Le narrateur se rend compte de l'immensité de la tâche, tant la vieille dame a réuni au fil des ans un nombre incroyable d'objets divers et variés. Il faut les répertorier, les classer, les prémunir des dégâts du temps, écrire l'histoire de chacun d'entre eux etc. Méthodiquement, avec une patience infinie, le narrateur rempli son devoir et les mois se succèdent dans une immobilité inquiétante. Rien ne l'éloigne de son travail, pas même la naissance prochaine de son neveu. Mais le voudrait-il, serait-il réellement libre de partir?
Et puis un jour, une jeune femme est assassinée, puis une autre et encore une autre; et le mode opératoire rappelle un autre meurtre, commis des années plus tôt. Que se passe-t-il dans ce village? Et quel est le rôle de la vieille dame?
Dans ce récit, où les personnages ne sont nommés que par leur statut, Yoko Ogawa explore une fois encore le thème de la mémoire. Les objets destinés au musée ne sont pas sans rappeler les spécimens de L'Annulaire, écrit 6 ans auparavant : là encore, il s'agit de conserver le souvenir et de défier la mort. Mais alors qu'elle avait choisi la forme courte pour L'Annulaire, elle opte ici pour un récit qui s'étire plus que de raison. Yoka Ogawa, comme à son habitude, a une écriture extrêmement élégante, qui entretient le mystère juste ce qu'il faut pour maintenir son lecteur en haleine, même s'il ne se passe quasiment rien. L'ambiance est pesante, oppressante, les bruits semblent absorbés, les personnages étrangement résignés. Et pourtant, ce récit n'a pas la puissance de L'Annulaire : l'enquête sur les meurtres paraît anecdotique et à force de vouloir suspendre le temps, Yoko Ogawa finit par affaiblir son récit. Je le regrette d'autant plus que la lecture d'Hôtel Iris m'avait marquée par sa maîtrise du rythme et le trouble qu'elle provoque chez le lecteur. Le musée du silence ne fait donc pas partie pour moi des meilleurs romans de Yoko Ogawa, mais je ne regrette pas pour autant de l'avoir lu car je garderai en tête quelques scènes très réussies.
Du même auteur : L'annulaire, La formule préférée du professeur, La petite pièce hexagonale, Hôtel Iris, Le petit joueur d'échecs
Laurence
Extrait :
- J'ai décidé, chaque fois que quelqu'un meurt au village, de me procurer l'objet qui caractérisait au mieux la personne. Comme vous avez pu le voir, c'est un endroit insignifiant où l'on ne meurt pas tous les jours. Mais cette collection est une affaire sérieuse. Je l'ai compris dès que je l'ai commencée. C'était peut-être trop lourd pour une enfant de onze ans. Mais j'ai persévéré pendant toutes ces années. Tout d'abord, la première cause de difficulté était que je ne me satisfaisais pas d'objets ordinaires. Je ne pouvais même pas tricher en rassemblant des objets de pacotilles tels un kimono porté une ou deux fois, un bijou rangé dans un tiroir ou une paire de lunettes réalisée trois jours avant de mourir. Vous voyez, je cherche l'objet qui soit la preuve la plus vivante et la plus fidèle de l'existence physique de la personne. Ou alors, quelque chose empêchant éternellement l'accomplissement de la mort qui fait s'écrouler à la base cet empilement si précieux des années de vie. Cela n'a rien à voir avec le sentiment contenu dans le souvenir. Et bien sûr, tout enjeu financier en est exclu.
Éditions Babel - 316 pages
Commentaires
mercredi 28 octobre 2009 à 11h29
Je l'avais lu à sa sortie et n'en garde qu'un souvenir assez vague... Je l'avais trouvé assez étrange mais intéressant, autant que je me souvienne, comme tous les Ogawa que j'ai lus d'ailleurs
mercredi 28 octobre 2009 à 13h33
Cathe : oui, un souvenir vague, je crois aussi que c'est ce qu'il me restera de cette lecture. Pour le moment, les deux récits qui m'ont le plus marquée sont L'annulaire et Hôtel Iris. Je sais qu'elle sort prochainement son nouveau roman chez Actes Sud et la présentation est assez alléchante... À suivre...
mercredi 28 octobre 2009 à 14h26
Je n'ai encore jamais lu Ogawa et Le Musée du silence était celui qui me tentait le plus. Mais j'ai lu plusieurs avis un peu mitigés donc.. Que me conseilles-tu pour démarrer, l'annulaire ou Hôtel Iris?
mercredi 28 octobre 2009 à 17h02
J'ai ce roman de Yôko Ogawa dans ma PAL et qui attend vainement d'être lu. Surtout que j'avais aimé "La formule du professeur" ! Je ne sais pas si c'est le meilleur de cette romancière, ayant lu peu de romans d'elle, mais les extraits que j'ai lus du "Musée du silence" m'avaient donné l'impression d'un monde encore plus étrange que dans la "Formule préférée du professeur". Cela se confirmera sans doute lors de sa prochaine lecture !
jeudi 29 octobre 2009 à 00h23
Personnellement, j'adore Yoko Ogawa. Je la préfère même pour ses nouvelles et j'ai dévoré "Le réfectoire un soir" mais aussi "Amours en marge". Je l'avoue, je n'ai pas encore lu "Le musée du silence" mais ça ne saurait tarder. C'est d'ailleurs par le biais d'un roman de Ogawa que j'ai découvert les éditions Actes Sud, je les trouve excellentes... d'autant que ses auteurs "fétiches" sont Auster et Murakami... miam miam.
jeudi 29 octobre 2009 à 08h25
Zarline : pour commencer, je te conseillerai "L'annulaire". Ce texte est aussi court que réussi et permet d'entrer pleinement dans l'univers si particulier de Yôko Ogawa.
Nanne : En fait, de ce que' j'ai pu lire de cette romancière, "La formule préférée du professeur" est assez en marge de ce qu'elle écrit d'habitude, plus traditionnel disons. Dans les autres romans, il y a un parfum d'étrangeté, voire des atmosphères suffocantes, que je n'ai pas retrouvé dans La formule préférée...
Christophe : avant toute chose, bienvenu ici.
Pour les éditions Actes Sud, il est vrai que leur catalogue est pour le moins alléchant. On pourrait ajouter les romans de Russell Banks ou ceux de José Carlos Somoza. 
vendredi 30 octobre 2009 à 12h59
Lu dans un contexte de vacances et sur une île lunaire, ce roman m'avait beaucoup plu. Plus pour son ambiance, sa bizarrerie que son intrigue. Après, j'ai aimé "La Marche de Mina", abandonné "La formule préférée du Professeur" et peu apprécié "Hôtel Iris". Je dois donc me ruer sur "L'annulaire" ! Quoi qu'il en soit, les atmosphères et les lubies de Y. Ogawa me laissent toujours un petit quelque chose, une empreinte...
jeudi 8 novembre 2012 à 14h13
Je suis actuellement en train de finir de finir Le Musée du silence et, même si c'est pas mon préféré d'Ogawa je suis bien contente de retrouver sa plume si particulière.
Je vois qu'il y a quelques avis mitigés voire négatifs sur La Formule préférée du professeur. C'est celui qui a ma plus forte préférence. Ça faisait longtemps qu'un livre ne m'avait autant touché que celui-ci et je le recommande chaudement à tous!
Enfin, Parfum de glace était pas mal aussi avec toujours cette atmosphère étrange quasi-irréelle...
Bonne lecture à tous