Une femme seule est venue pour un rendez vous dans une ville côtière d'Espagne. Il y fait chaud, le soleil brille. Seuls les vacanciers venus profiter de la mer semblent apprécier ce soleil écrasant.

Cette femme est comme perdue dans un autre monde, celui de ses souvenirs, le coeur au bord des lèvres. C'est sur ces bords de mer qu'elle a rencontré Victor, son époux, son amant. Disparu depuis peu, il lui a donné rendez-vous au même endroit. Mais tout, la plage, les sentiers de randonnées, le bar restaurant Miramar et son patron, le peu causant Miguel qui semble l'avoir pris sou son aile, lui rappelle ses amours défuntes. Tout lui est devenu insupportable. Elle relit la dernière lettre de Victor, revient sur leurs anciennes promenades. Elle est là. Elle reste comme écrasée par un poids trop lourd. Elle est là, à regarder les choses, les gens, la nuit qui tombe ou le jeu du vent dans les palmiers... sans que cela semble la toucher réellement.

Les rencontres avec les autres vacanciers, ses voisins de location sont les derniers contacts avec la réalité. Cette femme me fait penser à un ballon de chagrin qui aimerait en finir avec la douleur de l'absence. Elle résiste un peu mais le temps, ces nouveaux moments vécus avec d'autres en ces lieux la ramènent peu à peu à la réalité, à une autre vie.

Avec le temps, ... avec le temps... va tout s'en va... comme chantait Léo Ferré.

Son histoire est entrecoupée par les mots d'un homme, un personnage restant dans l'ombre. Il est lui aussi en rupture avec sa vie d'avant. Il est attiré par cette femme qui glisse comme hors du réel. On ne saura pas s'il était prévu au rendez-vous ou s'il représente l'hypothèse d'une nouvelle rencontre, d'une nouvelle vie pour lui, pour elle.

Dans une langue d'une grande sobriété, presque sèche, faite de phrases courtes comme si tous les mots superflus s'étaient évaporés sous l'effet du soleil, la narratrice dont on ne connaitra pas le nom tente de trouver un sens à ce rendez-vous, de retrouver un sens à sa vie malgré l'absence.

Avec La nuit au hasard, Patricia Martin-Deffrennes signe là un roman tout en impressions. Une histoire où le sensible et les approches de l'instant sont essentiels ; comme dans toutes les histoires publiées dans cette collection In situ. A découvrir donc.

Du même auteur : Le lecteur

Dédale

Extrait :

Qu'espères-tu de moi, Victor ? Tu rôdes sans cesse à mes côtés. Sur la terrasse du Miramar, sur la plage de Las Brisas, le long de la baie, sur le ponton du port, dans les aléas du sommeil. Être ici est un supplice, pire même que chez nous. Il faudrait que je parte. Mais j'ai promis... Su ta lettre aux mots brouillés, sur ton souvenir, j'ai promis.
Dans l'insomnie, je découds le rapiéçage de fortune de ce que je suis devenue sans toi. Je déchire le voile serré de la nuit. Je te cherche partout où tu ne peux plus être.
Tu n'as auparavant jamais joué de jeu trouble avec moi. Je ne comprends pas. Pourquoi te retrouver ici ? As-tu rêvé que l'on pouvait revenir en arrière, quand tu as saisi que tu ne t'en sortirais pas ? Et j'ai rêvé avec toi tout éveillée. Je continue de te suivre au-delà de la raison. Je vais rester encore quelques jours dans ce cadre qui nous a enchantés il y a dix-sept ans, qui a abrité nos premiers moments. Et dont la vue m'est aujourd'hui insupportable.
Je vais continuer d'attendre je ne sais quoi. Avec cet étau de douleur qui paralyse la poitrine.


Éditions de l'Atelier In8 - 114 pages