Cham, jeune soldat israélien espère profiter de sa permission. A peine arrivé, il est réquisitionné par un adjudant pour faire une ronde le long du mur qui sépare une des colonies implantées près d'Hébron et ce qui reste de villages arabes.

Une embuscade et l'adjudant est tué sur le coup. Cham est blessé, pris en otage par le groupe palestinien auteur de l'attaque. Le groupe se déplace vite, se cache aussi pour soigner sommairement les blessures et surtout tenter d'échapper aux opérations de représailles de Tsahal.
Quand Cham sort enfin des griffes de la fièvre et du semi-coma où sa blessure, le choc de l'attaque l'ont plongé, il se souvient plus de rien. Il réalise qu'il a été hébergé, soigné par Asmahane et sa fille Falastìn, toutes deux palestiniennes. Tout le monde le prend pour un combattant palestinien. Pour le sauver des contrôles intempestifs des patrouilles israéliennes, elles le font passer pour Nessim, le fils d'Asmahane, parti en ville pour étudier et dont on n'a plus de nouvelles. Tué dans une embuscade, soumis à une rétention administrative de 6 mois à un an reconductible ou emprisonné pour acte de terrorisme, il n'est jamais donné de nouvelles. Nul ne le sait ce qu'il est advenu de lui. L'arbitraire peut être !

Au fil des jours qui s'écoulent sur les collines autour d'Hébron, Hubert Haddad nous parle du sort des palestiniens pris entre les implantations des colons juifs, les vexations gratuites de ces derniers pour envenimer un peu plus la situation humanitaire et politique de la région, la construction du mur qui rallonge pour des heures le moindre trajet de la vie quotidienne, les attaques et contrôles illicites, discriminatoires de Tsahal. Dans une langue riche, sobre et poétique au rythme du vent dans les branches des oliviers séculaires, l'auteur nous montre un pays, une terre à feu et à sang, des êtres humains qui ne voient aucune solution poindre ; des êtres traumatisés par les mouvements de l'armée, les bulldozers chargés de raser des villages entiers pour implanter de nouvelles colonies illégales et la mort qui rode partout, qui frappe partout et n'importe qui.

La Palestine est un imbroglio politico-militaire inextricable et ancestral. Terre d'interrogations incessantes. Les enfants pourront-ils un jour être à l'école au lieu de jeter des pierres sur les chars de l'occupant ? Les hommes pourront-ils faire un tour au souk sans risquer la balle d'un sniper d'un juif ultra-orthodoxe ? Les jeunes gens des deux camps pourront-ils vivre leurs émois sans craindre d'être séparés sur un coup de tête d'un gradé israélien ou un partisan du Hamas ? La paix reviendra-t-elle dans cette région qui ne rêve que de retrouver la douceur de vivre ?

L'auteur ne cherche pas à donner de solution, mais montre combien les liens qui étranglent cette terre sont inextricables, combien les politiques et partisans des deux camps échouent à faire taire les armes.

J'ai écris les grandes lignes de ce billet un peu avant la fin de ma lecture. Et puis il a suffit de quelques pages pour ternir un peu les bonnes impressions que j'en avais. Il est dommage qu'une telle histoire, si intelligemment présentée soit écornée par une fin, à mon avis, presque bâclée tant elle semble assez rocambolesque. Cham a bien de la chance de retrouver ses papiers d'identité volés en début d'histoire. C'est un ressort comme un autre pour illustrer son identité réelle retrouvée. Mais le procédé est assez peu crédible. De plus, si j'aime parfois les fins ouvertes, celles qui laissent au lecteur choisir le sort du personnage principal, ici elle est tellement ouverte, nébuleuse que l'on se perd littéralement. C'est à se demander si l'auteur n'en avait pas assez et voulait en finir au plus vite.

Mises à part ces réserves dommageables, Palestine reste un roman d'une force certaine. Un roman à lire tout de même.

Dédale

Du même auteur : Le peintre d'éventail, Théorie de la vilaine petite fille

Extrait :

L'héritage d'un père libre-penseur, érudit et patriote se résume aujourd'hui au sentiment aigu de l'injustice, à la pitié aussi pour ce peuple de paysans et d'artisans malmenés, à l'incompréhension face à l'occupant abusif et acharné dans sa rancune. Par insigne privilège, toutefois, elle ne saurait haïr quiconque sans trahir les absents. L'adversité pour les siens et tous ceux de sa maison aura plutôt servi l'esprit et l'entendement. Mais elle est seule avec Asmahane. Elle se mord les lèvres en songeant à son frère, aux enquêtes infructueuses menées par les amis de la famille en territoire occupé, dans les prisons israéliennes et même en Jordanie où au Liban. Inscrit par dérogation spéciale à l'université AL-Quds de Jérusalem après deux années brillantes passées à celle d'Hébron, Nessim ne militait ouvertement dans aucune faction. Il était de ceux qui pensent que le pays, à moyen et long terme, aurait davantage besoin de cadres intellectuels que militaires ou politiques. Malgré leur père assassiné, il affichait un foi entière pour le processus de paix et prônait l'instauration d'un État binational, sur les positions de l'ancien parti communiste : une société indivisible avec les mêmes droits partagés, à l'encontre des libéraux au pouvoir, des colons et des dictatures arabes. Falastìn se souvient du grain chaud de sa voix, de son regard perdu, presque effrayé, quand l'un ou l'autre de ses proches brocardait son bel optimisme.


Palestine d'Hubert Haddad - Éditions Le Livre de Poche - 156 pages