Les intentions de l'auteur paraissent très louables. Ayant été ému par une jeune fille forcée de vendre son corps et écrivant dans un cahier bleu, il décida d'en faire un roman, dont les revenus aux États-Unis d'Amérique seront reversés à une association caritative.
La première moitié du livre constitue de la bonne littérature. La jeune enfant raconte sa vie, avant que son père la vende et après. À la faveur d'un séjour en hôpital, elle avait appris à lire et à écrire. Son imagination est toujours en éveil. Pour s'évader en pensée, elle donne souvent vie à des êtres inanimés. Elle imagine ou se remémore des contes. Elle pense à Puneet, voisin de cellule, livré comme elle aux déviances des hommes. Son langage est imagé. Certaines choses, qu'il faut bien nommer, le sont par des mots hindi ou des substituts issus d'une métaphore pâtissière.
À partir du moment où, à quinze ans, la jeune fille est repérée pour devenir l'esclave sexuelle d'un fils à papa pour quelques jours dans un grand hôtel, le roman dérape complètement. Fini le style parfois poétique avec lequel était construite la première partie : dans cette deuxième partie, il n'est plus question que de pornographie.
Bref, mon impression sur ce roman est divisée. Heureusement, le dégoût provoqué par la deuxième moitié n'éclipse pas complètement l'intérêt suscité par la première à propos de la traite des enfants. Ceci étant dit, sur des sujets voisins, j'aurais deux suggestions de lectures alternatives à faire. La première est La danse des paons (Flammarion) de Sharon Maas. Quoique la trame de ce roman comporte quelques invraisemblances, ce livre se lit très agréablement. Il y est entre autres question de la prostitution infantile et celle-ci contraste avec le faste des familles princières. La deuxième est le témoignage de Nalini Jameela Autobiographie d'une travailleuse du sexe (Actes Sud).
Extrait :
Une fois coiffée, j'ai été enveloppée dans un sari pour la première fois de ma vie. Il était orange et rouge, rebrodé de fils blancs et argent, léger comme une plume, et sentait comme l'huile de mon bain de la veille. J'étais parfaite ; j'avais l'impression d'être emballée comme un cadeau précieux. La vieille m'a laissée et a fermé la porte à clé. Je me suis dévisagée dans le miroir. Il m'a fallu un moment pour comprendre que c'était moi. J'ai penché la tête, levé le poignet, et agité les doigts comme un éventail ; je me suis composé un sourire subtil. L'image a changé. J'ai parlé tout haut et entendu une voix familière provenir d'un visage qui m'était étranger. Je me suis mise à faire des imitations d'animaux, que le rouge à lèvres rendait plus comiques. J'en étais à la moitié de mon répertoire quand la vieille bique est revenue. Elle n'a fait qu'entrouvrir la porte avant de se pencher à l'intérieur.
Viens.
Cet ordre donné sur un ton inhabituel ressemblait plus à une invitation qu'à un commandement. Je me suis levée, j'ai dit au revoir à la grenouille dans le miroir, et je l'ai suivie.
[...]
Messieurs, a repris maître Gahil, me tenant toujours par la taille, il est temps de parler affaires. Qui va se délecter de notre petite princesse fraîchement arrivée de la campagne ?
Regard circulaire, s'arrêtant sur chacun des oncles.
Commençons, disons, à cinquante mille roupies.
Le coussin de silence a vite été rompu par l'approbation simultanée de Gros oncle et Jeune oncle à grandes mains.
D'accord, parfait.
— Soixante-quinze mille ?
Hochements de tête et grognements de Grand oncle, oncle Nir-Sourire et Gros oncle.
Cent mille, un lakh.
J'avais accompagné papa et mes frères à des ventes de bétail aux enchères et j'ai compris que c'en était une.
Éditions Buchet Chastel - 223 pages
Traduit de l'américain par Sylviane Lamoine.
Commentaires
vendredi 8 janvier 2010 à 13h18
Bon, ben je vais essayer La Danse des Paons alors.
vendredi 8 janvier 2010 à 17h32
Je ne suis moi non plus pas d'accord avec toi ;P Le style est moins poétique c'est vrai mais je ne pense pas que la pornographie soit gratuite. Je la crois proche du témoignage au contraire.
vendredi 8 janvier 2010 à 18h37
Stephie> Je la crois proche du témoignage au contraire.
Je ne conteste pas à l'auteur le droit de faire œuvre de « vérité ». De ce point de vue, les deux moitiés sont aussi édifiantes l'une que l'autre. Pourtant, d'un point de vue littéraire,
la deuxième moitié me semble beaucoup moins intéressante du fait de son parti pris pornographique.
mardi 7 septembre 2010 à 15h10
Je suis quant à moi d'accord avec Joël sur le caractère malsain de la seconde partie, et j'irai même plus loin : après un début prometteur parce que semblant vraiment fondé sur la compassion, la fin n'est plus que complaisance nauséabonde, où je vois trop bien que la minutie dans la description des sévices sexuels, le langage utilisé pour les relater, révèlent une excitation inavouable de pornographe déguisé en humanitaire. Je peux bien sûr me tromper, mais sans exagérer, cette partie-là du bouquin m'a finalement donné envie de vomir ; alors on me dira peut-être que c'était le but recherché, montrer l'horreur dans toute sa crudité et bla et bla et bla, mais je persiste à penser que le ton imagé de la première partie remplissait amplement ce rôle et que le reste est pour le moins suspect.
mercredi 19 janvier 2011 à 20h54
Je ne veux plus lire de tel livre, même si je sais que ces petites filles finissent très mal, c'est la déchéance des hommes, on a un autre reagrd après ça.
On aurait envie de voler cette petite fille, de devenir sa maman et la protéger, c'est tout ce qu'il m'est resté. Vendre sa gamine, le père est une ordure.
jeudi 20 janvier 2011 à 17h05
je viens de finir la lecture de ce livre. j'ai vraiment adorer , on se rend compte de la vie qui ménent ces petites filles.
elle n'est pas la premiére et elle ne sera pas la derrniére mais c'est important de savoir et informer les gens de la malheur des autres.
seul bémol , la fin n'est pas clair , on sera pas si elle est morte ou elle est guérie
a lire
vendredi 4 février 2011 à 13h16
Ce roman ne laisse pas indifférent. Il me rend confuse. Poétique, dur, doux, violent... notre esprit est torturé par ces émotions contradictoires que l'on peut ressentir à la lecture de cet ouvrage. Je ne sais pas si l'on peut aller jusqu'à parler de "pornographie" dans la seconde partie. Certes, le ton y est plus violent, moins poétique, le rythme s'accélère et l'horreur n'est plus voilée par de jolies images (quoique parfois, ces belles métaphores agissent comme des bombes à retardement). Mais n'est-ce pas au fond la cruauté qui dérange? Cette violence inhumaine, qu'on a vraiment du mal à entendre, à croire, à tolérer. En tous les cas, il paraît difficile d'être objectif(-ive) face à ce livre "choc". La fin est frustrante mais non dénuée d'une certaine leçon de sagesse. Ce roman n'a pas tout dit, je crois, et je pense le relire afin d'y voir plus clair.
jeudi 10 mars 2011 à 20h45
je viens de terminer le livre et j'avoue que la seconde partie me laisse sur ma faim... Aucune note positive, on n'imagine que la petite termine ses jours dans des douleurs atroces..le début m'avait enchanté, la fin semble avoir été baclée.qu'est devenue cette jeune femme? a-t-elle survécu?on reste dans une attente qui nous laisse un sentiment assez désagréable, une fois la dernière page terminée.
samedi 2 avril 2011 à 22h11
je m'demande comment j'ai réussi à lire ce livre en entier... difficile de rester de marbre en pensant qu'il existe de telles violences en ce monde ! c'est abominable.
il est vrai qu'il existe un fossé entre le ton de la première partie et celui de la fin. le ton s'emballe, devient moins suggestif mais l'histoire aussi, devient plus dure, ça va de pair non ?
jeudi 14 avril 2011 à 19h38
ATTENTION SPOILER / Nawel et Honey, la fin me semble pourtant et malheureusement très claire : ses forces déclinent inéluctablement , le regard des médecins et leurs propos (ils vont lui prélever des organes : les reins c'est pourquoi à la fin ils la gave d'anti-biotiques) . Elle va mourrir et n'est pas dupe. Ce livre est horrible et montre une fois de plus l'inhumanité et les horaires que l'on est capable de faire par frustration . Je ne pense pas que son père soit une ordure, j'ai au contraire et bizarrement beaucoup de compassion pour lui. Quelles horreurs ne fait -on pas dans ce pays alors que l'on a tout , alors qui sait à quoi l'on serait prêts dans une telle situation. Il aime sa fille vraiment je pense.
dimanche 24 avril 2011 à 06h16
Il est 6h00 du mat .. Je viens de terminer le Cahier Bleu. Très peu de livres ont réussi à me tenir éveillée ou plutôt pas tout à fait morte jusqu'au petit matin. Il est clair que tous ceux qui affirment que la deuxième partie n'est qu'un concentré de pornographie sont soit dérangés, soit idiots, soit ( et c'est le plus probable ) refusent catégoriquement de voir la vérité en face. Au début, Batuk emploie des mots doux, raconte des histoires, emploit des métaphores. D'accord, c'est poétique, mignon, tout choupidou :). Vous vous confortez dans cette optique des bordels de Mumbai, grand bien vous fasse ! La première partie annonce l'horreur crue transcrite dans la seconde. Au fil de l'histoire, Batuk est détruite car elle a mûri et n'est plus dupe des jolies histoires de pains au lait : les euphémismes disparaissent. Qui n'a pas eu le coeur battant à tout rompre durant tout le récit, sachant parfaitement que, de toute façon, ce que vous redoutez adviendra ? Que, quoi qu'il arrive, elle replongera dans ces draps malodorants, avec ces hommes infâmes qui martèlent ses hanches "10 fois par jour" ? Ou plutôt, qu'on la fera tourner dans un hôtel de luxe avant de lui enfoncer une épée acérée dans le "Lapinou" ? Non. Je suis persuadée que la plupart d'entre vous ont pensé jusqu'au bout que quelque chose viendrait la tirer de ce cauchemar, parce que c'est comme ça que ça finit toujours dans les histoires. Mais pas cette fois. Parce que l'auteur de ce livre a voulu retranscrire la réalité, simplement la dure et dérangeante réalité de la prostitution infantile. C'est réelement comme ça que ça se passe, que vous vouliez l'entendre ou non. James Levine n'est surement pas "un pornographe caché derrière un humaniste" : ce serait trop facile. Juste une parenthèse : Vous vous souvenez du passage, dans la chambre d'hôtel, où Batuk remarque que personne ne l'apelle jamais par son prénom ? Ni dans la suite, ni au bordel.. Ni dans cet article, ni dans les commentaires qui l'accompagnent ! Elle a donc raison, à partir de moment où ils entrent dans la catégorie " pauvre prostitué(e) ", ils sortent de la catégorie " personne à part entière ". Et pour ceux qui n'ont pas compris, il est évident que Batuk meurt à la fin. Car c'est rarement mieux que l'histoire se termine ..
dimanche 24 avril 2011 à 17h33
E. : Vous pourriez développer votre pensée sans insulter vos contradicteurs...
Ne pas apprécier la façon de la deuxième partie, ce n'est pas nier sa réalité.
La première raconte aussi des horreurs, mais bien différemment de la deuxième.
mercredi 27 juillet 2011 à 21h30
tout à fait d'accord avec Joël je n'avais pas analyser la diminution des métaphores comme le durcissement et l'épuisement de Batuk, la 2ème partie état dure mais réelle et oui dans la vraie vie pas de sauveur pour ces enfants...à l'occasion allez faire un tour sur le site internet de l'acpe qui lutte contre la prostitution infantile
mercredi 3 août 2011 à 21h19
J'ai commencé ce livre sans avoir lu le résumé, et je pense que si je l'avais lu, je ne l'aurais pas acheter, et ça aurait été très bête, car au final, je l'ai lu d'une traite. C'était peut être dur,( me dire que j'ai son âge n'a pas arranger les choses ) mais au final, j'ai beaucoup aimé ce livre.
Je ne sais pas si le bémol de fin(morte ou guérie?)de Nawel à eu des réponses, mais je pense que Batuk est morte. Si elle ne l'avais pas été, je pense qu'elle aurait continuer à écrire, or le livre ce finit. Vraiment, ce livre est à lire.
Chloé
mercredi 11 avril 2012 à 11h13
J'ai lu ce livre. Ce récit est poignant, j'en ai eu les larmes aux yeux. On est complètement pris par l'histoire de la petite. Mais je confirme également que la fin du livre est franchement horrible mais j'ai tenu jusqu'au bout. Malgré, cette fin assez crue, je ne vois pas où est la pornographie. Sinon, il faudrait retirer de la vente beaucoup de livre de ce genre relatant les divers abus sexuels. Enfin ce n'est que mon avis. Pour finir, il me semble qu'elle est toujours vivante enfin je suppose sur le chemin d'une longue guérison. Mais c'est vraiment un livre à lire, et que je relirais surement.
mercredi 8 août 2012 à 14h39
j'ai lu ce livre plusieur fois, et à chaque fois je n'ai pas pu m'empécher de pleurer, et de me dire que pendant que nos enfants sont en securité il ya des milliers d'enfants dans le monde qui subissent, des abus et des violence.je ne vois pas ou est la pornographie chez un auteur qui ne fait que témoignier de la réalité des choses qu'il faut pour ainsi dire avoir vu pour les croire, aussi pendant un voyage en taillande, les faits relatés dans ce livre par l'auteur deviennt une banalité cotidienne.