Voilà pour la version officielle. Ce que la genèse ne nous avait pas dit, c'est que Noé était un obsédé sexuel avéré avec un penchant tout particulier pour les otaries et les biches ; que pour maintenir une paix relative il avait été obligé de placarder sur les murs de son arche des décrets de non-consommation d'autrui et de non-prolifération, mais surtout, qu'un couple clandestin s'était invité à la fête....
Imaginez la tête de Noé et celles de ses ouailles, quand perdus au milieu des eaux, ils s'aperçoivent qu'ils hébergent un couple de dinoZores... Panique à bord et pagaille garantie. Aussitôt des clans se forment pour savoir s'il faut ou non se débarrasser de ces indésirables : quand certains craignent que le bateau ne résiste au poids supplémentaire, d'autres y voient une manne de nourriture bienvenue (parce que c'est pas pour dire, mais les carottes et les navets ne contentent que très modérément tigres, lions et autres carnassiers). Noé, quant à lui, préfère oublier tous ses soucis dans les bras de son otarie préférée. Et si Dieu et le Diable étaient derrière tout cela ?
Grincheux et autres rabat-joie passez votre chemin. La revanche des otaries est une farce qui s'assume, mêlant humour potache, jeux de mots et anachronismes.
Si Vincent Wackenheim nous parle d'un temps que les moins de 6 000 ans ne peuvent pas connaître, il prend un malin plaisir à multiplier les références à notre époque : Noé craint ainsi que ses clandestins ne deviennent l'attraction d'un Jurassic Arch, pour respecter le décret de non-prolifération les animaux de l'Arche sont invités à utiliser des préservatifs et autres moyens de contraception, les RG sont à l'affut de tout mouvement contestataire et les bergers allemands sont armés de mitraillettes Uzi de fabrication israëlienne. Dit comme ça, je reconnais que ça peut paraître un peu lourd, et pourtant j'ai ri plus d'une fois en imaginant Noé accroché à son wi-fi, regrettant son Saint-Germain des Près face au porte parole du Collectif anti-foie gras des oies et canards d'Alsaces et du Périgord. Ajoutez à cela des jeux de mots laids pour les gens bêtes (un genre d'humour auquel je résiste rarement quand il est bien amené) et vous comprendrez que je n'ai pas boudé mon plaisir.
En fait, il faudrait offrir ce roman à tout créationniste qui se respecte : les DinoZore étant dans l'arche, ce n'est pas le déluge qui a provoqué leur disparition, qu'on se le dise ! Alors bien sûr, j'entends déjà ceux qui feront les fines bouches et me diront que tout cela est bien lourd, un peu indigeste et parfois très en-dessous de la ceinture... que ceux-là passent leur chemin. Mais s'il y en a qui veulent passer un moment de franche rigolade décomplexée, qu'ils embarquent sans tarder sur cette Arche un peu particulière. D'autant que la morale, même si on la voit un peu venir, est loin de me déplaire...
Du même auteur : La gueule de l'emploi
Laurence
Extrait :
Les soirées étaient longues et humides, pas question de se faire une petite flambée, à cause de l'asphalte qu'on avait badigeonné partout. On s'était épuisé à jouer aux charades, aux portraits chinois, à la queue de l'âne, au cadavre exquis. On avait bien ri quand l'alligator avait mimé le pinson. On se racontait des histoires drôles, des devinettes, on fit des bouts rimés. Monsieur et madame Zore ont un fils, il s'appelle? La baleine n'en pouvait plus de rire, s'esclaffant, à s'en tordre les fanons, « c'est assez, c'est assez », les abysses quoi qu'on en dise n'étant pas un lieu de franche rigolade. La bibliothèque du bord foisonnait de livres choisis avec tact, on avait exclu les recueils de cuisine, les traités de chasse, de vénerie et de taxidermie, les histoires de naufrages et de féroces cannibales. Les animaux les plus épris de communautarisme et pétris d'un empathique et militant protestantisme montèrent une chorale, qui à vrai dire connut plus qu'un succès d'estime.
Après la découverte des dinoZores, c'en fut fini de la quiétude et de la sérénité, de la belle camaraderie et des petits tracas domestiques. Une ère nouvelle s'ouvrait avec son lot d'incertitudes et de déconvenues majeures, de sombres turpitudes et de trahisons violente, de faux espoirs, de noirs chagrins, de coups tordus. La vie, en somme. Chienne de vie. Noé douta pour la première fois.
Éditions Dilettante - 192 pages
Commentaires
vendredi 28 août 2009 à 07h59
Euh, y a encore de la place dans ta valise ??? :-)))
vendredi 28 août 2009 à 08h07
Ce titre m'a l'air très drôle, je pense que je m'y frotterai
vendredi 28 août 2009 à 08h35
je devrais aimer, non ?!
vendredi 28 août 2009 à 09h17
Une collègue (bibliothécaire) vient de m'en faire un compte-rendu aussi réjouissant ! Elle est tout à fait d'accord avec toi
vendredi 28 août 2009 à 10h46
ça devrait me faire passer un bon moment... Je note ça dans un coin. Merci
vendredi 28 août 2009 à 11h34
Neeeeeeeeeed !!!
Comme tu l'avais dit, en parler c'est le faire adopter :p
Dès que j'arrive à me le mettre sous les nageoires, j'hésite pas.
Merci pour cette petite découverte fort sympathique
vendredi 28 août 2009 à 12h13
Ah moi aussi ça me tente bien !
vendredi 28 août 2009 à 12h41
La revanche des email - Par Vincent Laurence dit Littérature otarie
le Wackenheim français,
Rentrée littéraire 07h24
L'Éternel dit à tout ce qui vit : Noé Noé Noé
tu feras entrer toute chair
dans l'arche femelle
il y aura un mâle de chaque espèce
avec toi,
pour conserver : Noé Noé Noé
Des oiseaux selon leur bétail
du bétail selon les reptiles
et de tous, les espèces
pour que tu conserves,
toi le bétail de
la vie.
Et toi, prends auprès de toi,
le Dieu que l'on mange,
et fais-en une provision
C'est ce que fit fais-en
: il exécuta tout ce que
les aliments lui avait ordonné.
Noé :
Tout ? Vraiment ?...
Et si la chose nous avait caché des Heureusement ?
Et si Vincent Noé n'était pas aussi là pour rétablir,
Ou tout du moins ...
vendredi 28 août 2009 à 14h48
Et bien, tant d'enthousiasme fait plaisir à voir !!
Dédale : heu... je crois que je vais d'abord le prêter à SuperBuse
Stéphie : tu peux t'y frotter, je n'y ai pas croisé de hérisson.
Amanda : oui, je pense sincèrement que tu aimeras.
Cathe : ta collègue a très bon goût
mais t'a-t-on au moins donné envie de le lire? 
Flo : pas trop loin le coin où tu le notes, sinon tu risquerais d'oublier
Cœurdechene : pour le trouver, ça devrait pas être trop compliqué... suffit d'aller chez ton libraire.
SuperBuse : tu viens le chercher?
Pseudoscott : mais qui se cache derrière ce pseudo? Vous m'intriguez plus qu'autre chose... D'autant que pour brouiller les pistes votre adresse mail est évidemment inventée... mystère...
vendredi 28 août 2009 à 16h12
Oui vous m'avez donné envie de le lire.... mais à la bib on vient de recevoir environ 80 livres de la rentrée littéraire alors le choix est difficile
vendredi 28 août 2009 à 17h23
Vu d'ici, ça fait beaucoup pour un seul roman, non ?
vendredi 28 août 2009 à 18h06
Cathe : je comprends tout à fait... Et vous avez reçu le roman d'Estelle Nollet?
Ys : ça pourrait mais en fait non. C'est juste très drôle. Bien sûr il faut aimer ce genre d'humour. (au fait, tu seras là dimanche à 18h00?
)
lundi 31 août 2009 à 09h21
Non pas encore d'Estelle Nollet
samedi 5 septembre 2009 à 11h47
Offert par mon fils, prochaine lecture...
samedi 5 septembre 2009 à 14h40
Assez heureux de voir ma Revanche des otaries égailler quelques lectrices ! Zoophilie, légumes, trahison. En espérant que le diable vous est étranger !
vw
samedi 5 septembre 2009 à 15h18
le diable entre en moi à chaque fois que j'approche un endroit contenant plus de deux livres... et puis le commentaire ici était tellement savoureux, que votre livre en passé en tête de liste...
Alors encore une cinquantaine de page de Mo Hayder et je plonge au côté de Noé...
samedi 5 septembre 2009 à 15h29
Mazel : ton fil a fait un excellent choix, "La revanche" est aussi drôle que "Les veilleurs" sont soporifiques, c'est dire !
Bonjour monsieur Wackenheim, c'est un plaisir que de vous accueillir ici.
Quant au diable, j'ai toujours trouvé le concept bien plus amusant que Dieu. "Moi qui n'ai prié Satan que quand j'ai eu peur du bon Dieu..." 
samedi 5 septembre 2009 à 16h17
Tu sais, en plus il a fallu qu'il cherche... le livre n'était même pas sur les présentoirs !!!
ça me rappelle un livre lu lors de la précèdentre rentrée littéraire, lui non plus, pas sur les présentoirs... "le pilon" de Lallemand...
un petit livre génial sur les états d'âme d'un livre de sa sortie de presse à sa mort... où il est question d'ailleurs de ces livres délaissés au profit de ceux du marketing...
Sympa de voir un auteur venir nous rendre visite, seulement dommage que Vincent Wackenheim n'ai pas de blog...
bises
lundi 7 septembre 2009 à 12h08
Une référence à garder sous le coude... L'humour de Dieu, j'aime.
Ce Wackenheim a-t-il un lien de parenté (autre que thématique) avec le musicien religieux Michel Wackenheim?
lundi 7 septembre 2009 à 13h02
pas à garder sous le coude... à lire... pas eu le temps de faire de recherches ce matin... je vais essayer de voir tout à l'heure...
petite citation...
après le meurtre de la belle otarie... p. 133 :
"le phoque, qui ne manquait jamais d'assiter aux obsèques de sa parentèle, même lointaine, fit remarquer à son voisin que ce qui était bien avec les enterrements, contrairement aux mariages, c'est qu'on y connaît tout le monde, c'est tout de même plus facile pour la conversation".
jeudi 10 septembre 2009 à 12h16
Voilà. La revanche des otaries, c'est l'histoire du chaos. Mettre la pagaille dans ce qui est policé, et attendre, pour voir. Légumes, trahison, et zoophilie. Seulement voilà, c'était une affaire entre le diable, et dieu, et c'est le diable qui gagne. Diaboliques, les blogs ? peut-être. Merci en tous les cas de donner un peu de lumières aux otaries. Elles sont assez pestes - mais elles le méritent ! Quant à Michel, oui, c'est un cousin. C'est mieux pour mon paradis, assez compromis par ailleurs !
jeudi 10 septembre 2009 à 13h37
diabolique les blogs ? probablement mais efficace pour faire connaître des livres moins médiatisés que d'autres... et grand plaisir de découvrir des perles rares...
J'ai vraiment adoré la trouvaille de fin. J'espère que vous nous ferez d'autres livres aussi sympas. Et pour des idées... la Bible n'est pas mal comme source d'inspiration...
Ce sera donc le livre que je prenterai au prochain club de lecture d'Andrésy... je pense que peux pourront y résister !
bonne journée Vincent.
mardi 15 juin 2010 à 10h10
Je suis en train de le lire. Et même si c'est cocasse, c'est aussi finalement plus profond qu'il n'y paraît.
mardi 15 juin 2010 à 12h19
Que le cocasse soit finalement profond, on peut dire qu'on gagne sur les deux tableaux (sauf qu'ils y sont bien tous, au fond de la mer, ça n'est pas prêt de s'arranger). Et j'y pense pour le prochain livre, à paraître en 2011, sauf si bien sûr d'ici là les canards m'auront mangé !
mardi 15 juin 2010 à 14h20
Bonjour,
De qui est-ce : "Moi qui n'ai prié Satan que quand j'ai eu peur du bon Dieu..." ?
Sylvie
mardi 15 juin 2010 à 15h33
Daniel : oui, cocasse mais loin d'être sot (ou seau, c'est selon que l'on prenne l'eau ou pas)
Voilà une bonne nouvelle, monsieur Wackenheim et il me tarde de lire ce prochain roman.
Bonjour Sylvie, cette phrase est extraite de la chanson "La statue" de Jacques Brel
jeudi 17 juin 2010 à 12h00
Ayé... billet en ligne!
Ici: http://fattorius.over-blog.com/arti...
Un bon moment de lecture, au final!