Dès le début, on sent que l'histoire va être gentiment loufoque. Cela commence dès la présentation des principaux personnages tous plus remarquables les uns que les autres.
Le capitaine Belalcazar, ancien archéologue à la retraite, n'a qu'une chose en tête : trouver Païtiti, la mystérieuse cité inca où est caché un gigantesque trésor d'or.
Pour La Catherine, une goélette paimpolaire à hunier avec beaucoup de voiles, de tous les noms tenues par beaucoup de cordes aux innombrables noms
, il faut un équipage.
Celui-ci est composé de deux matelots Negook et Hug-Gluk, deux indiens chasseurs d'ours ayant peur de l'eau et pas très dégourdis, de Fontaine la cuisinière qui en pince de plus en plus pour le Bel Alcazar, aussi infirmière spécialiste des amputations. Il y a la silencieuse Malebosse, mystérieuse navigatrice. Sauf que pour ce voyage, elle a un peu raté son coup. Mais bon ! Et puis apparaît Sophie, la belle guide pour forêt vierge aux courbes si prometteuses. Sans oublier non plus Jean-Philippe, un pirate très très méchant, très grand et très fort.. mais aussi très tendre à l'intérieur.
Voilà pour ces aventuriers de pochette surprise partis confiants à la recherche de cette cité d'or ! Sauf qu'ils ne savent pas, et le lecteur itou que ce voyage sera loin d'être calme. On embarque avec eux pour une histoire d'aventures inracontable tant il se passe de choses. Ce ne sont au fil des pages que des drôleries. On reste captif de cette amusante parodie du roman d'aventures mais respectueuse des codes. L'auteur joue bien des niveaux de langues. Du contemporain à celui plus classique comme du Conrad ou Stevenson. Le Moby Dick de Melville n'est pas loin non plus.
On se demande où l'auteur a bien pu trouver toutes ces loufoqueries. Pourtant c'est loin d'être le grand bazar. Cela tient la cap tout en étant totalement déjanté. Une lecture qui ne prend pas la tête, et que l'on fait le sourire aux lèvres. Il n'y a juste qu'à se laisser aller.
C'est à croire que l'auteur n'a écrit cette histoire que pour se faire plaisir à y introduire toutes les bêtises possibles et imaginables sorties de la tête d'un gamin espiègle et farfelu. C'est amusant, surprenant. Les idées et surprises fusent de partout, arrivent sans crier gare au coin d'une phrase, l'air de rien. Parfois on se surprend à revenir sur une ligne pour être certain de ce que l'on a lu tant c'est loufoque.
Même le narrateur s'y met et ajoute de-ci de-là ses propres commentaires décalés. Maintenant, chers personnages, vous faites comme vous voulez, je ne voulais pas plomber l'ambiance, mais au moins les choses sont dites.
De plus, si vous avez déjà fait l'expérience d'une rando qui vire au cauchemar à cause des insectes, des intempéries et autres joyeusetés, vous reconnaîtrez beaucoup, beaucoup de choses. Y a du vécu dans cette histoire-là !! Je ne vous parle même pas de l'effet k-way de la cape de pluie en forêt tropicale au fin fond du Pérou. Cela vaut franchement le détour.
Au final, nos aventuriers arrivent à Païtiti, trouvent le fameux trésor. Il y a de l'or partout, en veux-tu en voilà ! La morale de ce conte déjanté n'est-elle pas que la richesse n'est pas toujours là où on la croit, où on l'espère.
Bref, en un mot comme en cent, c'est une lecture plaisir, pleine d'humour et de cocasseries. Du bonheur tout simple. Cela fait vraiment un bien fou.
Du même auteur : Un vigile
Dédale
Extrait :
Au même moment, après avoir aidé Fontaine à débarrasser la table en emportant le plat et les assiettes dans la cuisine sans tomber dans l'escalier - que Fontaine redoute plus que tout au monde, un jour il y aura un accident dit-elle -, Hug-Gluq et Negook, comme à leur habitude, se retrouvent pour parler à l'avant du bateau, sous la hune du mât de misaine. Negook va mieux. Hug-Gluq ne fait plus la tête. Negook mange des biscuits de mer dès qu'il se sent mal et porte son regard au loin pour faire passer le tournis. Fontaine fait la vaisselle. C'est elle qui lui a dit de ne jamais garder le ventre vide quand il commence à aller mal, ni de rester dans un endroit clos. Il faut sortir, respirer, manger, fixer quelque chose au loin, même si l'horizon est flou.
Le pizzicato des assiettes monte de la fenêtre entrouverte ; pour un peu le son métallique d'un transistor coréen se ferait entendre et, comme le fond de l'air est tiède, elle n'est pas loin la sensation d'une soirée d'été qui prend le large près de la corde à linge d'un jardin de ville au milieu des draps secs qu'un vent chaud gonfle et fait courir sur place, sans bruit, peuplant la nuit de fantômes inoffensifs et blancs, impeccablement propres, une taie rose et un slip battant pavillon Soupline sur l'herbe calme.
La traversée du Mozambique par temps calme de Patrice Pluyette - Éditions Seuil - 317 pages
Commentaires
mardi 6 octobre 2009 à 08h31
J'avais lu il y a 5 ans son deuxième roman, Le Vigile, et je me souviens d'une lecture plaisante et amusante. Depuis, il a trouvé un éditeur moins confidentiel et j'en suis contente pour lui. Je lirai probablement cette traversée.
mardi 6 octobre 2009 à 10h43
Je me suis aussi laissée tenter et je n'ai pas regretté ! amusant, surprenant, bien d'accord avec toi.
mardi 6 octobre 2009 à 16h49
J'ai franchement pas aimé son livre, d'ailleurs, j'ai fait un post dessus sur mon blog. Mais si tu as aimé pourquoi pas, et heureusement, parce qu'il faut supporter ses choix et encourager la créativité littéraire en France
mardi 13 octobre 2009 à 21h19
Laurence : je mets l'ouvrage dans ma valise ?
Mazel : c'est effectivement tout cela :-))
Juliann : je supporte et assume mes choix et dégoûts aussi
Quant à encourager la créativité littéraire, nous sommes donc entièrement d'accord sur ce point.
samedi 5 décembre 2009 à 15h09
Pour ma part je me suis beaucoup amusée avec cette traversée. Très imaginatif, plein de rebondissements, ne se prenant pas au sérieux ... bref, tous les ingrédients d'un bon bouquin de week-end
dimanche 6 décembre 2009 à 11h40
D'accord avec toi, Alice-Ange, c'est une bonne lecture détente. Histoire "ne se prenant pas au sérieux" mais écrit avec beaucoup de sérieux tout de même. Tout est étudié pour que cela pétille un maximum.