Le Vieux Royaume, c'est aussi l'endroit où, dans une société féodale bruyante et chamarrée, se mêlent les destins de curieux personnages. Qu'ils soient Héros nobles ou de basse condition, brutaux ou érudits, chacun se retrouve confronté à cette société bigarrée ou à ce passé mystérieux qui fait le charme du Vieux Royaume.
Auteur français en pleine ascension, Jean-Philippe Jaworski fait une entrée remarquée dans le monde de la littérature avec ce recueil de nouvelles fabuleux dans tous les sens du terme.
Issu de l'univers du Jeux de Rôle (dans lequel il a sévi comme auteur à deux reprises), il donne ici vie à un monde confinant joyeusement à la Renaissance italienne. Le Quattrocento revisité à la sauce fantasy.
Dans ce monde, chaque histoire est prétexte à une rencontre et à la découverte d'un aspect de cet univers extrêmement riche où le décors est aussi soigné que les acteurs. Nous faisons ainsi connaissance avec Leodegar le Resplendissant, Roi-Dieu de Leomance, Benvenuto Gesufal, assassin patenté, Ædan de Vaumacel, chevalier au code d'honneur irréprochable, Cecht, barbare Ouromand, et bien d'autres encore.
Souvent extraordinaires, parfois tragiques, ces histoires flirtent avec l'onirique et se teintent volontiers de magie. Mais une magie finement distillée, apanage de quelques personnages tel cet Homme-Fée du Conte de Suzelle, ou Sassanos, le magicien du Podestat Leonide. Le reste n'est qu'affaire d'hommes, et d'armes.
Un mot maintenant sur le style et l'écriture.
Jaworski est un auteur qu'on imagine écrire au stylet, avec amour, ciselant chacune de ses phrases, pesant ses mots, testant leur musicalité, faisant de la narration de ses histoires un art et incitant le lecteur à s'immerger pleinement dans sa lecture. Chaque mot se savoure, chaque paysage est peint de main de maître, les sentiments sont justes et les actions sont toutes en 3D HD avec son Dolby Digital intégré... Bref, c'est un véritable plaisir de lecture.
Pourtant, la premier nouvelle de ce recueil m'a laissé un petit goût amer. Elle introduit l'ouvrage par l'histoire du roi fondateur du Vieux Royaume sombrant lentement dans la paranoïa et la folie. Le rythme est lent et le lecteur se perd dans les détails d'un univers qu'il n'appréhende pas encore. Une déception dès l'ouverture qui n'augurait rien de bon pour la suite.
Mais là, surprise. Dès la seconde nouvelle, c'est comme si l'on changeait de temps, d'univers, d'auteur peut-être même. Benvenuto est un personnage cynique, le verbe haut, l'intelligence en éveil, un maroufle à qui on ne la fait pas mais qui se prend quand même quelques coups. Et ça y est, on est parti. Le Vieux Royaume, sous la tutelle bienveillante de cet assassin sarcastique, nous ouvre ses portes et le reste du recueil s'enfile comme un album pour enfants. On y prend plaisir, on s'y sent bien et on en redemande.
D'ailleurs, avec un certain plaisir, j'ai noté que Jaworski s'améliorait au fil des nouvelles. Et comble du plaisir, sans savoir si ç'a été voulu par l'auteur ou s'il s'agit du hasard de la maquette, les nouvelles alternent pour faire passer le lecteur d'une histoire plutôt sombre, voire vraiment triste, à de grands éclats de rire et une légèreté qui fait du bien. Le tout pour finir sur une note mystérieuse de bon ton vu le genre du recueil.
La langue est tantôt soutenue, tantôt vulgaire, toujours adaptée à la situation et au personnage qui l'emploie. Les rencontres se font, tout s'anime sous nos yeux comme derrière un castelet.
C'est un vrai coup de cœur que ce recueil de nouvelles. Coup de cœur renouvelé grâce au premier roman du même auteur, Gagner la Guerre, sorti tout récemment et reprenant comme personnage principal l'ami Don Benvenuto Gesufal dans la suite de l'aventure initiée avec la nouvelle Mauvaise Donne.
Un recueil à lire d'urgence et un auteur à découvrir sans attendre !
Les nouvelles du recueil :
- Janua vera
- Mauvaise donne
- Le service des dames
- Une offrande très précieuse
- Le conte de Suzelle
- Jour de guigne
- Un amour dévorant
- Le confident
Du même auteur : Gagner la guerre
Extrait :
J'avais tué le voïvode Bela. J'avais survécu à Kaellsbruck. J'avais porté la main sur le Podestat. Ils étaient rares, les hommes qui pouvaient se vanter d'avoir commis des crimes ou des exploits comparables. Après tout, même si je sortais du ruisseau, même si je crevais de trouille, je n'en représentait pas moins une sorte d'aristocrate de la crapule. Il me fallait réagir en tant que tel. Il me fallait réagir ! Et ce fut ainsi, dans la pénombre humide qui sentait la vieille pierre et la moisissure, avec un nœud d'angoisse et de morbidité lové au fond du cœur, que je finis par me forger une détermination nouvelle. Je retrouvai ma lucidité acerbe, mon sens des affaires, ma carapace d'égoïsme. Je retrouvai mon audace calculée, ma moralité biaisée, ma ténacité rageuse. Je retrouvai Benvenuto Gesufal.
Éditions Folio SF - 488 pages
Commentaires
vendredi 30 octobre 2009 à 20h06
Voilà un auteur que j'ai de plus en plus envie de découvrir!
mardi 5 janvier 2010 à 21h33
Il est dans ma pile
J'ai même terminé Gagner la guerre !! Je tire mon chapeau à l'auteur. Une magnifique prouesse. On en redemande 
Merci encore Coeur pour cette découverte
mardi 5 janvier 2010 à 22h43
^^
(je vais enfin réussir à en pervertir ! :p un par un, mais au final, la fantasy dominera le monde !!! nyark nyark nyark :D )
mercredi 6 janvier 2010 à 08h06
Holà !! Sans vouloir doucher ton enthousiasme, Coeur, la Fantasy a déjà conquis pas mal de terrain chez moi depuis fooort longtemps.
Mais je te concède volontiers les lauriers pour la découverte de Jean-Philippe Jaworski.
mercredi 6 janvier 2010 à 15h29
Salut
J'ai découvert ce livre qui m'a été envoyé comme cadeau de Noël, je dois dire que de prime abord j'étais sceptique.
Pourtant j'ai adoré, et contrairement à pas mal de critiques j'ai aussi adoré la première nouvelle, Janua vera. Le truc c'est qu'elle se finit un peu vite.
Ma préférée est sans aucun doute le Conte de Suzelle, mais attention c'est une histoire très triste donc âmes sensibles, prévoir des clinex lol
vendredi 5 février 2010 à 08h00
J'ai ce livre dans ma PAL depuis un an (au moins !) et je me suis arrêtée dès les premières pages. Mais si ça s'améliore, j'irai le piocher bientôt !