Ils sont cinq lycéens, appartenant à la même classe de terminale ; cinq ados qui au cours de l'année vivront tour à tour des événements cruciaux : il sera question, en vrac, de sexe (bien sûr), d'humiliation, d'intégration, de violence verbale ou physique, de prostitution, de manipulation. Ils sont tous à un moment charnière de leur existence ; plus tout à fait enfants mais pas encore adultes, ils doivent faire face à leurs doutes et leurs angoisses mais surtout aux regards des autres. L'adolescence est toujours un moment difficile à gérer, et si Gilles Abier force un peu le trait (difficile d'imaginer que ces histoires arrivent toutes au sein d'une même classe ; encore que...), il propose une réflexion très intéressante sur le phénomène de groupe et la difficulté d'être soi en cette période de mutation.

Sur la forme, Gilles Abier adopte la grille classique de la nouvelle à chute : quelques phrases situant l'action juste avant le dénouement final, un flash back permettant de comprendre les mécanismes qui ont amené l'adolescent à cette situation et une conclusion inattendue. Si parfois cela semble un peu mécanique, les adolescents devraient adhérer facilement aux histoires, d'autant que la narration est portée par chacun des protagonistes dans un langage oral et relâché proche de celui de nos ados.

J'ai eu l'occasion de voir certains jeunes réagir après la lecture de certains extraits de ces récits et tous se sont montrés enthousiastes : ils aiment, sans condition, et se retrouvent dans les personnages croqués par Gilles Abier. Alors bien sûr, certains enseignants ou parents préfèreraient certainement que ces jeunes lisent des romans plus classiques au langage châtier, mais je me dis pour ma part qu'il ne faut jamais freiner un ado qui veut lire et que le roman de Gilles Abier offre des perspectives de discussions et de débats en classe riches et pertinentes. Après tout, ce que l'auteur cherche à montrer ici c'est que le passage à l'âge adulte n'est pas un long fleuve tranquille et je crois que personne ne pourra le contredire sur ce point.

(Sylvie et Essel l'ont également lu et chroniqué sur leurs blogs.)

Du même auteur : Le jour où je suis devenue mytho

Laurence

Extrait :

C'était même pas mon idée. J'avais rien à voir avec ça. Je traîne pas avec eux. Mais ils avaient besoin de mon aide. Et je la leur ai apportée.
Je suis vraiment con. Plus que con. Lâche.
Le pire, c'est que je les aime pas. De vraies enflures. À dégueuler sur tout ce qui bouge. À t'humilier à la moindre occasion. Ils ont l'instinct animal pour attaquer là où ça fait mal. Au début, j'étais naïf : j'imaginais qu'en les ignorant, j'arriverai à sauver ma peau. Mais j'ai très vite compris qu'il valait mieux être de leur côté plutôt que dans leur ligne de mire. Y a pas de terrain neutre avec eux. Même entre potes, ils se cassent. Alors si tu veux pas qu'ils s'attachent à toi, tu ris quand l'un d'entre eux compare Gaston à un fion. tu ris parce que t'es soulagé que le crachat de leur connerie t'a pas visé. Tu ris même si un heure plus tôt t'as accepté de faire ton exposé de géo avec lui. tu te dis que la semaine prochaine, Gaston sera de l'histoire ancienne.
Et ça marche, ils te foutent la paix.
Un moment.


Éditions Actes Sud Junior - 138 pages