Pavel Munch est un artiste renommé. Il a débuté par la sculpture, en façonnant à partir d'argile de petites figurines. Puis son art s'est développé, a pris d'autres directions : il a ainsi mis en place des installations beaucoup plus imposantes, souvent à base d'éléments assez inattendus. Mais la vie de Pavel Munch est loin d'être simple. Son rapport à la terre est maladif, celui aux femmes problématique. Seule Roberta trouve grâce à ses yeux, c'est elle qui l'a élevé et qui l'a poussé dans la voie artistique. Ses relations affectives sont essentiellement sexuelles, et plus particulièrement homosexuelles.
Pascal a rencontré Pavel par hasard, à l'armée. Il a tout de suite été frappé par cet homme, par son corps, et a suivi sa carrière artistique, sans lui en faire part. Devenu un romancier connu, il présente à Pavel l'idée d'écrire sa biographie. Ce dernier donne son accord, mais l'enfantement de l'ouvrage ne sera pas sans douleur pour l'écrivain, qui a du mal à distinguer son travail et son admiration pour l'artiste.
La première partie de l'ouvrage est une biographie presque classique de Pavel Munch. On découvre son enfance, ses premières œuvres, ses premiers émois platoniques pour un militaire de passage, son éducation sexuelle par d'autres garçons en internat. Munch, nom d'emprunt, n'est pas quelqu'un d'aimable. A aucun moment, le lecteur n'éprouve d'empathie pour ce personnage, qui a un rapport étrange avec tout ce qui l'entoure. Seul son physique, son charisme semblent être les éléments qui font qu'on le regarde, qu'on l'observe. Et c'est exactement ce qui arrive à Pascal, le narrateur et biographe.
Malheureusement, l'aspect antipathique du personnage fait qu'en tant que lecteur, j'ai eu du mal à m'intéresser à l'artiste, et que la relation avec le biographe m'a paru assez sibylline. Bien entendu, la deuxième partie de l'ouvrage montre pourquoi Pascal s'intéresse à Pavel, sans décrire précisément ce qu'il cherche. Pascal a un intérêt artistique, mais également sexuel pour Pavel, au point d'accepter de souffrir quand Pavel le fait poser. Cette relation déséquilibrée m'a assez peu intéressé, notamment car elle n'est pas assez nette.
Pascal Morin a une écriture agréable, mais les traits de caractère qu'il donne à Pavel Munch (une invention de sa part puisque Pavel Munch est un personnage de fiction) ne m'ont pas convaincu, et m'ont paru caricaturaux. Notamment ceux qui concernent son homosexualité, qui est ici présentée comme une simple chasse aux conquêtes masculines, où l'avidité des relations prend le pas sur toutes autres considérations. La réflexion sur la place du biographe et son choix de sujet est certes intéressante, mais n'est pas assez étoffé, pour le coup.
Une découverte en demi-teinte, donc, pour ce roman qui clôt une série de quatre romans consacrés aux quatre éléments (avec ici, la terre).
Extrait :
Son entrée dans l'adolescence est brutale. On l'arrache à l'école, on l'arrache au hameau dont il connait les habitants aussi bien que ses figurines alignées sur le banc. On le fourre avec d'autres gamins qui piaillent dans un autocar vieillot, poussif, dont les sièges en skaï fauve sont à moitié défoncés, et on l'emmène à des kilomètres de là, au collège, en pension. De son monde quotidien, de ses courses dans la montagne après l'école et de ses jeux avec la terre des chemins, on le tient à distance. On lui dit qu'il est un adolescent, qu'il doit retenir ses larmes. On se moque de lui. On croit qu'il se languit de sa mère. Mais on se trompe. Il me l'a bien expliqué bien plus tard, pour m'éviter de commettre le même contresens. Depuis longtemps déjà, il a l'habitude de vivre sans elle. Il sait qu'elle ne l'écoute pas, qu'elle le chasse dès que quelque chose la préoccupe. Ce qui lui manque, c'est l'univers dont il a l'habitude, dans lequel s'épanouit son imagination, sous le regard de Roberta. Le hameau, la terre.
Éditions du Rouergue - 160 pages
Commentaires
vendredi 4 décembre 2009 à 10h47
J'avais repéré ce roman lors de sa sortie... puis j'ai finalement opté pour Bonheur fantôme, d'Anne Percin, sorti chez le même éditeur, un joli coup de coeur.
Ma seule "rencontre" avec Pascal Morin avait été avec Bon vent, en 2006, une lecture, comme pour toi avec ce livre, en demi-teinte.
vendredi 4 décembre 2009 à 10h50
Je suis moi aussi restée perplexe après la lecture de ce roman pour les mêmes raisons que toi ! Restent quelques images mais le tout est, à mon avis, un peu maladroit.
vendredi 4 décembre 2009 à 11h37
Ah, je n'ai pas trouvé ce personnage caricatural pour ma part.
Si vous souhaitez lire mon billet :
http://leiloona.canalblog.com/archi...
vendredi 4 décembre 2009 à 13h22
@Incoldblog et Cathe : je vois que je n'ai pas été le seul lecteur atteint par "la demie-teinte" en lisant Pascal Morin
Des passages intéressants, mais l'ensemble m'a laissé perplexe.
@Leiloona : Je viens de lire ton billet (merci pour le lien). Je suis d'accord pour dire qu'il y a une ambiance, un décor, mais j'ai vraiment eu de mal à saisir la personnalité de Pavel Munch. Et cela m'a laissé de côté...