Sandra vit dans une petite maison individuelle avec sa mère, une avocate commis d'office qui travaille et fume trop. Son père est au abonné absent depuis des années, comme tous les autres hommes de la famille. Heureusement, Sandra peut compter sur le soutien de ses trois meilleurs amis, Fleur, Étienne et Allison. Depuis la dernière année de maternelle, ils forment un clan un peu à part et sont toujours là les uns pour les autres. Mais ça, c'était avant l'arrivée de Liouba Gogol. Liouba est belle, divinement belle. Mais pire que cela, elle est également modeste, drôle et intelligente. La perfection faite lycéenne. Et ce que craignait Sandra ne manque pas d'arriver : dès le premier jour, des tensions apparaissent dans sa petite bande. Elle décide donc de prendre sa plume et de nous raconter l'histoire de la plus belle fille du monde.

Agnès Desarthe signe ici un roman drôle, intelligent et subtil (à l'image de Liouba ?) et s'amuse à travers la voix de sa narratrice à multiplier les mises en abîme et l'inter-textualité. Car au-delà d'un roman sur l'adolescence, La plus belle fille du monde est une plongée dans l'acte de création. En effet, Sandra parsème son récit de réflexions sur l'écriture d'un roman et s'interroge sans cesse sur la pertinence de tel ou tel procédé stylistique : de l'intérêt des portraits et des digressions à la fabrication d'une métaphore filée, la narratrice nous livre au fur et à mesure de l'écriture, ses doutes et ses découvertes littéraires. Et puis Sandra, héroïne malgré elle, est un petit bout de bonne femme très surprenant qui ne se contente pas de vivre, mais s'interroge en permanence sur la signification de l'existence. Si ces questions désarment la plupart du temps la mère de Sandra, elles procèdent également au charme de ce récit malicieux.
C'est cet alliage délicat qui fait de La plus belle fille du monde un peu plus qu'un énième roman sur l'adolescence. Du coup, il devrait aussi bien séduire les adolescents que les adultes nostalgiques de cette époque.

(d'autres avis dans la blogosphère : Clarabel, Stéphanie et Marie)

Autres romans d'Agnès Desarthe :
Dans la nuit brune
Mangez-moi
Le remplaçant
Je manque d'assurance
Mission impossible

Laurence

Extrait :

Quand Liouba Gogol est née, on savait déjà que ce serait une beauté. Le gynécologue et la sage-femme présents à l'accouchement manquèrent de s'évanouir en la voyant. Sa mère poussa un cri de victoire et son père un cri de joie, car Liouba Gogol était parfaite et que ça crevait les yeux dès le premier jour.
Bon, cette scène à la maternité, je l'invente, forcément. Je n'étais pas sur place. À l'époque j'étais moi-même en train de naître quelque part, et ma mère se demandait si je resterais chauve et si je loucherais toute ma vie. Mais c'est aussi ça, être écrivain, parler de chose qu'on n'a pas vues, qu'on ne connaît pas, mais dont on sent qu'elle sont vraies.


Éditions L'école des Loisirs -   163 pages