Max, petit bonhomme hyper-actif qui a du mal à trouver sa place et à accepter le divorce de ses parents, accumulent les bêtises. Et a pour ce faire une imagination débordante. Un soir que la coupe est pleine, Max s'enfuit dans la forêt qui borde son quartier et trouve à quai un bateau apparemment abandonné. Ni une ni deux, il prend les commandes de l'embarcation pour aller retrouver le foyer paternel. Malheureusement, plus son navire avance vers la côte, plus celle-ci semble s'éloigner. Et c'est ainsi que quelques jours plus tard il amerrit sur l'île aux monstres. Les Maximonstres (ils font tout de même plus de trois mètres de hauts) sont d'éternels enfants qui passent leurs journées à inventer mille et une activités toutes plus destructrices les unes que les autres. Presqu'immédiatement, les Maximonstres adoptent Max et en font leur roi. Voici donc que ce petit garçon qui ne trouvait pas sa place dans le cercle familial, se retrouve du jour au lendemain souverain d'un royaume. Mais Max va apprendre à ses dépends combien il est difficile de régner sur un peuple.

Alors que Maurice Sendak usait dans son album de l'ellipse et de la suggestion (un texte minimaliste et beaucoup d'illustrations sans paroles), Dave Eggers a dû, pour les besoins du films et du roman, ancrer son récit dans un contexte plus précis et fouillé : Max habite en banlieue avec sa mère et sa sœur ; il a du mal à accepter le nouveau compagnon de sa mère, jalouse en permanence sa grande sœur et aimerait que toute la famille vive à son rythme et selon ses désirs. Sur l'île, là encore, les péripéties sont bien plus nombreuses et Dave Eggers donne à chacun des Maximonstres une personnalité distincte quand Maurice Sendak les présentaient comme un Tout. Chacun est cette fois-ci affublé de prénoms - Carol, Judith, Catherine, Ira etc. -, et symbolisent un trait de caractère du petit Max. Carol et Catherine sont sans doute les deux monstres les plus attachants et l'idée du monde miniaturisé de Carol est l'une des belles trouvailles de ce roman.

Mais toute la question est de savoir si la forme du roman est réellement adaptée à cette histoire. En effet, ce qu'il y a toujours eu de magique dans l'album original, c'est qu'il est universel. Qu'il soit Français ou Américains, né au 20ème ou au 21ème, chaque enfant peut se reconnaître dans le petit Max parce qu'il n'y a justement pas d'ancrage, de contextualisation, ni même de volonté d'explications. Maurice Sendak a l'art de la suggestion et laisse donc l'imaginaire de chacun libre d'interpréter selon son propre vécu. Cette liberté n'est malheureusement pas possible dans un roman de plus de 300 pages. Dave Eggers explique, détaille (il faut attendre 100 pages avant que Max ne découvre l'île) et fait partir son scénario dans mille et une directions, avant de conclure toute l'aventure avec une rapidité déconcertante. Du coup, beaucoup des pistes amorcées en cours d'intrigue sont laissées sans aucune réponse, ni même possibilité d'interprétations post-lecture. Et puis le sujet-même est plutôt destiné à de jeunes enfants (5/10 ans) qui n'ont pas encore les facultés de se lancer dans une lecture de longue haleine. En finissant ce roman, on se pose donc la question des destinataires ; l'éditeur indique que le roman s'adresse aux lecteurs de 11 à 111 ans... je trouve cela bien optimiste car je crains qu'il manque certaines clés aux pré-adolescents pour réellement apprécier ce récit et que le public adulte trouve cela gentillet mais inabouti.

Si je n'avais donc qu'un conseil à vous donner, ce serait de lire ou relire l'album original de Maurice Sendak qui est une véritable merveille d'imagination et de générosité.

Laurence

Extrait :

Enfin presque. Disons qu'il vit des choses mais n'en crut pas ses yeux. Des animaux. Des animaux ? Des espèces de créatures, plutôt. Gigantesque et rapides. Max se disait qu'il s'agissait peut-être d'humains surdimensionnés recouverts de fourrure, mais ces créatures avaient une carrure nettement plus importante et une pilosité nettement plus développée. Elles mesuraient entre trois mètres et trois mètres et demi de haut et devaient peser pas loin de cinq cents kilos chacune. Assez bon connaisseur du règne animal, Max fut pourtant incapable de nommer ces bêtes. De dos, on aurait dit des ours, mais en bien plus gros, notamment la tête. En outre, elles étaient plus rapides que des ours ou tout autre animal de même taille. Leurs mouvements, agiles et habile, avaient la rapidité de ceux du cerf ou des petits singes. Pour couronner le tout, il ne s'en trouvait pas deux pareilles, comme chez les hommes - celle-ci arborait une longue corne cassée sur son nez, celle-là avait une figure large et plate, des poils raides et un regard implorant, une troisième ressemblait à un croisement entre un enfant et une chèvre.


Éditions Au Diable Vauvert - 331 pages