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Michel Delarche connait bien l'Argentine. C'est indéniable. Indépendamment du fait qu'il y retourne tous les ans depuis vingt ans, il n'y a qu'à lire son premier roman, Les neiges du temps pour s'en rendre compte. En plus d'être une ode à ce pays plus connu pour son football et ses tangos, l'auteur nous embarque aux côté du sous-commissaire Spagnoletto, pour une enquête peu ordinaire.
Un jour, au cours d'une de ses déambulations dans les rues de Buenos Aires, un vieil homme s'effondre dans la rue. Sur la victime, Mr Echebach, retraité d'origine allemande, on retrouve un carnet rempli d'étranges annotations. Au fil de son enquête dans le quartier où réside la victime, le sous-commissaire Spagnoletto, son presque voisin, va de surprises en surprises. Entre la découverte des différents styles architecturaux des immeubles de la ville de la période des années 30, et la recherche d'un livre disparu depuis quatre-vingt ans de Roberto Arlt, auteur de la même période et de notes mentionnant de la morphine... l'inspecteur n'est pas au bout de ses peines.
L'enquête est menée tranquillement, sur un rythme de narration un peu lent comme si le sous-commissaire Spagnoletto se mettait au diapason de la vie argentine tombée dans le gouffre économique, la faillite de l'État. Tout le monde est en attente des mesures que le nouveau président "sourire-un-mètre vingt de large" prendra pour remettre le pays à flots.
Ce qui est fort ingénieux de la part de M Delarche, c'est qu'il a découpé son enquête en différents enregistrements sur le magnéto de Spagnoletto. Ce dernier enregistre les témoins qu'il interroge puis ses propres réflexions sur l'enquête ou sur sa vie personnelle. Et à chaque type de témoignage, sa police de caractère. Une idée toute simple et intelligente. Il fallait y penser !
Si vous ne connaissez rien de l'esprit des Argentins, vous apprendrez beaucoup de choses à suivre Spagnoletto. Les neiges du temps sont aussi une belle galerie de portraits et en filigrane, c'est celui du pays que nous dresse l'auteur.
Vous avez le commissaire Diezpalos, le supérieur de Spagnoletto, obnubilé par ses chances de promotion, harcelé journellement au téléphone par sa femme. Il n'est pas bien méchant mais il n'en oublie pas ses intérêts quand il s'agit de monnayer la tranquillité du quartier auprès des commerçants. Tous les moyens sont bons pour améliorer sa carrière.
Sur les conseils de Diezpalos et pour éclaircir quelques notes sibyllines d'Echebach contenant le mot morphine, Spagnoletto prend contact avec HF, des Services secrets. Agent post-11 septembre, ce dernier voit des terroristes partout, cherche par tous les moyens à se faire remarquer par ses chefs mais surtout de ses amis du Nord, ceux de la CIA. Il parle beaucoup, prends vite le mors aux dents pour tout et n'importe quoi, mais tout cela n'est qu'un fatras d'élucubrations. C'est le moyen pour l'auteur de montrer combien l'Argentine est sous la férule des États-Unis, pour l'économie, la traque des terroristes après celle des narco-trafiquants. Eh, les priorités changent !
Mais celui que j'affectionne le plus avec Mr Echebach est bien Guerman, le vieux libraire à qui on ne la fait pas sur toute cette agitation économique et politique que connait l'Argentine. J'aime ce libraire qui fait passer des examen de littérature à un acheteur potentiel d'un de ses livres de valeur, ceux qui ont droit à une place dans sa vitrine fermée à clé. (cf l'extrait).
Guerman semble revenu de tout. Mais sous ses airs de bougon, il cache une blessure profonde. Comme beaucoup d'autres argentins, il a perdu son fils durant la dictature. Disparu sans aucune nouvelle, jugé un jour comme subversif potentiel.
Il ne faut pas oublier le personnage principal, le cher disparu de tous ceux qui l'ont connu. Avec ce vieux retraité de l'import-export d'origine allemande, M Delarche nous présente en impression inverse l'âme argentine. Car même si Mr Echebach était installé dans le pays depuis de nombreuses années, il n'en restait pas moins un étranger.
Pour discuter si calmement de football, il n'était pas devenu argentin pour deux sous. Personne ne le connaissait vraiment, mais tout le monde l'aimait bien dans le quartier.
Mr Echebach était un homme simple. Il « ne tutoyait jamais les gens, il paraissait toujours un peu sur la réserve, pour ainsi dire. En même temps, pas hautain du tout, toujours poli et attentif à ce que vous lui disiez, et même assez joyeux souvent, mais plutôt calme, disons serein. » Il ne parlait jamais de sa famille. « C'était simplement un sujet dont il ne parlait pas. »
Il avait ses habitudes, ses rituels de petit retraité qui prend le temps de regarder le temps s'écouler.
Quand on lui demandait pourquoi, Echebach expliquait qu'il voulait rester fidèle à son bistrot habituel et ne pas mélanger les genres : si l'on commence à boire du café dans les librairies, on finit par y manger des frites, ou des glaces, ou n'importe quoi d'autre qui salirait les livres.
Il s'entendait bien avec Guerman avec qui il discutait souvent le soir après une de ses promenades.
Il avait toujours cette façon un peu oblique et détournée de considérer les choses et de présenter ses réflexions, et aussi son côté à la fois méthodique et gamin, qui le rendait prodigieusement agaçant mais attendrissant tout de même.
Je pourrai continuer à vous parler de cette histoire pendant encore longtemps tant elle est riche de la vie argentine sans être saturée pour autant de détails. L'auteur a intelligemment distillé les informations sur l'enquête, les détails sur le pays pour que tout passe plaisamment. Les personnages sont tous très attachants même les énergumènes comme HF. Car l'ironie n'est jamais loin.
L'éditeur, Les petits matins, a aussi sa part dans le plaisir ressenti avec cette lecture. L'ensemble est d'une facture très sobre avec une photo de couverture qui colle bien à l'ambiance de Buenos Aires. Jusqu'au tout petit détail sur la numérotation des pages, tout est soigné. Il ne manque plus qu'un air mélancolique de bandonéon et on est sur place avec Spagnoletto.
A découvrir absolument.
Dédale
Extrait :
Tu sais, il arrive que certains de mes clients meurent avant que je ne mette la main sur un livre qu'ils m'avaient demandé. Du coup, quand par la suite je trouve leur livre, je l'achète quand même en pensant à eux, mais je n'ai plus envie de le vendre donc j'affiche dans la vitrine des prix dissuasifs et j'écris au crayon sous l'étiquette le nom du client qui n'a pas pu avoir son livre, sinon je risque de l'oublier. De temps en temps, il y a quand même un bourgeois ou un touriste cultivé qui tourne un quart d'heure autour de la vitrine et qui finit par demander à voir tel ou tel ouvrage. Alors,s i je suis d'humeur, je lui fais passer un petit examen de culture littéraire, pour vérifier qu'il mérite vraiment de posséder ce livre à la place de celui qui est mort trop tôt, et que ce n'est pas juste un caprice d'un type qui a les moyens. Mais s'il réussit l'examen, je ne lui consens pas de rabais pour autant, il faut bien compenser un peu ce que les étudiants me volent. Et s'il rate son examen, je lui raconte que quelqu'un a déjà posé une option dessus et qu'il faudrait repasser dans une semaine ou deux. Évidemment, aucun ne revient jamais.
Echebach était mon dernier « client-vitrine » pour cette édition originale de Roberto Arlt que tu vois sur le rayon du milieu ; et maintenant qu'il est mort, je ne sais pas trop ce que je vais en faire, parce que même les riches cultivés n'aiment pas trop Arlt, il est trop confus politiquement, trop brouillon dans son style, trop autodidacte, pas assez « littéraire ». Ah, si j'avais de quoi remplir cette vitrine avec ces éditions originales de Borges, je ferais fortune en six mois !
Éditions Les petits matins - 380 pages
Commentaires
mardi 19 janvier 2010 à 08h35
Tu m'as donné envie. Et quelque chose me dit que je n'aurai pas trop à attendre pour le lire.
mardi 19 janvier 2010 à 08h47
Je crois bien, oui.
mardi 19 janvier 2010 à 20h54
Bonjour,
cela me fait grand plaisir de voir que mon livre est apprécié par ses (trop rares) lecteurs.
Cordialement.
mardi 19 janvier 2010 à 21h16
Merci à vous, MGD, pour ce roman. Cette lecture a été un vrai régal. Merci également pour votre visite
Trop rares lecteurs ?? Humm, pour l'instant. Cela risque de changer dans les prochains mois. Vous pouvez comptez sur nous pour en parler !!
Au plaisir de vous lire à nouveau, via un nouveau roman ou des commentaires en ces lieux.
A bientôt
mardi 19 janvier 2010 à 22h06
La suite des aventures de Spagnoletto est déjà écrite, mais compte tenu du manque de succès commercial du premier ouvrage, mon éditeur m'a demandé de remanier le manuscrit du second (qui s'appelle "Voyou sentimental") pour qu'il puisse être proposé au diffuseur sans nécessité de faire référence aux Neiges du temps. Si les modifications que j'y ai apportées lui conviennent, le livre pourrait sortir en mai prochain.
Le troisième et dernier volet de cette histoire (car il s'agit en fait d'un récit unique découpé en trois parties avec à chaque fois un schéma narratif différent) s'appelle "Ma Vie couleur de nuit" et j'en ai écrit à peu près la moitié; je compte en terminer la rédaction d'ici l'été prochain.
J'ai aussi envoyé cet été et cet automne à d'autres éditeurs un recueil de nouvelles de science-fiction et un pseudo-polar loufoque qui n'ont pas encore trouvé preneur.
Un autre de mes hobbies est la traduction de poésies. Vous pourrez en trouver quelques échantillons sur ma page personnelle universitaire (j'ai également écrit au printemps dernier un essai exposant mes critères de qualité d'une traduction de poésie, mais je ne crois pas qu'il y ait de créneau éditorial pour ce genre de chose.)
mercredi 20 janvier 2010 à 07h53
En voilà de bonnes nouvelles ! On va pouvoir suivre Spagnoletto. Cela me fait grand plaisir. Vivement sa sortie en mai. Et après, le troisième volet. J'aime beaucoup quand je peux suivre un personnage sur la longueur, même si ses aventures sont bien indépendantes d'un ouvrage à l'autre. mais je me dis que cela ne doit pas être un exercice facile pour l'auteur. Car il doit y avoir des éléments incontournables du personnage principal qu'il ne faut pas oublier ou changer d'un livre à l'autre. Sinon, cela ne rime plus à rien.
"Sans nécessité de faire référence aux Neiges du temps" ? - Où est le problème ? Je ne comprends pas. Ce serait justement l'occasion de remettre en lumières Les Neiges ? Les mystères de l'édition me sont impénétrables
MGD, vous avez des hobbies très intéressants : les nouvelles de SF, un pseudo-polar loufoque. Là je suis vraiment curieuse de le lire pour voir ce qui se cache sous cette présentation. Sans oublier la traduction...
Je sens qu'une petite visite par chez vous s'impose. Merci à vous pour toutes ces informations. Notre curiosité est ainsi bien titillée
jeudi 21 janvier 2010 à 19h34
suite à un article de Telerama sur les blogs littéraires je regarde bibliobog et tombe sur ce qui est dit à propos des NEIGES DU TEMPS.Cela m'a tellement plu que demain je le commande à mon libraire! merci de m'avoir donné envie de lire ce livre! Marimile.
vendredi 22 janvier 2010 à 08h13
La bienvenue en ces lieux, Marimile. Merci pour votre lecture des Neiges du temps. L'auteur va être bien content
Revenez nous dire ce que vous en avez pensé quand vous aurez terminé.
vendredi 22 janvier 2010 à 22h07
En attendant de recevoir "LesNeiges du Temps" ,je voudrais savoir si quelqu'un a lu l'autobiographie de l'écrivaine québecquoise Jacqueline Roy "La Détresse et L'enchantement" suivie de"Le Temps qui m'a manqué" aux éditions Boreal Québec ? ce fut un de mes coups de coeur de l'an passé .Atravers le récit d'une vie riche en rencontres et en émotions, on découvre une région du Canada, le Manitoba ,lieu de la lutte obstinée des francophones pour faire vivre leur langue dans un milieu majoritairement anglophone ,on découvre aussi la naissance d'un écrivain.Merci de me répondre et bonsoir à toutes et tous. Marimile.
lundi 25 janvier 2010 à 07h41
Marimile : personnellement, je n'ai pas lu ces deux ouvrages que vous citez. Maintenant ma curiosité est titillée
Attendons encore un peu, peut être qu'un autre visiteur de ces lieux aura lu ces titres et nous dira ce qu'il en a pensé. A bientôt 
mardi 26 janvier 2010 à 16h54
Rectificatif: ilne s'agit pas de jacqueline mais de Gabrielle Roy écrivaine quebecquoise.Toutes mes excuses. mARIMILE.
mercredi 27 janvier 2010 à 07h20
D'accord. Je corrige sur mon carnet
samedi 6 février 2010 à 19h47
Merci à M.DELARCHE d'avoir donné vie au s.commissaire Spagnoletto et au petit monde de son "barrio" de B.Aires! merci aussi à Dédale de m'avoir donné envie de lire "Les neiges.."Quel régal de suivre l'enquete de Spagnoletto et avec lui de plonger dans les méandres de la mentalité argentine et l'histoire d'un pays qui panse encore les plaies d'un rude passé.L'humour ,meme mélé de nostalgie est constant -ah le choix des noms-Diezpalos-, le coup de patte à Borges, "L'axe Arlt- Boulgakov",les élucubrations de HF et j'en passe..je répète: un régal et on attend la suite avec impatience!
samedi 6 février 2010 à 20h06
Je sens que l'auteur, M. Delarche, va être content de votre commentaire, Marimile
Je suis contente d'avoir un petit peu contribuer à votre découverte. Voilà, le Biblioblog sert à cela : éviter des déceptions mais surtout, surtout partager des petits ou grands plaisirs de lecture 
dimanche 7 février 2010 à 09h46
Autres grands plaisirs de lecture dans la série polars latinos:les romans de l'auteur cubain Leonardo Padura ,la tétralogie"Les Quatre Saisons'ou l'on suit les aventures du commissaire Mario Conde et le dernier(je crois) ",Les Brumes du passé " superbe,dans lequel le tango argenté est remplacé parle boléro cubain.
dimanche 7 février 2010 à 23h24
Je viens de terminer "L'Aiguille dans la botte de foin" (La aguja en el pajar) de E. Mallo (qui vient de sortir chez Rivages.) Contrairement à mon livre, c'est un vrai polar, et il est situé à l'époque la plus noire de la dictature militaire des années 70.
lundi 8 février 2010 à 08h08
Merci Marimile et MGD de (re)venir alimenter nos listes. On ne risque pas d'être en manque
A bientôt.
mardi 16 février 2010 à 15h46
Je viens de terminer les Neiges du Temps .Je me suis laissée porter par le rythme "argentin" J'ai découvert un monde de nostalgie toujours pret à aller de l'avant malgré les blessures toujours ouvertes et loin de se cicatriser puis-je vous suggerer Un lieu perdu de Norma Huidobro un bijou !!
mardi 16 février 2010 à 22h03
Sylvaine,je viens de consulter google à propos de"Un lieu perdu" de Norma Huidobro, et je constate que les avis sont très partagés:donc j'irai voir de plus près ,mais pas tout de suite!
mardi 16 février 2010 à 22h04
Merci, Sylvaine, pour ce retour de lecture. Contente que ce voyage argentin vous ait plu.
Je note votre suggestion. Et un titre de plus sur ma liste !
mardi 16 février 2010 à 22h05
Marimile, faudra revenir nous dire pour le Lieu perdu !!
mercredi 17 février 2010 à 16h41
Trois lectrices satisfaites rien que sur Biblioblog... Youpi !
signé: l'auteur ravi
mercredi 17 février 2010 à 20h47
dimanche 28 février 2010 à 07h23
Ce roman a été sélectionné pour le Prix Biblioblog 2010.
mercredi 10 mars 2010 à 14h55
Ce livre m’a passionnée et j’espère lire la "suite" très bientôt.
jeudi 11 mars 2010 à 20h24
c'est gentil ces murmures d'étoile...
jeudi 11 mars 2010 à 20h28
Starswhispers, si nous sommes plusieurs à attendre la suite des aventures de Spagnoletto, peut être que l'éditeur se laissera convaindre
Croisons les doigts.
jeudi 11 mars 2010 à 20h30
N'est-ce pas MGD ? De quoi ravir un auteur et rassurer un éditeur ?
Merci pour vos visites.
mardi 1 juin 2010 à 07h50
Merci Dédale pour cette critique très pertinente. C'était aussi mon choix pour ce prix.
Je trouve que l'on a pas suffisamment parlé de l'originalité de la forme : ces témoignages, au style indirect, ne sont jamais lassants. Les points de vue sont variés et maintiennent le suspense jusqu'au bout. Ca me donne envie de lire les autres romans
mardi 1 juin 2010 à 09h20
Eh bien, chers camarades du jury, vous me surprenez avec cet avis (très) négatif pour trois d'entre vous
Il est vrai que l'action n'est pas forcément au rendez-vous, mais cette ambiance argentine, cette nonchalance de Spagnoletto et cette vraie-fausse enquête littéraire et policière est assez bien menée. C'est pas un enthousiasme total, mais j'ai pris du plaisir à cette histoire.
mardi 1 juin 2010 à 09h28
Je suis la première désolée et j'aurais aimé partager le coup de cœur de Dédale. Mais peut-être ma lecture, peu de temps avant, de Luz ou le temps sauvage était encore trop présente dans mon esprit...
mardi 1 juin 2010 à 12h21
Moi j'ai été trompé sur la marchandise...
Je m'attendais vraiment à une enquête policière, qui, sans être menée tambour battant, aurait malgré tout pu être passionnante. Mais là, vraiment, je me suis noyé dans le flot de considérations de l'auteur. J'aime lire de belles descriptions et que l'action prenne parfois le temps de se poser, mais là c'était vraiment trop. Ce n'est plus un roman mais un guide historico-touristique que j'avais entre les mains. C'est bien dommage car avec une écriture plus "nerveuse", le même propos aurait été remarquablement servi. Mais ça n'aurait pas convenu au caractère de Spagnoletto, j'en conviens. Désolé Dédale d'être passé à côté de ce roman...
mardi 1 juin 2010 à 12h22
Je suis d'accord avec Sylvaine sur "le lieu perdu" de Norma Huidobro que j'ai beaucoup aimé.
Les neiges du temps m'ont intéressée pour leur évocation de l'Argentine et je lirai sans doute la suite des aventures de Spagnoletto.
Merci aussi a Marimile et MCD : je vais me lancer à la recherche des titres qu'ils suggèrent.
mardi 1 juin 2010 à 14h15
"Les neiges du temps" étaient mon premier choix pour plusieurs raisons et je le maintiens. Mais je ne comprends pas qu'il divise autant les critiques car on peut au moins lui reconnaitre un charme fou et de réelles qualités d'écriture.
mardi 1 juin 2010 à 18h16
C'est marrant ce clivage entre ceux qui ont vraiment aimé ce livre, comme Marimile ou Dédale, et ceux qui sont restés en dehors. Cela me rappelle, même si c'est dans une proportion moindre, les divergences concernant L'amour avant que j'oublie, de Trouillot, roman qui avait partagé le jury.
Non, vraiment, je suis étonné par le clivage concernant ce roman. Je sais que nous ne sommes pas toujours d'accord, mais je ne pensais pas que ce serait sur celui-ci.
mardi 1 juin 2010 à 19h59
Yohan : attends vendredi, tu verras qu'un autre roman a divisé le jury
mardi 1 juin 2010 à 22h08
Tout comme Marimile, je suis assez surprise par cette disparité si tranchée. J'espère surtout que cela ne chagrinera pas trop l'auteur (faut tout de même être capable d'écrire un tel ouvrage. Chapeau donc ! ) et que nous aurons tout de même droit à la suite des aventures de Spagnoletto. Je les attends même avec impatience.
mercredi 2 juin 2010 à 10h03
Moi aussi j'attends avec impatience la suite des aventures de Spagnoletto. J'ai été embarquée par cette histoire. Effectivement ce n'est pas un vrai polar (et je concède qu'il est dommage que la 4e de couv le présente comme tel), mais l'ambiance et les personnages m'ont totalement séduite, comme Dédale et Joel le disent si bien. Et on se rend vite compte que l'enquête n'est pas le plus important, en prenant connaissance des élucubrations chiffrées et peu crédibles de HF... on se doute bien que ses hypothéses ne tiendront pas. Et les allusions plus tard à Boulgakov (ah ! Béhémot !... Il faut lire "Le maître et Marguerite" si ce n'est déjà fait), c'était la petite touche finale révêe.
Donc merci Dédale pour cette découverte, et j'espère pouvoir relire Michel Delarche bientôt.
jeudi 3 juin 2010 à 21h26
Bonjour à tou(te)s
Je découvre pêle-mêle les opinions des un(e)s et des autres et vous livre quelques premières réflexions en vrac. Tout d'abord, que les âmes sensibles se rassurent, je fus déjà fort agréablement surpris d'être sélectionné et ne me désole donc pas de ne pas avoir gagné le prix. En plus, j'ai passé l'âge de souffrir d'incurables blessures narcissiques à la moindre critique !
Pour avoir eu déjà un certain nombre de retour de lecteurs professionnels (ou assimilés) je crois que la non-adhésion à mes partis-pris narratifs a deux causes principales: 1°) mon choix du style direct libre 2°) un malentendu créé par une représentation de genre avec l'étiquette "roman policier" alors que l'enquête est surtout littéraire, ce qui crée des attentes vouées à rester insatisfaites tant vis-à-vis du contenu que du rythme de la narration. D'autre part, et c'est vrai de tout ouvrage, même les plus structurellement et idéologiquement consensuels, il est inévitable qu'une partie des lecteurs restent en dehors du jeu de langage qui leur est offert. Je vous parlerai dans un autre message du pourquoi du système narratif que j'ai adopté et aussi de l'intertextualité.
vendredi 4 juin 2010 à 10h39
Merci, MGD, de venir ici nous donner à nouveau vos impressions.
Concernant la deuxième difficulté citée (la référence au roman policier), est-ce vous qui avez choisi cet angle de présentation de l'ouvrage, ou votre éditeur qui a décidé d'insister sur ce point ?
samedi 5 juin 2010 à 07h29
Bonjour MGD, et merci de votre fair-play. Je suis vraiment désolée d'être passée à côté de votre roman; comme vous le soulignez justement et comme je le répète souvent sur ce site, un livre ne peut malheureusement faire l'unanimité et une lecture est forcément subjective. Mais je vous promets de ne pas rester sur cette déception et je guetterai la sortie de votre prochain roman.
samedi 5 juin 2010 à 08h10
Bonjour MGD, contente de vous lire à nouveau ici. Revenez vite pour nous en dire plus sur votre travail. A bien vite
samedi 5 juin 2010 à 10h15
comme promis voici quelques éclaircissements supplémentaires, mais d'abord une réponse à Yohan: la présentation sommaire du roman a été rédigée conjointement par l'éditeur et moi-même, et nous étions tous deux bien conscients que la forme comme la nature hybride du texte (le terme de "faux polar" utilisé sur le site de Rue des Livres est une description aassez judicieuse) allaient nuire au "positionnement du produit" comme on dit chez les vendeurs de livres (d'ailleurs les librairies le classaient tantôt en littérature dite "générale" et tantôt en roman policier, et au moins un grand éditeur a renoncé à le publier pour cette raison, malgré l'avis très favorable de son comité de lecture.)
Concernant l'intertextualité, c'est le véritable point de départ du livre; j'avais découvert la coïncidence Arlt-Boulgakov il y a une quinzaine d'années et je comptais d'abord écrire un petit essai là-dessus (cf. la note "Comment je suis devenu coïncideur" sur le site de mon éditeur) et puis je me suis trouvé à Buenos Aires à Noël 2001, en plein dans le chaos social décrit dans le livre et l'idée m'est venue petit à petit (le roman a été écrit en 2006-2007) de mêler les deux thèmes dans une fiction.
Concernant le système narratif, le choix du style direct libre s'est imposé de lui-même pour son immédiateté "démocratique" et pour restituer l'ambiance de confusion protestataire de l'époque (avec peut-être une réminiscence, initialement inconsciente, des scènes de foule dans "La Garde blanche" ou Boulgakov utilise ce procédé sur un mode kaléidoscopique.) J'étais conscient que cette forme pourrait lasser certains lecteurs (au moins un éditeur a refusé mon manuscrit pour cette raison) mais si l'on n'écrit que pour ne pas fatiguer les lecteurs mieux vaut faire autre chose...
Le côté bavard et digressif du développement est à la fois une composante du comportement social des Argentins et une façon de dessiner obliquement la personnalité du personnage principal (comme relevé par Coeurdechêne) il vise aussi à permettre au lecteur de s'imprégner progressivement de l'ambiance.
J'ai trouvé fascinant que la phrase auto-critique du narrateur retenue comme élément à charge par Laurence corresponde en fait au moment-clé où le héros va accepter d'entrer dans le jeu de références littéraires que lui offre le libraire (comme quoi le schéma narratif adopté fonctionne avec ou sans l'assentiment du lecteur.)
Pour le reste, il est inévitable que tous les lecteurs n'entrent pas volontiers dans les jeux de langage qu'on leur propose, surtout s'ils entament leur lecture avec un fort préjugé de genre et sont finalement déçus de ne découvrir dans le récit aucun psychopathe-tueur-en-série-ayant-eu-une-enfance-malheureuse ; comme l'a relevé Flo, on peut percevoir assez vite que les pseudo-décodages ne vont pas mener très loin et il ne faut pas ici exclure quelque intention perversement malicieuse de l'auteur tournant en dérision Le Da Vinci Code et autres proses cryptophores (les lecteurs ayant quelques bases en mathématiques pourront se plonger dans "Elementary Cryptanalysis" d'A. Sinkov afin de comprendre quelles techniques sont réellement utilisées aujourd'hui pour casser les codes secrets.)
Bon week-end à tous et à toutes.
dimanche 6 juin 2010 à 19h35
Merci beaucoup MGD pour toutes ces intéressantes précisions sur l'écriture de ce roman, mon préféré parmi les 4 romans de la sélection que j'ai eu le temps de lire (mais je progresse bien par rapport aux années précédentes où j'avais dû en lire à peu près 1 et demi
@ tous : merci pour l'organisation du prix, la difficile entreprise de sélection, et tout et tout... Je me garde "L'attente du soir" pour cet été (j'aurais le temps de le savourer...) et l'année prochaine, je tente le challenge et lirai les 6 romans !!
(comme on dit , les promesses n'engagent... 
dimanche 6 juin 2010 à 19h40
@ Dédale : oups et excuses, je me suis avancée sur "L'attente du soir" , et Yohan me rappelle que l'exemplaire qu'il a lu t'appartient en fait... Souhaites -tu le récupérer rapidement ? ou puis je le garder un peu ?
vendredi 3 septembre 2010 à 09h04
avis aux amateurs :Les sept fous de Roberto Arlt viennent d'être publiés
chez Belfond .
lundi 6 septembre 2010 à 21h38
En fait, il s'agit d'une réédition: j'ai dans ma bibliothèque l'édition de 1991 qui souffrait d'une couverture particulièrement laide. La nouvelle couverture est beaucoup mieux, mais il y a toujours la même préface débile de Cortazar.
vendredi 28 janvier 2011 à 11h34
Nous avons vécu trois ans à Montevidéo et passions souvent de l'autre côté du Rio, au rythme paisible du ferry. Buenos Aires était pour nous à la fois familier et "exotique". C'est pourquoi j'ai circulé en terrain connu, au gré des pages des "Neiges du temps", livre à la fois nostalgique, mystérieux et tendre. Votre sous-commissaire doit revenir bien vite, pour effacer cette frustration de refermer votre cher bouquin sur "Elle me rejoindra quand elle voudra, et on verra bien si".
Merci à vous. Bernardo.
lundi 28 février 2011 à 09h39
Bonjour Bernardo (et autres),
Le sous-commissaire Spagnoletto a été promu commissaire dans "Voyou sentimental" situé un an après "les Neiges du temps"; il ne lui reste plus qu'à trouver un éditeur, Les Petits Matins ayant renoncé à sortir la suite (patagonique) de ses aventures historico-littéraires qui le font cette fois méditer sur Hammett et Yeats au lieu d'Arlt et Boulgakov. Toujours sous réserve d'intéresser un éditeur, cette histoire portègne se terminera (provisoirement ?) en 2005-2007 avec "Ma Vie couleur de nuit" (titre provisoire) qui verra Spagnoletto arrivé au bord de la retraite, mais toujours aux prises avec quelques grands auteurs (Maupassant et Garcia Lorca.)
lundi 28 février 2011 à 10h09
Je duis vraiment très impatiente de lire la suite des aventures du commissaire Spagnoletto et espère de tout coeur que vous trouverez un éditeur,Spagnoletto le mérite car il le vaut bien!