Des myrtilles dans la yourte est présenté comme un roman policier mongol. En effet, l'intrigue policière a pour cadre ce grand et mystérieux pays qu'est la Mongolie. Ce pays est une destination de rêves pour les touristes et chasseurs comme Ted et Larry. A peine arrivés et après quelques visites touristiques obligées dans la capitale d'Oulan Bator, ils sont pris en charge par un guide expérimenté, un traducteur ainsi qu'un chauffeur ; direction le sud du pays pour traquer l'antilope saïga ou autre animal passant devant la ligne de mire.
Mais si la randonnée commence bien, elle finit vite par dégénérer vu le nombre de tabous violés par les américains. L'ambiance au bivouac devient de plus en plus glaciale dans le groupe à l'image du vent qui se déchaine. Ce qui ne fait rien pour arranger les choses. Un soir, Larry décide de marcher dans la steppe pour en remontrer à ses compagnons d'infortune. Évidemment, il se perd dans cette immensité. Quelques jours plus tard, on le retrouve mort très loin de son point de départ, à demi enseveli dans les éboulis d'une mine désaffectée. Devant ce mystère, Yesügei, inspecteur aux méthodes peu orthodoxes, à l'instinct de chasseur, buveur invétéré et amateur de la gaudriole, affublé du jeune sergent Gerel, est chargé de mener l'enquête.
Le grand point fort de ce roman réside dans la connaissance du pays par l'auteur et sa capacité à nous restituer ce maelström de traditions, coutumes, pratiques religieuses entre animisme et bouddhisme, superstitions, difficultés économiques, histoire politique d'un pays qui peine à se retrouver après les invasions de la Russie stalinienne et la Chine. On en apprend beaucoup sur le pays de Gengis Khan.
Quant à l'intrigue policière, elle peine à s'engager pour finalement accoucher d'une petite souris. On a du mal à s'y intéresser complètement. Si le personne de Yesügei vaut le détour, Gerel est décrit comme un benêt – il faut bien un faire-valoir - et les autres protagonistes sont à mon sens pas assez consistants. Quant à Larry et Ted, ils sont présentés comme deux américains qui se croient les maitres du monde partout où ils débarquent, méprisant au possible, sans aucune curiosité pour le pays et les gens qu'ils visitent. Les russes sont des empoisonneurs et les chinois, des pilleurs sans scrupules. Même si ces traits sont fondés sur une réalité que les mongols connaissent depuis des années, c'est un peu trop facile pour un roman policier.
Si j'ai été séduite par le titre, la jolie couverture, la scène où se déroule cette intrigue, mon intérêt pour le suspense annoncé s'est refroidi au fur et à mesure de ma lecture. Un peu déçue, je ne veux retenir de cette lecture que la splendeur des immenses paysages, un inspecteur mongol pour le moins atypique mais sympathique et une curiosité accrue pour ce peuple nomade.
Sarah Dars est aussi auteur de plusieurs policiers se déroulant en Inde (les enquêtes du brahmane Doc). Au vu de mes relations compliquées avec ce pays, je crois que je vais en rester là. Peut être lirais-je l'autre ouvrage de l'auteur sur la Mongolie, histoire de ne pas commencer cette année de lecture sur une petite déception.
Dédale
Extrait :
Dès qu'il eut traversé à petite vitesse les faubourgs situés au-delà de Gandan, Yesügei mit les gaz. Il adorait sa Guzzi, une V7 Classic, du même modèle que celles des policiers new-yorkais, et probablement la seule de son espèce à des lieues à la ronde. La moto s'emballa : on aurait dit qu'elle savait où ils allaient et qu'elle y prenait au moins autant de plaisir que lui.
Les travaux concernant la route du Millénaire, commencés en l'an 2000, paraissaient définitivement abandonnées. Après tout, personne n'avait précisé de quel millénaire il s'agissait. Ce nom pouvait aussi bien signifier qu'on prévoyait mille ans pour la construire. Cette route devait traverser le pays d'ouest en est, avec quelques tronçons nord-sud, le long du chemin de fer transmongolien, mais les crédits étaient rares et les désaccords nombreux, car son tracé mettait en danger des espèces protégées et passait sur quantité de territoires considérés par beaucoup comme sacrés. Avant de quitter la zone urbaine, il accorda une dernière pensée à tous ces projets grandioses, jamais réalisés. Et à ceux, absurdes mais bien plus menaçants, tels que la privatisation de la steppe ou la sédentarisation forcées des nomades. « Notre gouvernement nous fait maintenant ce que les Soviétiques rêvaient de nous faire. »
Une fois dans la campagne, Yesügei oublia tout en bloc, pour humer avec sensualité les senteurs des herbes et se remplir les yeux du spectacle dont il ne se lassait jamais tant il me mettait en joie. A la vue de la poussière, soulevée au loin, par une troupe de chevaux sauvages au galop, il fit claquer sa langue de contentement et se mit à chanter à tue-tête un refrain démodé : « Sur la route de l'Arkhangaï... »
Éditions Philippe Picquier - 254 pages
Commentaires
mardi 5 janvier 2010 à 08h38
je rejoins entièrement ton avis, tout au moins sur la première moitié du livre... que je n'ai pas pris la peine de terminer...
mardi 5 janvier 2010 à 11h26
Ca donne pas trop envie... pour le polar. Dans la série "Ca n'a rien à voir",essaie le nouveau Diastème (sortie le 13)!
mardi 5 janvier 2010 à 11h44
Tout à fait de ton avis. J'en avais aussi fait une critique, particulièrement brève, ici : http://essel.over-blog.com/article-...
Meilleurs voeux
mardi 5 janvier 2010 à 15h48
J'avais déjà repéré ce livre pour la Mongolie, un pays que j'ai eu la chance de visiter et dont je voulais retrouver l'ambiance mais si tout le monde est déçu, je vais me contenter de mes photos...
mardi 5 janvier 2010 à 21h23
Merci à vous tous. Vous me rassurez. Je pensais avoir été bien trop sévère. Cela n'empêche que cette lecture m'a envie d'aller fouler l'herbe de ces grandes steppes
mercredi 6 janvier 2010 à 08h17
Je ne partage pas votre avis... peut-être parce que je ne lis jamais les argumentaires ni les 4e de couv, arriver vierge dans chaque livre est le meilleur moyen d'être surpris. Je ne m'attendais donc pas à un livre à suspens ni policier et j'ai retenu tout ce que vous dites de beau sur ce roman : coutumes, paysages, histoire. Et "Même si ces traits sont fondés sur une réalité que les mongols connaissent depuis des années, c'est un peu trop facile pour un roman policier." me fait sourire car la vie est plus qu'un roman parfois, c'est une réalité quotidienne en Mongolie ce qui est dit dans cet ouvrage. Trop facile de dire ce qui est ? Hum... facile si l'on attend du sensationnel. Voilà, j'ai beaucoup aimé.
mercredi 6 janvier 2010 à 08h33
Merci Pascale pour ce commentaire. Si je lis les 4ème de couverture, c'est pour avoir une petite idée de ce que j'ai dans les mains. Ensuite, je laisse l'auteur me convaincre avec ses mots.
Par cette phrase reprise "... c'est un peu trop facile", je voulais dire que j'aurai apprécié que l'auteur approfondisse un peu plus l'enquête. Je n'attendais pas pour autant du sensationel - de toute façon, c'est pas mon truc non plus.
Pour cela, d'autres auteurs connus pour ce genre-là. Quant à dire la réalité quotidienne en Mongolie, je suis d'accord. Et c'est très bien fait. Si d'aventures on visite ce pays, on sait à quoi s'attendre.
Alors si je suis déçue par la partie "policière" de l'histoire, tout le reste m'a bien plus. Nous nous rejoignons donc toutes les deux sur ce point.
mercredi 6 janvier 2010 à 08h41
Je ne vais pas rentrer dans le débat des 4e de couv mais pour moi ils n'existent pas car ils influent toujours la lecture (et souvent mal). La preuve, vous avez ouvert ce livre en cherchant une enquête... donc forcément déçue... Personnellement, je ne suis pas amateur de polars (je le fus) donc si j'avais lu que c'en était un je n'aurais pas ouvert ce livre ;-). On a tous nos défauts.
mercredi 6 janvier 2010 à 08h51
Ah là, là, les défauts, manies et tics-tocs de lecteur !!
Mieux vaut pas nous lancer sur le sujet. Trop dangereux !! 
Bientôt Pascale.