Ecrit en 1930 par Marcel Astruc, trois mois payés narre les aventures d'un employé aux écritures qui vient de perdre sa place et qui se retrouve avec trois mois de salaire en poche. Cet argent lui servira à se nourrir, à se chauffer pendant l'hiver et à voir venir en attendant des temps plus cléments, en particulier de retrouver un emploi. Mais l'insouciance du début cède peu à peu la place à la déception et à la misère, et le héros ira d'espoirs déçus en eldorados de paille, sans jamais retomber sur ses pieds.

Trois mois payés est la chronique d'un employé qui se retrouve au chômage. L'auteur fait le choix de centrer ce roman sur le personnage principal, en le suivant dans ses pérégrinations quotidiennes, en présentant les affres de sa situation. Le lecteur reste donc au plus près de ce personnage, pas toujours sympathique, notamment parce qu'il pense longtemps qu'il pourra faire face à la crise et refuse les offres d'emploi, les considérant toutes comme indignes. C'est un homme rêveur, qui dépense son argent en bois de chauffage au point de provoquer un feu de cheminée, qui ne pense aucunement à économiser son petit pécule. La moindre opportunité est pour lui l'occasion d'imaginer le début de sa future richesse, mais que soit son investissement en bourse, ou l'offre d'un homme rencontré par hasard de l'associer à ses affaires, s'avèrent des échecs cuisants.

En restant au plus près du personnage, de ses découvertes et des ses velléités de conquêtes féminines, on finit par s'attacher peu à peu à ce quidam. Mais ce choix me paraît assez dommageable sur un plan documentaire. Car en ne racontant que sa vie quotidienne, le lecteur n'a, à aucun moment, de perspective large sur cette période de l'histoire. On reste au ras du sol, dans un Paris où on croise encore des boursicoteurs et des hommes cherchant à faire fortune, mais le lecteur n'arrive pas à se faire une vision globale de la vie à cette époque. Bien entendu, cet ouvrage est une réédition, et il faut considérer le fait qu'il ait été publié dès 1930. Mais ce qui était évident à un lecteur de l'époque est aujourd'hui trop lointain pour être immédiatement compréhensible par un lecteur contemporain.

Plus qu'une chronique de la crise, c'est ici la vie d'un personnage lambda que raconte Marcel Astruc, homme de lettres et journaliste. Si l'ouvrage a des qualités, il me paraît presque anachronique de le rééditer aujourd'hui, car le lecteur n'a pas les repères nécessaires pour tout saisir. Par exemple, quelles sont les répercussions concrètes de cette crise sur la vie quotidienne, hormis le chômage du héros et ses difficultés croissantes à se nourrir ? Comment la société, dans son ensemble, a ressenti ce moment difficile ? Il aurait fallu un apport documentaire pour restituer ce texte dans son contexte, mais la postface se contente de rapidement présenter l'auteur.

En revanche, l'illustration de la couverture est vraiment réussie, représentant une file d'attente devant une soupe populaire du IIIeme arrondissement de Paris. Mais la photo ne représente pas la crise, puisqu'elle date de 1925 !

Par Yohan

Extrait :

 Quelques jours plus tard je rentrais chez moi après dîner, toujours aussi seul, toujours aussi triste. Des larmes amères venaient au bord de mes paupières, mais par un effort de volonté je les empêchais de couler. Non, il était impossible que le mauvais sort s'acharnât plus longtemps sur moi, cela allait changer certainement. La fatalité ne semblait se plaire à me persécuter que pour éprouver ma patience ; bientôt elle allait me laissait pour s'occuper d'un autre ; ce monsieur traversant rapidement la rue devant moi, par exemple. Pourquoi perdre courage, chacun sait qu'il y a toujours dans la vie d'un homme une période de crise ; cette période passée, le bonheur reparaît.

Trois mois payés
Éditions Le dilettante - 224 pages