La pulsion alimentaire que nous fait découvrir ce livre n’a rien à voir avec les désordres chers à nos psy. Ici nous parlons d’un des moteurs de l’évolution des civilisations, d’un ingrédient indispensable du menu de la progression des peuples et de l’avancée des cultures, l’alimentation.
De la fin du Moyen Âge à l’ère de Catherine de Médicis, nous allons suivre, des cuisines, l’avancée hésitante de la civilisation humaine.

On sent dès le départ le travail qui sous-tend tout l’ouvrage, ne serait-ce que par la quantité dithyrambique des notes marginales et rappels en bas de pages. Chaque page est emplie d’informations historiques parfois capitales, mais aussi de la « petite histoire » : le plat favori de tel roi, la renommée de la table de tel autre ou simplement la frugalité d’un souverain qu’il lui vaut la réputation de radin.
Et finalement, on s’y fait, on avance de page en page et on se prend au jeu. On prend le même plaisir à lire ce livre documentaire, à s’informer, voir à s’instruire, qu’à regarder « le dessous des cartes », on entre dans l’histoire par la petite porte et on perçoit mieux à quel point la nourriture a pu accompagner l’homme dans son histoire et à quel point elle y a parfois joué un rôle décisif.
Je n’ai pu m’empêcher de penser, bien sûr, aux Fraises de Grouchy, à la poule au pot, mais, aussi, je l’avoue sans honte, aux banquets finaux des aventures d’Astérix, en me disant que tout compte fait, l’histoire s’est parfois jouée sur un coup de fourchette.
On y voit aussi mieux comment, vainqueur ou vaincu, colon ou colonisé, chaque culture s’est, au fil du temps, imprégnée de sa voisine, prenant une épice ici, un mode de cuisson là, comment par le goût de certains seigneurs, des plats venus d’ailleurs sont entrés sur des tables étrangères et y ont élu domicile. En gros, que la cuisine a réussi là où tant d’autres choses ont échoué en intégrant chaque ingrédient, sans distinction d’origine.

Personnellement, je l’ai lu, comme je fais souvent, en deux fois. Une première lecture consacrée au texte seul, sans tenir compte des notes marginales et encarts, une seconde en m’arrêtant sur ces dernières. J’avoue que c’est parfois laborieux, mais la fluidité du texte et la pertinence des observations et de la bibliographie restent suffisamment succinctes pour ne pas noyer le bébé avec l’eau du bain.

Pour conclure, je dirais que ce livre documentaire n’est pas, et de loin, de ceux qui vous dégoûteront du genre. Sans compter, qu’en plus, il vous permettra de vous « la péter » en société en pontifiant sur le rôle essentiel du maïs dans l’avancée des armées de Cortes ! Vivement qu’on en sache plus sur le cassoulet !

Plus j’y pense, plus je me dis deux choses à propos de ce premier tome de ce qui doit être une trilogie :
1 – Ce livre devrait être présent dans les bibliothèques des écoles hôtelières.
2 – Comme il est dommage qu’il ne soit pas livré avec un opuscule contenant des recettes d’époque !

Hugues

Extrait :

Toutefois, pour éviter que la bataille ne reprît pendant les négociations, le roi de France (louis XI) fit installer à la grande porte d’Amiens, où campait l’armée anglaise, des tables richement chargées de pain, de salaisons, de rôts et de pâtés, au point que le spectacle tenait du Rabelais ou du Bruegel. Les Anglais qui passaient par-là – par hasard – ne pouvaient s’empêcher de s’arrêter pour profiter de l’aubaine. Dans la ville elle-même, les tavernes avaient reçu l’ordre de servir aux soldats anglais, au compte du roi de France, ce qu’ils désiraient. On avait fait venir trois cents chariots chargés de barriques de vin. Il coula à flots et la fête dura trois jours.
Edouard IV se rendit compte qu’il ne pouvait pas se montrer trop difficile dans les négociations, car son armée, gavée de pâtés et fort gaie de bon vin, s’était démobilisée d’elle-même.
Le traité de paix de Picquigny fut signé.


Éditions L'Arganier - 320 pages