Très rapidement, Harry comprend que Johnny Favorite n'est resté dans la clinique que quelques mois, avant de disparaître dans des conditions mystérieuses. Où est-il maintenant ? Qui sont les personnes qui sont venues le chercher ? En quoi la communauté vaudou a-t-elle un lien avec cette histoire ? Et pourquoi tous les témoins de cette époque meurent-ils les uns après les autres ? Bientôt, Harry Angel va se retrouver au centre d'une machination dont il est le principal jouet.
Harry Angel est le détective privé type : un gars solitaire, qui aime la boisson et les jolies femmes; un peu paumé mais tenace, il avance ses pions un à un même s'il pressent que son client est loin de lui dire toute la vérité. Dès le premier soir, avec le "suicide" du médecin qu'il était venu interroger, Harry Angel réalise que si les flics viennent mettre leur nez dans cette histoire, il fait un coupable tout trouvé. Il doit donc absolument savoir ce qu'est devenu Favorite, tant pour son client que pour échapper à de futures poursuites judiciaires. Mais son enquête le mène dans les territoires troubles de la magie noire, des poulets sacrifiés et des cérémonies occultes. William Hjortsberg s'amuse ici à mêler les codes du polar et du fantastique, et il faut avouer qu'il y parvient à merveille. Tout le récit est baigné dans une ambiance fascinante et malsaine, et le lecteur à l'instar d'Harry, essaie de retrouver son chemin dans ce brouillard épais, sans jamais y arriver réellement. William Hjortsberg multiplie les faux indices et les voies sans issue ; on suspecte, échafaude des théories pour les remettre en cause au bout de quelques pages ; on est surtout mal à l'aise, prisonnier de ce labyrinthe poisseux et inquiétant. Je garderai longtemps en mémoire cette scène terriblement efficace dans les dédales du métro New-Yorkais. Et si l'on se doute un peu du dénouement quelques pages avant la fin, cela n'entame en rien le plaisir de la lecture.
J'ai découvert en écrivant ce billet, que Sabbat dans Central Park avait été adapté au cinéma par Alan Parker sous le titre d'Angel Heart. En regardant les photos du film, je me suis même demandé si je ne l'avais pas vu (question à laquelle je n'ai toujours pas de réponse). Ce qui est sûr, c'est que je ne risque pas d'oublier ce roman, qui m'a rappelé l'univers d'un autre grand récit de fantastique adapté au cinéma, Rosemary's Baby.
Laurence
Extrait :
Toots s'assit sur le tabouret du piano et chercha du regard ses deux musiciens qui s'attardaient dans la salle. Il s'adressa à moi, tandis que ses yeux allaient de table en table.
- Rien de tel qu'un peu de musique pour remettre les idées en place. On sait jamais, peut-être que quelque chose me reviendra.
- Je ne suis pas pressé. Je peux passer la nuit à vous écouter jouer.
- Allez-vous asseoir, petit. (Toots releva le couvercle arrondi du quart de queue. Une patte de poulet était posée sur le clavier. Toots referma brutalement le couvercle.) J'en ai assez de vous avoir tout le temps sur le dos ! grogna-t-il. Maintenant, faut que je joue.
- Qu'est-ce que c'est que ce truc ?
- C'est rien. Vous occupez pas de ça.
Ce n'était pas rien. C'était une patte de poulet qui couvrait une octave, de l'ergot jaune et acéré, derrière le pied à peau de lézard, jusqu'à l'endroit où elle avait été coupée et saignait, juste au-dessus de l'articulation. Sous une petite touffe de plumes blanches, on avait noué un bout de ruban noir. C'était considérablement plus que rien.
- Qu'est-ce qui se passe, Toots ?
- Barrez-vous !
- Quel rapport avec Johnny Favorite ?
Éditions Folio - 240 pages
existe aussi dans la collection Folio SF
Commentaires
lundi 9 novembre 2009 à 09h55
Je n'ai pas lu ce roman, mais le film d'Alan Parker m'a réellement marqué, au point que cela m'empêche même de lire le roman.
lundi 9 novembre 2009 à 10h30
Bien sur, film exceptionnel. Mais il semble, d'après le résumé que tu donne, que le traducteur n'ai pas saisi toute les nuances de l'œuvre originale, en tout cas pas aussi bien que le dialoguiste du film, qui lui a su garder le nom de l'employeur de Angel qui dans le film s'appelle Louis Cyphre (joué par un de niro remarquable, ah! la fameuse scène ou il gobe un œuf dur après avoir dis a Angel.
"vous savez, dans certaines cultures, l'œuf et le symbole de l'âme humaine"!)
c'est un film a voir et revoir, même s'il est un peu gore de temps à autres, mais bon un film sur le vaudou!!!!!
lundi 9 novembre 2009 à 10h53
Marc : si jamais tu arrives à passer par-dessus cette appréhension, tu verras que le roman vaut aussi le détour.
Hugues : en fait, on retrouve Luc Cyphre tout au long du roman sous diverses identités, et chacune d'elles est une variante de la première; en dire (et surtout en écrire) plus aurait été, je pense, une erreur.
je pense donc que le traducteur a non seulement très bien compris les nuances mais en changeant le prénom garde tout le suspens et laisse le lecteur faire ses propres déductions en temps et en heure... 