Dans Les lits en diagonale, récit auto-biographique, Anne Icart parle des liens qui unissent les frères et sœurs quand l'un des deux est handicapé mental : l'admiration, l'envie de protéger, la honte, le rejet, la jalousie mais aussi l'incapacité d'admettre que l'on fera mieux que ce frère qui ne deviendra jamais vraiment adulte. Ce récit, Anne l'adresse à son frère et toute la narration s'effectue donc à la deuxième personne. Le lecteur s'immisce alors dans l'intimité de ces deux êtres, dans leurs souvenirs, leurs joies et leurs coups durs. Anne Icart éprouve pour son frère un amour total et personne ne pourra dire l'inverse : chaque phrase est une déclaration, et les portraits qu'elle fait de ce frère pas comme les autres sont empreint d'une grande tendresse. Pour autant, l'auteure ne sombre pas non plus dans un mièvrerie gluante et porte un regard sans concession sur son propre parcours.

Les éléments étaient là pour faire de ce roman un récit poignant et émouvant, malheureusement les bons sentiments ne suffisent en littérature, et je suis restée totalement insensible à la musique de l'auteur. Alors que le sujet aurait pu être bouleversant, j'ai glissé sur les phrases avec une étrange indifférence. La narration au présent s'est avérée, je pense, un frein immédiat à la fluidité du texte : quand Anne Icart raconte ses souvenirs de prime enfance, elle tente de retrouver le parlé des enfants, leur naïveté, mais cela donne un phrasé étriqué. J'attendais un écriture plus ample, plus aboutie, qui serve totalement le propos; j'ai été frustrée par cette trop grande simplicité qui ne permet pas au récit de décoller.
Et puis l'ensemble manque d'unité à mon goût : trop de compilations de souvenirs épars ou de répétitions pour permettre au lecteur de s'attacher réellement à l'histoire. Mais peut-être est-ce là mon erreur : j'attendais une histoire alors qu'Anne Icart écrit à son frère l'amour qu'elle lui porte. Anne, la normale, et Philou l'handicapé : une fratrie fusionnelle au milieu de laquelle j'ai eu du mal à trouver ma place.

Laurence

Extrait :

Je me tiens debout à côté de Maman, mais je suis trop petite, je ne vois pas l'évier. Je ne vois que la fenêtre au-dessus, et le ciel et le profil de maman. Et le monticule de mousse. Elle me parle. Comme à une grande, c'est ce qu'elle dit. J'ai l'âge de raison maintenant. Elle dit aussi que tu n'es pas comme les autres enfants, que tu es malade et que tu as besoin qu'on s'occupe davantage de toi. Moi, je crois que tu as un rhume, comme moi parfois, et qu'on va faire venir le docteur Viterbo, et qu'il va te guérir. Il me guérit bien, même si je ne veux pas enlever ma culotte quand il veut m'ausculter. Ça le fait beaucoup rire. Donc ce n'est pas grave.


Éditions Robert Laffont - 156 pages