Tout commence quand Paul arrive sur le parking d'un hôtel entre la dune et un cours d'eau ondulant vers l'océan. Retrouvant quelques souvenirs, il y prend une chambre. Il ne sait combien de temps il restera. Tout dépendra du lieu, des traces qu'il y trouvera ou retrouvera.

Tous les personnages de cette histoire sont à la recherche de quelque chose. Françoise l'hôtesse en lutte avec son mari Daniel qui ne veut pas lui donner ce qu'elle attend viscéralement. Ce même Daniel est rendu presque fou d'ennui par les lieux, le vent, la pluie comme si l'endroit faisait tout pour qu'il parte.

Il y a surtout Paul, ce voyageur solitaire, revenu sur les lieux de son enfance, en quête de son grand-père disparu depuis longtemps, et d'une mystérieuse Dame qu'il croise au détour de ses promenades sur la plage. Fée, rêverie, souvenir d'enfance.. la Dame va, vient et s'évapore en fonction des humeurs de Paul. Seuls les poèmes qu'il note sur un carnet arrivent à rendre ce qu'il ne peut dire.

il a peur, mais il ne sait pas de quoi il a peur. Il n'en finit plus de tomber à l'intérieur de lui-même, comme dans une nuit sans fin.

J'ai aimé l'ambiance de cette auberge en bord d'océan. Là où les silences de morte saison sont propices aux divagations, aux rêveries.

L'esprit divague parmi les décombres de la pensée

Là aussi où les solitudes se rencontrent, se confrontent.

L'écriture d'Olivier Deck, également photographe, est toujours aussi visuelle, photographique, à moins que cela ne soit mon regard sur ce bout de côte, l'auberge prise entre la dune et les vagues. Ses mots donnent envie d'être sur place, à marcher dans les flaques laissées par la marée, les cheveux pris dans les bourrasques du vent, sur la dune ou derrière la baie vitrée voilée par la pluie.

Rien ne dit que nos frayeurs, nos manques ne viendront pas nous visiter au détour d'un arbousier ou d'un coquillage.

De ce roman, de ces mots, on pourrait dire comme Françoise à Paul : « Il y a beaucoup de nostalgie dans la musique de tes mots ».

A lire pour cette écriture évanescente, mystérieuse, onirique. A lire pour ces images poétiques de grand large, de grande intériorité.

Du même auteur : Une nuit à Madrid, La voie ferrée

Dédale

Extrait :

Il aime cet air, tantôt lourd, tantôt coupant. Le souffle de l'océan. Le premier qui a empli ses poumons.
Les heures de marche sur la plage remontent en lui, comme s'il n'avait jamais cessé d'y marcher. Seul. Un enfant seul marchant sur la plage. Il livrait ses joues et ses cheveux au vent. Le vent qui menaçait l'équilibre. Le vent qui vrombissait aux oreilles, le déchirait comme une voile trop fine trop bordée.
Comme une feuille de papier.
Il se perdait à observer les nuages qui roulaient jusqu'au rivage et lorsqu'ils crevaient, l'eau déferlait sur le sable et s'en allait noyer le pays tout entier sous d'épaisses trombes.
Il se souvient maintenant, c'est là, en lui, il se souvient.

Des averses et des averses et des averses.

La rumeur de la dune.
Les grincements des pins. Les pins difformes. Ceux qui se tiennent en première ligne. Ceux que défoncent les coups de mer, les gifles de l'ouest. Ratatinés, tordus, entortillés par les bourrasques.

Il marche, fuyant son ombre, cherchant ses propres traces sur le sable.

Enfin, il trouve un repère, en lui et hors de lui : la conversation avec l'océan. la profonde conversation dans une langue sans mots. Une langue uniquement faite de présence.


Éditions de l'Atelier In8 - 131 pages