Après Pardonnez nos offenses, cet opus, le deuxième "thriller médiéval" de Romain Sardou, se situe quelques années plus tard. (Il m'a semblé lire sur la toile que l'auteur avait l'intention de continuer cette "saga" en reprenant pour chaque titre les phrases de la prière).
Lorsque l'on m'a parlé de Romain Sardou il y a quelques mois, j'avoue avoir été plus que surprise, ignorant totalement que le célèbre Michel avait un fils écrivain. On m'a prêté Personne n'y échappera, un polar publié en 2007 en me disant qu'il avait également écrit deux "polars moyenâgeux" ce qui a achevé d'attiser ma curiosité, car comme beaucoup sans doute, j'ai eu tendance à juger sans savoir, en me basant sur mon ressenti personnel du "patronyme". J'aime les thrillers, j'aime le Moyen-Âge ; l'occasion était trop belle pour me faire une vraie opinion. M'étant procuré ces deux derniers, j'ai lu, à la suite, ces trois œuvres.
Et j'en retire un sentiment paradoxal qui me conduit à avoir quelques difficultés pour écrire ce billet.
Globalement j'ai aimé Délivrez-nous du mal, et plus que le précédent; j'ai aimé la restitution des ambiances, conformes à l'image que je me fais, moi, de cette époque. Je n'ai pas été "choquée", comme parfois, par l'inadéquation des dialogues et/ou des personnages par rapport au contexte. L'écriture est plutôt fluide, l'histoire est rythmée, assez recherchée, documentée, pleine de rebondissements, et donne envie de savoir la suite, de comprendre l'énigme, et le tout sans ennui.
Compte tenu des sujets abordés ce n'était pas évident, la frontière est mince, à mon sens, lorsque l'on "s'attaque" à une époque aussi riche et faites d'idées préconçues -surtout déjà tellement bien écrite dans d'autres ouvrages - entre l'indigeste et le grand-guignol. Et je trouve que Romain Sardou n'a versé ni dans l'un ni dans l'autre, bien que le sujet et la fin de Délivrez-nous du mal soient, à mon sens, un peu tirés par les cheveux, ce qui n'était pas le cas de Pardonnez nos offenses. En même temps, le sujet de ce dernier était moins "surnaturel", plus crédible...et moins palpitant.
Nonobstant, et malgré le plaisir de ces lectures, je n'ai pu me débarrasser d'un certain agacement qu'il m'est bien difficile d'expliquer, s'agissant plus d'un ressenti qu'autre chose.
Outre une impression de "déjà-vu /déjà lu" (le Nom de la Rose..), d'une interrogation de ma part sur le choix du patronyme des personnages (Henno Gui pour Pardonnez nos offenses et Bénédict Gui pour Délivrez-nous du mal, sans lien à priori, si ce n'est la méga référence à l'inquisiteur Bernard Gui évidemment), le défaut de la qualité de s'être énormément documenté, c'est de montrer régulièrement au lecteur, justement, à quel point l'auteur s'est énormément documenté. Pléthore de références, pléthore de vocabulaire médiéval. Et j'avais déjà eu ce sentiment dans Personne n'y échappera..ce côté que je ressens comme : "moi je sais, et regardez comme je sais.."
Alors voilà, comment dire ? Si je résume ma sensation en essayant d'être au plus près : Romain Sardou est un "raconteur" de qualité, c'est agréable à lire, l'intrigue est assez prenante et l'époque plutôt bien rendue, les recherches sur le rôle et les actions de l'Eglise sont très intéressantes, mais en filigrane de ma lecture, et bien que j'aie été embarquée, j'ai regretté de ne ressentir ni une vraie "patte", ni un vrai univers d'auteur.
SuperBuse
Extrait :
Salvestro Conti, s'il ne brillait pas par son génie créateur, avait le don de l'industrie et du négoce. Sa fabrique était la plus vaste de la ville, pas moins de soixante-dix compagnons et apprentis travaillaient sous ses ordres. Chaque parcelle du bâtiment était dévolue à un type d'ornement et à une famille d'artisans : les graveurs, les brocheuses, les coloristes, les peaussiers, les encreurs, les abréviateurs, les correcteurs. Tout ce qui sortait de chez Salvestro Conti respectait une qualité supérieurement catholique. Lorsqu'on sollicitait ses services, on était assuré d'obtenir les Sentences de l'évêque Pierre Lombard ou L'Histoire ecclésiastique de Pierre le Mangeur, dans un texte certain et sans la moindre lettre défectueuse.
Salvestro Conti connaissait bien Bénédict Gui. Les deux hommes collaboraient fréquemment ; Gui pour authentifier une pensée de Plotin dans une anthologie douteuse, Conti pour le laisser s'imprégner d'ouvrages rares et coûteux comme le Roman de Brut ou Pyramus et Thisbé.
La légende voulait que Bénédict Gui sache par cœur plus d'une dizaine d'œuvres majeures de l'Antiquité.
Éditions Pocket - 434 pages
Commentaires
vendredi 22 janvier 2010 à 08h15
Merci pour ce billet SuperBuse et oui, tu as raison, le nom de l'auteur provoque certains a priori : mon père m'avait prêté il y a quelques années de cela "Éclats de Dieu"; théoriquement donc, il y aurait pu/dû il y avoir ici une chronique sur cet auteur bien plus tôt, mais je l'ai rendu sans l'avoir lu parce que justement j'avais des idées préconçues.
vendredi 22 janvier 2010 à 10h34
a-priori également... à cause du père sans doute...
lu son premier roman malgré tout... sans trop de difficulté, mais sans enthousiasme non plus... je serai bien incapable de dire de quoi il parle maintenant.
mais certainement pas plus mauvais que le livre que je lis actuellement...
vendredi 22 janvier 2010 à 11h35
Tout t'abord merci pour ce billet. Je n'ai toujours pas lu "Déluvrez-nous du mal" bien que j'aie aimé "Pardonnez nos ofenses" et "Personne n'y échappera". Mais je lis beaucoup et de tout. "Délivrez-nous du mal y passera sans doute bientôt...
Contrairement à vous, si j'avais des a priori, ils n'étaient pas du même ordre que les vôtres. En effet, étant un admirateur de la première heure de Michel Sardou, je me demandais si le fils pouvait avoir un talent vrai talent d'écrivain. Il l'a et c'est tant mieux. D'autant plus que la période du Moyen-Âge est très intéressante à conter.
Pour conclure, et afin que vos a priori sur le père disparaisse comme ont pu s'envoler ceux concernant le fils, je vous invite à ne pas vous référer à tout ce qui peut être dit ou écrit sur le chanteur Sardou mais plutôt à écouter et savourer ses plus belles chansons, vous verrez qu'on est loin de la caricature de "Je suis pour" ou du "Temps des colonies" !!
Encore merci pour votre billet
Bien cordialement
vendredi 22 janvier 2010 à 19h07
A priori quand tu nous tiens ! N'ayant rien contre le père, ni pour d'ailleurs, j'avais lu "Personne n'y échappera" en 2008 peu après le début de mon blog. En recherchant, la note que j'avais laissé était plus que succincte, deux lignes en tout. Ce roman était agréable, mais il n'était pas transcendant. Bien construit, et pas plus mauvais que certains Connelly. J'ai en stock les deux ouvrages sur le moyen age et j'attends, je pense que les lire me fera passer un agréable moment, mais j'ai d'autres priorités dans ma Pal. J'avais aussi lu "un conte de Noël", se revendiquant clairement de Dickens et lui aussi avait fonctionné. Pour passer un bon moment avec un peu de culture, finalement Romain Sardou prolonge correctement le lignage familial en évitant l'écueil d'avoir voulu chanter
samedi 23 janvier 2010 à 11h06
Malgré les réserves émise quant au "déjà lu", je suis tentée par ce bouquin. Je n'ai jamais rien lu de Romain Sardou mais tout le monde s'accorde à dire qu'il sait raconter les histoires... alors je vais noter ce bouquin dans ma LAL. Un de plus!
lundi 25 janvier 2010 à 08h28
Merci pour vos commentaires.
Pour répondre plus précisement à MCV, mes "a priori" n'ont quasiment aucun lien avec les chansons du père, mais avec ce que j'ai toujours ressenti sur la famille,dans ce qu'elle laissait transparaître à la télé bien sûr. Je les ai toujours trouvés un peu imbus, un peu vulgaires, voire limite antipathiques. Mais cela n'engage que moi !
Décalage saississant, à mon sens, entre cette perception et l'écriture de romans dans un contexte "historique" aussi complexe.
Mais je suis contente d'avoir été surprise, et c'est une bonne leçon
lundi 25 janvier 2010 à 09h35
j'aime bien cet auteur.et j'ai aimé particulièrement ce livre
jeudi 25 février 2010 à 10h59
Aucun à priori de quelque sorte... J'ai acheté le livre et je l'ai... dévoré! L'histoire est intéressante, dépaysante et garde son intérêt jusqu'au bout, même si les tout derniers chapitres ne me semblent pas les meilleurs, un peu comme s'ils avaient été écrits à la va-vite.Cette technique est souvent utilisée de nos jours, mais dans ce roman elle prend toute son efficacité : le récit à plusieurs fils transporte dans l'espace et permet de converger vers la résolution de l'énigme.
Par contre sur le plan de l'écriture, le livre manque d'unité ; certains passages sont très bien écrits, font preuve d'un style riche et enlevé ; d'autres sont vraiment pauvres et tombent dans la platitude. La richesse du vocabulaire (poussée jusqu'à l'abus) n'arrive pas à masquer des faiblesses syntaxiques, des emplois discutables, des fautes (d'impression ?) d'orthographe, des mélanges erratiques d'indicatif et de subjonctif...
En résumé, je dirai que ce livre aurait dû être travaillé encore davantage, que la copie a été rendue trop tôt à l'imprimeur.
Il reste, en définitive, le plaisir de la lecture.
samedi 5 mars 2011 à 13h10
Bonjour! j'ai un ami qui a adoré cette série de Romain Sardou. Est-ce que quelqu'un pourrait me conseiller un bon roman policier médiéval dans le même style?