Jeanne Korowa est juge d'instruction.
Dévorée par son travail et par l'ambition, elle n'a pas de vie sentimentale. C'est en voulant s'en créer une qu'elle met sur écoute le cabinet d'Antoine Féraud, un psychiatre et pénètre dans le secret des patients.
François Taine est juge d'instruction.
Il se retrouve sur une affaire de meurtres en série rituels durant lesquels le tueur démembre et dévore ses victimes. Cannibalisme, rituels venus du fond des âges. Il demande de l'aide à Jeanne. Lorsqu'il se fait tuer, Jeanne reprend l'enquête à son compte, contre l'avis de tous. Elle en fait une affaire personnelle. Elle connaît le tueur. Elle l'a entendu parler dans le cabinet de Féraud.
Commence alors une longue traque de l'autre côté du monde, en Amérique du sud, sur les traces d'un tueur préhistorique avec pour seuls indices les cadavres qui marquent son chemin et une expression qui résonne en toile de fond : La Forêt des Mânes. La Forêt, elle te mord.
Comme chaque année, Grangé nous réserve un roman pour la rentrée littéraire. Et comme chaque année, c'est un thriller qui fait un peu plus ressortir la noirceur de l'être humain et de ses pulsions animales enfouies au plus profond de l'inconscient collectif.
Il est intéressant de relever qu'un schéma semble se dégager avec ce nouveau roman. L'an dernier, l'intrigue avait comme toile de fond le Miserere d'Allegri, un morceau réputé, une musique sacrée. Cette année, le sacré est encore présent mais d'un point de vue moral. En effet le décors de ce roman nous amène vers la psychologie, le mythe de l'enfant-loup et un ouvrage du Dr Sigmund Freud : Totem et Tabou.
Qu'y a-t-il de plus sacré, actuellement, que le respect de la famille et de l'autre en tant qu'être humain ? Pourtant, détruire ces images par l'inceste ou par l'anthropophagie c'est amorcer un cycle destructeur qui conduit au déni de soi et à une folie profonde.
Malgré quelques facilités, l'histoire tient debout et est menée tambour battant. Le rythme ne laisse aucun répit au lecteur et l'entraîne de scène de crime en déductions, d'horreur en horreur, de plus en plus profond dans les ténèbres de l'âme humaine. Car si le titre est Forêt des Mânes, l'auteur rappelle à plusieurs reprises que le terme exact est Silva de las Almas, en français, Forêt des Âmes. Les âmes et les mânes ont une origine commune puisqu'il s'agit des âmes des défunts restant sur terre pour protéger quelque chose. Ce sont des fantômes qui hantent les lieux. Bien sûr, ce titre n'est pas innocent. Mais en dire plus serait dévoiler des éléments de l'intrigue...
Le style reste agréable, même si parfois j'ai eu un peu de mal à suivre les raisonnements de Jeanne, surtout en ce qui concerne sa vie privée. Envie de la secouer, de lui ouvrir les yeux sur son quotidien, sa vie. Je me demande dans quelle mesure le personnage de Jeanne ne serait pas une critique de la vie parisienne, de ses exigences et de ses sacrifices. Une vie anthropophage elle aussi, qui aspire les êtres, le temps, détruit les liens. Il y a sans doute une réflexion intéressante derrière qui m'est cachée car c'est une vie que je ne connais pas (et vu comment elle est décrite, non merci...).
En résumé, c'est un roman sur la lignée de Miserere, qui se veut à la fois enrichissant mais aussi une lecture détente. Intéressant, prenant, bien écrit, c'est une lecture agréable pour la rentrée.
Autres romans de Jean-Christophe Grangé :
La ligne noire
L'empire des loups
Le serment des limbes
Miserere
Extrait :
Le soleil avait disparu. Le ciel était noir. Un nouvel orage se préparait. Elle se leva en reniflant, au bord des larmes. Maintenant, tout lui semblait perdu. Impossible. Elle ne trouverait jamais sa moitié. Elle ne fusionnerait jamais avec un homme. Elle était la femme morcelée. Comme sa soeur, qu'on avait retrouvé démembrée dans le parking d'une gare. Ou comme cette cytogénéticienne, qui avait été égorgée, mutilée et dévorée l'avant-veille...
Elle eut un renvoi amer. Elle allait vomir. Ce fut la sonnerie de son portable qui la sauva alors que la pluie commençait à tomber. Elle fouilla ses poches, son sac, faillit manquer l'appel. Elle tremblait. Elle pensa d'abord à Féraud. Puis à la préfecture de police. On avait trouvé son cadavre. On...
- Allô ?
- Radine-toi. J'en ai un autre.
La voix de François Taine. Tendue. Fébrile.
- Un autre ?
- Un autre meurtre cannibale.
- Où ?
- A Goncourt. Rue du Faubourg du Temple. Xe arrondissement. Le substitut m'a appelé. Il savait que j'instruis les deux premiers dossiers.
Jeanne ne répondit pas. Les rouages de son cerveau s'étaient déjà enclenchés. L'évidence explosa comme un éclair.
Je crois qu'il va tuer quelqu'un cette nuit. À Paris, dans le Xe arrondissement.
Joachim était le tueur cannibale.
Où plutôt l'homme-enfant à l'intérieur de lui.
Elle parvint à contenir le cri qui montait dans sa gorge pour dire :
- File moi l'adresse.
Éditions Albin Michel - 507 pages
Commentaires
samedi 12 septembre 2009 à 09h35
Je le lirai sans doute ! J'avais passé un "bon" moment avec Miserere, je suis curieuse de lire celui-ci. Merci pour ton billet.
samedi 12 septembre 2009 à 09h56
J'avais beaucoup aimé Miserere,l'an dernier et je n'entends que du bien sur celui-ci! Ça fait plaisir et je le lirai très certainement!
samedi 12 septembre 2009 à 12h45
Et la fin tient la route ? C'est souvent les fins "bâclées" que je reproche à Grangé.
samedi 12 septembre 2009 à 13h42
en cours de lecture... (sur la fin même)
très bon... une fois passé les histoires de fesses du début... Je l'ai même nettement préféré aux deux derniers. Un mélange de surréalisme /hyperréalisme/mysticisme/bain de sang...
Sinon, on plonge dans l'évolution, la préhistoire, vraiment très intéressant tout cela. Je pense que la fin devrait me plaire également...
Les références au passé politique du Nicaragua sont vraiment très intéressantes. Je connais mal, donc je vais me renseigner sur le sandinisme.
j'en suis à la page 492 ... sur la piste du tueur, en Argentine...
mais d'autres tueurs de masse... ne pas oublier les "folles de mai"...
découverte d'un peuple archaïque... déjà hommes ? encore singes ? je sens qu'il va nous refaire "le chainon manquant" !!!
La juge et le psy font équipe... mais... sombre présentiment... et si justement c'était le psy le tueur... ça me semblerait logique.
Finalement, plutôt bien ce livre.
Puis il aborde les Mayas...
En fait plus que le thriller, ce sont ces thèmes abordés qui me plaisent le mieux.
dimanche 13 septembre 2009 à 10h21
je les ai tous lu jusqu'à celui-là, et je vais temporiser car vraiment ses ambiances deviennent de plus en plus noires, un peu trop pour me rendre la lecture agréable.
dimanche 13 septembre 2009 à 11h42
bonjour deparlà, oui je trouve Grangé assez glauque, tout comme Mo hayder d'ailleurs... va savoir pourquoi je les lis !
En fait, "la forêt de mânes" me semble un peu différent de ces autres livres, passé les 100 premières pages... mais je ne m'intéresse pas vraiment au "thriller", juste que je trouve intéressant la partie "préhistorique" et celle "freudienne".
En fait, tout comme avec Mo Hayder, pas l'histoire qui me plait mais la partie documentaire.
mardi 22 septembre 2009 à 20h47
J'ai lu ses deux derniers ouvrages; Génial. J'attends avec impatience celui là !
mardi 22 septembre 2009 à 21h24
aveu : je les ai tous lus !
dimanche 27 septembre 2009 à 13h45
... difficile tout de même de laisser de côté l'horreur, surtout chez Mo Hayder,
dimanche 27 septembre 2009 à 13h48
oui, beaucoup plus présente chez Mo Hayder.
vendredi 23 octobre 2009 à 11h09
J'aime bien cet auteur, mais quand même je n'avais pas trop apprécié la visite du club sado-maso dans Miserere.
vendredi 30 octobre 2009 à 19h41
Un Grangé dans la ligné des autres Grangé. Une intrigue qui est assez bien menée,et quel plaisir de se retrouver du coté d'une Femme (Jeanne) ce qui est assez rare. La derniere,celle du concil de Pierre était tout sauf une femme (une femme masculanisée),et la on est vraiment dans la peau d'une Parisienne avec tous ces problèmes (sensation agréable).
Seulement,le bouquin est assez ecliptique (trop de saut dans le temps),et des passages qui aurai été intéressant de developper.
Selon des légendes littéraires il existe 24 trames pour un Roman,et du premier au dernier Grangé la trame reste sensiblement la meme. Dommage il y a un coup a joué pour compenser certains flop..
lundi 30 novembre 2009 à 10h04
Pas mon préféré, mais une excellente "lecture détente"