Lombres est une transville, une ville sous la ville, qui a ses codes et son langage. Dès les premiers chapitres, China Miéville offre au jeune lecteur un univers foisonnant et délirant. Si on peut regretter la simplicité de la syntaxe, l'auteur use cependant d'une écriture très visuelle et dessine un monde féérique où les briques de lait vous suivent comme des animaux de compagnie, les livres sont bavards et les poubelles (poubanzaï) sont des gardiens terriblement efficaces. L'auteur crée des anagrammes et des mots-valises pour décrire cette ville en négatif de Londres et on est tout de suite sous le charme de son imagination débridée.
Mais Lombres est la proie d'un terrible ennemi : le Smog a décidé de faire main basse sur la ville et de brûler tout ce qui peut l'être. Inquiets, les habitants attendent que la prophétie se réalise et que la Shwazzy vienne enfin les délivrer. Quand Zanna et Deeba débarquent dans la ville, il ne fait aucun doute pour les profeçogurs que Zanna est celle que tout le monde attend depuis si longtemps. Mais est-elle réellement la Swhazzy ? Le grimoire ne se serait-il pas trompé ?
Dans ses remerciements, China Miéville revendique clairement la parenté de son roman avec Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll et effectivement, il y a quelque chose du miroir d'Alice dans ce Lombres farfelu : des personnages loufoques et inattendus, des objets vivants, des maisons qui bougent et se modifient etc. Mais ce que propose China Miéville va au-delà du simple hommage à Carroll Lewis, et rapidement on oublie les références pour suivre avec plaisir les aventures rocambolesques de la petite Deeba. Lors de sa quête, elle va rencontrer une multitude de protagonistes, comme les bibliothécaires de l'extrême, les tuilicoles ou la mygalucarne qui l'aideront à combattre l'horrible Smog. Derrière chacun de ces tableaux, on devine les convictions intimes de l'auteur et Lombres est à la fois un roman d'aventure, une dénonciation des politiques environnementales et une ode au pouvoir et à la richesse des mots.
Après avoir été émerveillée par un univers inventif et foisonnant, amusée par les épisodes délirants et parfois même mal à l'aise face aux descriptions peu ragoutantes du Smog et de ses sbires, j'ai malheureusement trouvé que la fin se traînait un peu trop. Cela est d'autant plus regrettable que le dénouement est finement trouvé mais que l'on y arrive un peu essoufflé et impatient d'en finir. Quant à l'épilogue, il est clairement de trop et China Miéville aurait ici mieux fait de s'abstenir. Cela étant dit, j'ai réellement pris plaisir à suivre les habitants de Lombres dans leurs aventures et l'on imagine très bien un film d'animation 3D adapté de ce roman.
Chiffonnette et Lael ont elles aussi beaucoup aimé ce récit.
Laurence
Extrait :
Avec toutes ces briques rouges, on se serait cru à Londres. Sauf que, ici, les constructions respiraient l'anarchie architecturale : elles s'appuyaient les unes sur les autres ; les étages montaient à angle franchement pas droit ; les toits d'ardoise titubaient dans tous les sens.
Çà et là, en lieu et place d'une maison, on découvrait tout autre chose.
Par exemple, ces arbres dont les branches abritaient chambres, cuisine et salles de bain à baie vitrée.
On voyait même ses occupants se brosser les dents ou sortir de leur lit. Obaday fit passer ses comparses devant une maison en forme de poing, équipée de fenêtres au niveau des phalanges. Plus loin, c'est une énorme carapace de tortue qui servait d'habitation : la porte d'entrée se situait là où sort le cou de l'animal, une cheminée surmontait l'édifice.
Zanna et Deeba s'arrêtèrent devant une construction aux murs rebondis. Une véritable mosaïque de briques noires, blanches et grises.
« Mince alors, fit Deeba. Des ordures. »
Et en effet, les trois étages de la maison se composaient de détritus amalgamés. On reconnaissait des réfrigérateurs, un ou deux lave-vaisselle et des centaines de tourne-disques, d'appareils photo, de téléphone et de machines à écrire. Le tout pris dans le ciment.
Éditions Au Diable Vauvert - 560 pages
Commentaires
mercredi 25 novembre 2009 à 10h29
Un pur bonheur, comme tous les livres de China !!
Un conte merveilleux eco-responsable.
mercredi 25 novembre 2009 à 17h12
Il m'intéresse beaucoup celui-ci

J'avais déjà été titillé lorsque la critique était parue sur Elbakin.
Là, c'est de la surenchère
mercredi 25 novembre 2009 à 20h16
Malgré ce que tu en dis de la fin, je pose une option sur cette histoire.
jeudi 26 novembre 2009 à 18h50
Barb : tout d'abord bienvenu(e) ici.
Et si je ne suis pas aussi enthousiaste que toi, je comprends que l'on puisse plonger corps et âme dans l'univers que l'auteur propose.
Cœurdechene : ok, je te l'envoie dans le prochain colis.
Dédale : il faudra demander à Cœurdechene
vendredi 27 novembre 2009 à 07h39
Dammed ! Coifée au poteau
Coeurdechene, savoure bien mais fait vite 