Mais revenons au recueil primé !

Des paysages immobiles, certes. Mais paysages bien vivants. Ceux des bords de mer, une plage où le vent joue dans les cheveux, un lieu que l'on quitte lors d'un déménagement ou un nouveau que l'on investit en tentant d'oublier les mauvais souvenirs d'une autre vie.

On y retrouve l'ambiance du bel ouvrage Quand s'ouvre l'horizon. Les couleurs changeantes de la mer, le jeu des vagues sur le sable, les travaux de la campagne, les moissons, le bois à rentrer avant l'hiver, tout y est.

Plus loin, ce sera un verger où seule la chute de pomme perturbe si peu les lieux. Dans ces paysages immobiles, nous ne sommes jamais seuls. L'autre, l'occupant de notre cœur ou un ami, une connaissance, y trouvent aussi une belle place.

Dans ces courts textes en vers ou en proses, l'auteur ne cherche pas la rime. J'ai plutôt senti la quête de la douce musique de l'instant. Cette musique est plus ou moins grave en fonction du sujet abordé. On trouvera une succession de notes qui s’emboîtent subtilement, délicatement. La lecture de ce recueil assure un dépaysement total. Dès la première page, vous oubliez tout pris que vous êtes dans l'harmonie des notes, des mots.

De la douceur et de la poésie qui font tant de bien par les temps qui courent. Pourtant, cela ne signifie pour autant pas que l'auteur et par son truchement le lecteur, reste insensible au monde qu'il l'entoure. Les sujets d'interrogations et de tristesse existent bien et sont aussi évoqués mais toujours exprimés sans acrimonie.

Les textes de Jean Le Boël disent le quotidien, sa beauté que l'on ne distingue plus. Avec ces mots qui s'accordent, présentés avec toujours autant de sobriété élégante, nous voilà invités avec sérénité à savourer l'instant. Ils nous guident vers une paix intérieure si précieuse.

Dédale

Du même auteur : En ville (petites proses), Quand s'ouvre l'horizon, Amoureuse mémoire, Margats de Saint-Pierre : histoires d'après guerre, Un homme

Extrait :

nous gardions nos mains dans nos poches
serrées sur notre désir
mais nos habits déjà
s'apprivoisaient
dans le pressentiment de nos corps
nos cœurs au même pas

***

nos souffrances, nos maux, nos blessures
dont nous nous gargarisons
ne nous donnent aucun droit
sur autrui
où a-t-on lu que la vie était facile
à qui doit en porter le poids

***

dans le verger
que trouble seule
parfois
l'énigmatique chute
d'une pomme

Ton désir
eau
pour ma soif

- sourds
à l'immense bourdonnement
à la ronde


Éditions Henry - 78 pages