Lola a 16 ans, elle mesure 1m64 et pèse 41 kilo. C'est pour ça qu'elle se retrouve dans le service d'Hervé Grunchec ; et ce dernier est bien décidé à la faire manger. Il demande donc à Zadig de vérifier que la demoiselle avale bien tout le contenu de son plateau repas, et compte sur l'humour dévastateur du jeune garçon pour redonner le sourire à Lola.

Le Souffre bonheur est donc une histoire d'amour-amitié entre un trublion et une anorexique. Et comme l'on pouvait s'y attendre, l'arrivée de Zadig va semer l'agitation dans le service de cardiologie. Petit homme plein de gouaille, Zadig prend un malin plaisir à provoquer ceux qui l'entourent et multiplie les jeux de mots vaseux et les postures provocatrices. Mais il comprend vite qu'avec Lola il va falloir procéder autrement; d'autant qu'il est fasciné par la beauté et le caractère de la jeune fille.

Christophe Renault mène son récit tambour battant sans jamais sombrer dans un sentimentalisme poisseux ou indécent. Si ses personnages sont délicieusement attachants, leur caractère de cochon et leurs réparties cinglantes les mettent à l'abri d'un pathos qui aurait pu être dérangeant. Zadig et Lola, couple hautement improbable, nous font rire malgré la gravité du sujet, tout en offrant aux jeunes lecteurs (à partir de 13 ans) des pistes de réflexion sur le regard de l'autre et l'image déformante de nos propres miroirs.

Malheureusement, si j'ai été séduite par le fond, la forme m'a très souvent agacée et prouve une fois encore que le mieux est l'ennemi du bien. Zadig, narrateur du récit, use et abuse de la métaphore. Si l'étude de quelques extraits est idéale pour faire comprendre aux collégiens le fonctionnement de cette figure de style, la récurrence sur 250 pages finit par être réellement lassante. Zadig ne nous confie plus une histoire mais se livre à un véritable exercice de style, une accumulation de slogans et d'effets de manche (voir l'extrait). L'omniprésence de ces métaphores rend l'ensemble caricatural, voire ridicule. Le summum étant atteint lors de la métaphore filée du puceron et du phasme ; certes l'idée était belle, pour autant, est-elle vraisemblable dans la bouche d'un garçon de 14 ans ? Un peu plus de sobriété et de simplicité n'aurait pas été pour me déplaire.

Laurence

Extrait :

- Salut, Lola...
Était-ce d'aimer le prénom ? Je me jetai à l'os et considérai le squelette... Je frémis aussitôt. Seul un visage sortait des draps. Les yeux étaient moelleux : deux bijoux de caramel... L'écrin était sans doute creusé, mais l'ensemble était troublant : cette fille avait un charme aussi insolite qu'insolent. Sa frimousse mélangeait l'arrogance à la douceur. Il y avait du velours sous le gravier.
Hervé demanda :
- Bien dormi ?
Un vague hochement de tête répondit.
- Tu as mangé ce matin ?
La créature cligna des yeux. Ses cils avaient la longueur et l'élégance de la moustache d'un chat. J'étais fasciné ! Sous ce même choc qu'on ressent à découvrir la plus frissonnante des chansons. Cette fille était du rock, éraillé et tout chaud à la fois : une ballade de Murray Head... Mais une ballade allégée de plusieurs notes et étouffés dans les enceintes : la beauté, sous ses draps, n'était que chuchotée... Lola pouvait manquer clairement de volume, je m'en prenais plein les oreilles.
Hervé me désigna :
- Je te présente Zadig, Zadig Dullac, élève de troisième et stagiaire dans nos murs...
La vache ! J'étais incapable de dégoiser un mot. Lola me bouleversait. Elle n'était qu'un murmure et j'étais au concert.


Éditions Petits à Petits -   250 pages